Durant la fin de semaine de Pâques, les joueurs ont commencé à arriver en Géorgie pour le tournoi des Maîtres 2018. Cette prestigieuse compétition se distingue des autres par le fait qu’elle est jouée depuis 1934 sur le terrain d’Augusta. Cette année aura ceci de particulier qu’on verra le retour de Tiger Woods. Or qui dit Tiger, dit aussi augmentation en flèche des cotes d’écoute pour les diffuseurs. On a beau dire, ce joueur a révolutionné le golf moderne et est devenu une légende vivante.

Imaginez qu’à 29 ans, en 2005, il remporte son quatrième trophée du tournoi des Maîtres, égalisant la marque d’Arnold Palmer. Seul Jack Nicklaus a fait mieux avec 6 victoires. Qui aurait cependant cru en 2005 qu’il faudrait attendre en 2018 pour que, peut-être, Tiger, maintenant âgé de 42 ans, puisse espérer gagner un cinquième titre.

Qu’est-ce qui rend Tiger si fascinant?

Probablement le fait qu’il a tout bousculé sur son passage dans l’univers du golf. Il est d’abord de la minorité visible. Son père, un Afro-Américain et ancien militaire, et sa mère thaïlandaise font de lui quelqu’un à la peau sombre qui a connu le racisme. Il raconte qu’enfant, on a parfois refusé de le servir dans certains magasins à cause de sa couleur.

De plus, le parcours d’Augusta, où il a connu tant de succès, est réputé pour son conservatisme. Ce terrain privé, longtemps réservé aux hommes blancs, a refusé pendant des décennies d’accepter les femmes et les personnes de couleurs. L’immense talent de Tiger et sa victoire au Master en 1997, alors qu’il n’est professionnel que depuis un an, bouleverse l’ordre établi. Il n’a pas simplement gagné, il a pulvérisé ses adversaires avec le plus bas pointage du Master, la plus grande différence avec le second et son jeune âge.

Les fondations du mythe qui l’entoure étaient créées. Pour des milliers de jeunes, l’espoir de réussir dans ce sport devenait une réalité. Un peu à l’image de Jackie Robinson qui avait ouvert les portes du baseball majeur aux noirs, Tiger venait de montrer que le golf n’était plus une chasse gardée.

Victime de son succès

Tiger (de son vrai nom Eldrick Tont Woods), s’est amené au golf avec une image différente. En très grande forme physique, avec un entraînement qui lui donnait force et endurance, avec une puissance exceptionnelle sur ses coups de départ, avec une précision inouïe sur ses coups d’approche, il brassait la cage aux conventions et amenait une nouvelle ère.

Des milliers de jeunes joueurs ont appris à connaître et pratiquer ce sport dont l’image devenait dorénavant plus attrayante.

Tiger a, en quelque sorte, été victime de son succès. Lui, qui a été l’un des premiers jeunes loups à affronter les parcours professionnels, a été pris comme modèle. En quelques années, des dizaines de jeunes joueurs exceptionnels, de partout dans le monde, ont fait leur apparition imposant leur rythme. On n’a qu’à penser à certains noms comme Rory McIlroy, Jason Day, Rickie Fowler, Justin Thomas ou Jordan Spieth.

Il y a aujourd’hui une véritable meute de jeunes joueurs exceptionnels qui s’attaquent aux plus prestigieux tournois et qui n’ont pas froid aux yeux.

Cette révolution jeunesse est aussi vraie dans d’autres sports. Regardez au hockey, par exemple, comme les joueurs semblent atteindre leur maturité de plus en plus jeune. Un entraînement précoce, spécialisé et adapté, des équipes d’entraîneurs et d’encadrement mieux préparés ont contribué à l’explosion de talents dans la plupart des sports. Dans ce sens, Tiger Woods est l’un des pionniers de cette vague de nouveaux jeunes athlètes et il doit aujourd’hui affronter la nouvelle vague de joueurs.

Tiger reste un modèle

Tiger WoodsPour tout ce qu’il a gagné et fait au golf, Tiger est devenu un modèle. Toutefois, sa descente aux enfers a été bouleversante. Certains diront qu’il a mérité son sort. Ses écarts ont fait la manchette jetant le discrédit sur l’homme. De plus, ses problèmes récurrents au dos l’ont obligé à affronter plusieurs interventions douloureuses. Ces deux éléments expliquent largement la disette de dix ans depuis sa dernière victoire.

Cela dit, son retour cette année démontre également qu’il est possible de se relever. Malgré les erreurs et les blessures, l’effort et la détermination nous donnent l’opportunité de remonter la pente. Dans ce sens, Tiger peut encore servir de modèle de résilience.

D’ailleurs, il n’y a qu’à le regarder marcher sur le terrain pour se rendre compte que l’homme et le joueur exercent toujours une fascination incroyable sur le public. Là où il passe, il y a foule. La Tiger-manie est de retour! Voilà pourquoi il est toujours aussi intimidant pour ses adversaires.

J’ai traité Tiger

J’ai eu le plaisir et l’honneur de rencontrer Tiger à plusieurs reprises. Il serait trop long de relater toute cette expérience pourtant étonnante. Je dirai seulement que j’ai eu à l’évaluer au début des années 2000 et que nous nous sommes immédiatement bien entendus.

À l’une de nos premières sessions, comme tout a cliqué entre nous, il m’a donné un objet fétiche qu’il utilisait alors à tous ses tournois. Il s’agissait d’un marqueur chanceux. Vous savez, ce petit jeton, un peu comme une pièce de monnaie, que les golfeurs mettent sur le vert pour indiquer la position de leur balle. Pour moi, c’était inespéré. Imaginez, recevoir un cadeau personnel de Tiger…

À cette époque, je traitais aussi Madame Jacqueline Desmarais, la célèbre philanthrope montréalaise décédée il y quelques semaines. Au fil des ans, nous sommes devenus très proches. Madame Desmarais aimait le golf et y a joué aussi longtemps qu’elle en a été capable.

Bref, un jour, j’ai été invité à son 80e anniversaire. Pendant un bon moment, je me suis creusé la tête pour tenter de lui trouver un cadeau. Que peut-on, en effet, offrir à une femme qui a déjà tout? C’est alors que j’ai eu une idée. Ce soir-là, en arrivant à la fête, je lui ai remis un petit boitier. Dans celui-ci, j’avais mis le jeton et une note sur laquelle j’avais inscrit : « Marqueur porte-bonheur de Tiger Woods. Bon anniversaire! »

Madame Desmarais avait beaucoup d’affection pour Tiger et a été très heureuse de ce petit présent qu’elle a utilisé tant qu’elle a pu.

Je sais que ça n’a rien à voir, mais je me plais à penser qu’elle peut maintenant, de là où elle se trouve, guider et protéger Tiger. Voilà peut-être qui explique son extraordinaire retour en compétition. Je vous comprendrais d’être sceptique… mais on ne sait jamais!

Quoi qu’il en soit, je lui souhaite la meilleure des chances à Augusta, et, comme des dizaines de milliers d’autres, je le suivrai à ce tournoi.