PONTE VEDRA - Vingt-trois ans après avoir pris la PGA d’assaut à l’âge de 20 ans, vingt-deux ans après avoir signé la première de ses 80 victoires sur le circuit américain et près de onze après son 14e et dernier titre majeur – victoire en prolongation à l’Omnium des États-Unis en 2008 –, Tiger Woods trône encore sur son sport.

 

Rory McIlroy, Justin Thomas, Jordan Spieth, Dustin Johnson et Rickie Fowler sont tous d’extraordinaires golfeurs. Ils sont aussi de grandes vedettes. Eh oui, ils attirent également les foules.

 

Mais personne n’arrive à les déplacer comme Tiger l’a fait encore jeudi lors de la première ronde du Championnat des joueurs sur les allées verdoyantes de Sawgrass.

 

À 13 h 27, lorsqu’il s’est élancé sur le premier tertre, Tiger était mis en joue par des centaines, peut-être des milliers de téléphones cellulaires tenus à bout de bras par autant d’admirateurs qui tenaient à capter le moment.

 

J’étais du groupe.

 

Pourquoi jouer ainsi du coude pour prendre une photo qui, 99 fois sur 100, est de piètre qualité? Parce que c’est Tiger!

 

Car une fois la balle de Tiger arrêtée dans la première coupe d’herbe longue après une envolée de 306 verges, les amateurs ont vite resserré leur cellulaire dans leur poche afin d’être prêts à partir pour aller voir le deuxième coup de Woods.

 

Webb Simpson qui est pourtant le champion en titre du « Players » a bien eu quelques applaudissements polis. Tout comme Patrick Reed qui, en plus d’avoir hérité du titre de « Capitaine America » en raison de ses performances en Coupe Ryder, défendra son titre de champion du tournoi des Maîtres le mois prochain à Augusta.

 

Mais ces marques d’affection n’avaient rien à voir avec l’amour réservé à Tiger.

 

La balle à Tiger!

 

Suivant ce groupe pas à pas le long des neuf premiers trous, les exemples de cette attention se sont multipliés.

 

Après avoir réalisé sa normale au premier trou, Tiger a « tiré » sa balle dans le bois à la gauche de l’allée du deuxième trou. Une longue normale cinq.

 

Trois cents verges plus loin, le bouche-à-oreille avait attisé la frénésie des amateurs qui n’avaient rien vu du coup de départ. Tiger avait frappé sa balle dans le bois et il fallait la trouver. Lorsqu’un «chanceux» a trouvé une balle dans un bosquet, elle est aussitôt devenue la balle de Tiger et les spectateurs se sont agglutinés autour du bosquet.

 

Espérant l’arrivée de leur héros, les amateurs ont eu une première déception, lorsque Patrick Reed s’est approché. Car comme Woods, Reed avait aussi raté son coup de départ. Mais personne ne l’avait réalisé parce que le groupe était trop occupé à chercher « Tiger’s Ball », la balle à Tiger.

 

« Vous avez vu ma balle? » qu’il a lancé en direction du groupe un brin dépité.

 

Une deuxième déception a suivi lorsque Reed a indiqué que la balle bel et bien engloutie dans le bosquet n’était pas la sienne. Il l’a finalement trouvée une trentaine de verges plus loin.

 

Pendant ce temps, Tiger avait frappé un petit coup anodin pour se replacer dans l’allée en route vers une deuxième normale.

 

Au troisième, au cinquième, au neuvième trou : même attention réservée à Woods. Quand je marchais trente verges devant, les « il s’en vient », « prépare la caméra » et « le vois-tu » se multipliaient au même titre que les « l’as-tu vu », « as-tu réussi à prendre une photo », « est-ce qu’il t’a frappé la main » lorsque je marchais trente verges derrière.

 

C’était magique.

 

Campé derrière le vert du 18e alors que j’attendais l’arrivée de Woods et de ses compagnons de jeu, une clameur s’est élevée à l’autre bout de l’allée. Une clameur signée Tiger Woods qui venait de caler un roulé sur le terrifiant vert du 17e pour réaliser un « birdie ».

 

Vide jusque-là, le gazon ceinturant le tertre du 18e trou s’est alors rempli. Les amateurs arrivés trop tard pour trouver un emplacement de choix leur permettant de voir Tiger s’élancer n’ont fait ni un ni deux et ont gambadé le long de l’allée du dernier trou afin d’au moins le voir arriver.

 

Encore là, c’était magique.

 

Bon! J’avais vécu pareilles expériences lors des visites de Tiger à Montréal dans le cadre de l’Omnium canadien et de la Coupe des Présidents. Je l’avais vécu plus encore à la Coupe Ryder disputée à Medinah en 2012.

 

Mais après une si longue pause et des blessures qui ont mis sa carrière en péril et qui minent encore un brin ou deux ses chances de victoires en tournois majeurs ou non, c’était saisissant de voir à quel point Woods, malgré son âge et le fait que des jeunes « bougalous » tentent depuis des années de lui voler sa place, occupe toujours le trône du golfeur le plus adulé de la planète.

 

Et ce sera vrai dans quelques semaines à Augusta encore. À l’Omnium britannique aussi, à l’Omnium des États-Unis et dans tous les tournois où se rendra Woods tant qu’il aura envie de compétitionner. Tant qu’il aura encore la certitude de pouvoir gagner. Tant que son dos lui permettra de jouer… et de bien jouer.

 

À cinq coups des meneurs

 

Car au-delà son palmarès et sa réputation, Tiger mérite aussi d’être suivi parce qu’il réalise encore de beaux et de très beaux coups.

 

Il n’est plus le maître absolu qui trônait sportivement sur le golf comme il le fait encore aujourd’hui au chapitre de la popularité.

 

Mais il a réalisé six oiselets au cours de sa ronde.

 

Un court coup roulé raté au 18e lui a coûté un boguey et l’a contraint à remettre une carte de 70 : deux coups sous la normale, à cinq coups des meneurs Tommy Fleetwood et Keegan Bradley qui ont joué 65.

 

« Je suis content de ma ronde. Le vent était plus présent cet après-midi ce qui a compliqué notre travail et j’espère que ce sera plus calme demain matin pour nous donner la chance de ramener des cartes solides comme l’ont fait les gars qui ont joué ce matin. Je me sens bien. J’ai fait des erreurs, mais je me suis aussi bien repris. Je n’ai qu’une normale sur le neuf de retour aujourd’hui. Dans le passé, j’aurais eu un bien meilleur score avec une seule normale en neuf trous. Mais c’est comme ça. J’espère me reprendre demain matin », a indiqué Woods aux journalistes qui l’entouraient après sa ronde.

 

Autre signe que Woods est encore populaire, Keegan Bradley, pourtant comeneur après la première ronde, a lancé « est-ce qu’il restera quelqu’un? » lorsqu’il a réalisé qu’il suivait Tiger Woods dans l’ère d’entrevues.

 

« On va bien sûr rester pour toi, mais peux-tu nous donner tes commentaires sur la ronde de Tiger », que lui a lancé un journaliste à la blague.

 

Bradley a souri. Il faut dire qu’en plus d’être affable, Bradley a toutes les raisons au monde d’être de belle humeur, car sa performance de jeudi confirme son retour en forme et en force après des années très difficiles.

 

« Je n’ai jamais eu de succès ici, car j’ai toujours été intimidé par le terrain. J’ai changé d’approche depuis l’an dernier. Je suis plus calme devant le défi que le terrain représente. J’ai eu du succès la semaine dernière – à l’Invitation Arnold Palmer à Orlando – même si mon score des deux dernières rondes ne l’indique pas. Il reste encore beaucoup de golf à jouer, mais je suis très heureux de me retrouver en position de tête », a commenté Bradley qui compte quatre victoires en carrière sur le circuit de la PGA dont un titre majeur au championnat de la PGA en 2011.

 

En bref

 

  • Ryan Moore a réalisé un trou d’un coup jeudi alors qu’il a trouvé le fond de la coupe sur son coup de départ au 17e trou. C’était le neuvième tour d’un coup de l’histoire du « Players » au 17e. Le premier depuis celui réalisé par Sergio Garcia il y a deux ans lors de la première ronde. Un total de 857 coups de départ ont été frappés au 17e entre les deux trous d’un coup. L’histoire ne dit pas combien de ces 857 balles ont terminé leur course à l’eau…

 

  • Autre exploit aujourd'hui à Sawgrass, Harris English a réussi un albatros au 11e trou, une normale 5 de 558 verges. Son deuxième coup a trouvé le fond de la coupe. C'est plus difficile encore qu'un aigle au 17e

 

  • À l’opposé du spectre, Kiradech Aphibarnat a connu une ronde catastrophique avec un score de 84. Le pire du plateau. Aphibarnat a pourtant amorcé sa journée avec un oiselet au premier trou. Ce fut son seul de la journée. Il s’est rendu coupable de six bogueys, de deux doubles-bogueys et même d’un triple…

 

  • Wyndham Clark a été disqualifié après sa première ronde en raison du fait qu’il a signé une carte erronée. Clark avait inscrit un quatre sur sa carte au lieu d’un cinq…