Dans quelques heures, je vous livrerai mon analyse de tous les duels de gardiens pour le deuxième tour des séries, dès qu’ils seront connus. Pour l’instant, attardons-nous à la confrontation que nous attendions et que nous suivrons de très près : celle entre Tuukka Rask et Carey Price.

Carey Price vient de connaître une période d’une dizaine de mois qui l’a vu éclore au chapitre de la maturité. De différentes habitudes de travail, une relation étroite avec un nouvel entraîneur en Stéphane Waite et une expérience payante à Sotchi représentent selon moi les faits marquants d’une saison à la hauteur des attentes très élevées, et avec raison, à son endroit. La prochaine étape, le prochain niveau, il débute maintenant pour le numéro 31.

N’ayant pas eu à se dépasser contre le Lightning, il a toutefois su retrouver l’aplomb qu’on lui connaît après avoir connu une première soixantaine de minutes dans cette série plutôt difficile. Le duel tant attendu entre Price et Ben Bishop n’a jamais eu lieu. Être solide aura suffi pour battre Lindback et Gudlevskis. L’histoire risque d’être différente pour surpasser Rask et les Bruins.

Bien qu’un gardien n’affronte véritablement que les tireurs de l’équipe à laquelle il fait face, les performances du gardien d’en face peuvent affecter l’état d’esprit d’un cerbère. Price a toutefois prouvé, lors du récent tournoi olympique, contre Gudlevskis et la Lettonie entre autres, qu’il a aujourd’hui les outils pour gérer une telle situation. C’est dans une bulle du même genre que celle qu’il s’était créée en Russie qu’il devra se retrouver pour la deuxième ronde.

Côté technique, il devra s’assurer de repérer et de bien suivre des yeux les rondelles dirigées vers son bouclier afin que la tendance d’y allouer des buts ne devienne pas source de distractions. Une fois la nervosité du premier match au Tampa Times Forum dissipée, il s’est remis à se déplacer avec précision sur ses lames de patins, et non sur ses genoux, de sorte qu’il devenait intimidant pour les tireurs adverses en étant constamment bien positionné. Il a excellé dans la circulation générée par Tampa, mais il devra redoubler d’ardeur pour composer avec celle qu’enverra vers lui les colosses des Bruins.

Son contrôle des rebonds, toujours excellent, devrait lui permettre de gérer à sa guise le rythme du match et l’emplacement des mises en jeu dans son territoire, un aspect non négligeable contre des joueurs de centre de la trempe de Patrice Bergeron et compagnie. Finalement, il voudra trouver un moyen d’être plus confortable lors des jeux d’angle restreint près de ses poteaux, le droit en particulier, aspect à améliorer pour lui.

De son côté, Tuukka Rask, fort d’une nomination à titre de finaliste pour l’obtention du prochain trophée Vézina, amorce cette série face au CH avec beaucoup de confiance. Il en aura besoin, car soyez assurés que sans nécessairement connaître sa fiche exacte face à Montréal, il sait très bien qu’il n’affronte pas une équipe contre laquelle il a eu beaucoup de succès. Pour l’avoir vécu, je vous confirme que malgré le fait que le compteur retombe à zéro dans l’après-saison, un gardien a toujours ses équipes « préférées » et ses « bêtes noires », peu importe le moment de l’année.

Contrôlant beaucoup mieux ses émotions qu’à ses débuts professionnels, Rask semble toutefois avoir la force de faire fi de ses piètres statistiques face aux Canadiens. Depuis le tout début de la saison, il a été le plus constant de tous les gardiens de la LNH. Son taux d’efficacité contre les Red Wings (,961) est tout simplement épatant. Il a su garder son équipe dans le match au seul moment où la série contre Detroit aurait pu basculer, soit lors de la première période du quatrième match de la série dominée 15-5 au chapitre des tirs par l’équipe en rouge. Sans broncher, d’un calme olympien, il a permis à son équipe de retrouver ses repères, de revenir dans le match et de l’emporter en prolongation. Voilà la tâche première d’un gardien de premier plan, même avant le concept de « voler » un match.

Comment battre Tuukka Rask?

Techniquement solide, Rask excelle pour maîtriser les rondelles avec ses mains et aussi lorsqu’il doit sortir de sa zone de confort pour effectuer des arrêts in extremis. Il se complique rarement le travail avec des décisions risquées et est puissant dans ses déplacements latéraux. Il peut parfois avoir tendance à être surpris en étant trop agressif et en négligeant certaines options que sa défensive aguerrie a l’habitude de neutraliser. Il reste également parfois collé à ses poteaux lorsqu’une passe provient de l’arrière de son filet, ne venant pas réduire l’espace entre lui et le tireur. Finalement, et peut-être le plus important des aspects à exploiter contre Tuukka Rask, s’il contrôle souvent les tirs hauts, il donne cependant de longs rebonds avec ses jambières pouvant mener à des mêlées près de son demi-cercle.

Avec la volonté de pousser plus loin mon analyse, j’ai fait appel à l’aide de quelques experts du milieu des gardiens toujours impliqués dans la LNH ou qui l’ont été récemment afin de départager ce duel. La seule donnée unanime que j’ai été capable de colliger est que nous avons devant nous une confrontation entre deux des cinq meilleurs gardiens du circuit. Un duel au sommet nous attend donc. Ah oui, et les experts consultés sous le couvert de l’anonymat et après de longues explications qui trahissaient leur hésitation, sont d'une égalité parfaite en ce qui a trait au gardien qui part favori… À suivre!