MONTRÉAL – En plus de 50 ans de carrière avec le Canadien de Montréal, le Dr. David Mulder a presque tout vu, le livre qu’il a publié en témoigne à merveille. À son avis, Carey Price sera en mesure de poursuivre sa carrière pendant quelques saisons et il comprend que Jonathan Drouin désire obtenir un deuxième avis médical. 

Avant son arrivée avec le Tricolore, à l’époque des Maurice Richard et Elmer Lach, les joueurs avaient l’habitude d’enfiler leurs protège-lames pour se rendre eux-mêmes, en marchant, à l’aile ouest de l’Hôpital général de Montréal. 

Plusieurs décennies plus tard, malgré la fabuleuse évolution de la médecine sportive dont Dr. Mulder a été un témoin et un contributeur, la remise en forme de Price stagne.  

« Ce fut très difficile pour lui, la remise en forme de son opération à un genou a été tellement plus longue que tout le monde prévoyait. Mais il progresse et il est tout un guerrier, il travaille très fort pour revenir au sommet. Son but a toujours été d’y parvenir dès que possible et j’espère qu’il y parviendra », a soumis Dr. Mulder qui a fait son entrée avec le Canadien Junior en 1963 et le CH en 1969. 

À 83 ans, il occupe encore le poste de médecin en chef du Canadien et il s’est impliqué dans ce dossier. 

« On l’a rencontré au départ avec sa blessure et il voulait aller à New York pour l’opération ce qui arrive parfois. On encourage les joueurs à se faire opérer à Montréal puisque c’est plus facile à superviser, mais il est allé voir un groupe très bien établi là-bas. Ensuite, on a suivi sa remise en forme de très près à partir d’un programme effectué par nos thérapeutes. Il a dû composer avec plusieurs reculs », a-t-il expliqué au RDS.ca. 

En évaluant le portrait au moment de l’entrevue, effectuée jeudi, Dr. Mulder continue de croire que Price sera en mesure de disputer quelques saisons de plus. 

« Je crois que oui, il effectue de beaux progrès. Bien des gardiens doivent se contenter d’une carrière assez courte, mais je prévois qu’il sera de retour », a-t-il jugé. 

On le sait maintenant, le dossier de Price ne se résume pas au volet sportif. Dr. Mulder s’est impliqué auprès d’athlètes dont les blessures ont eu de grandes implications dans leur vie personnelle. Le récit des histoires de Saku Koivu et Trent McCleary est fabuleux à lire dans Hockey Doc, Cinquante ans d’anecdotes médicales avec le Club de hockey Canadien qui est désormais disponible en français. 

« On l’a aidé de notre mieux sauf que le programme d’aide la LNH récupère ce type de dossiers pour l’accompagnement. Mais j’ai toujours été là pour l’aider pour n’importe quel enjeu personnel », a indiqué celui dont l’ultime compliment a été d’être décrit comme le « Jean Béliveau de la médecine sportive » par Ron MacLean. 

Au cours des derniers jours, Jonathan Drouin a manifesté son désir d’obtenir un deuxième avis médical. L’attaquant souhaite éviter une opération au poignet droit alors que l’équipe médicale du Canadien considère que c’est plutôt la meilleure option. 

« On voit toujours d’un bon œil une telle demande, peut-être qu’un autre spécialiste aura une meilleure idée que nous. Mais on est plutôt convaincus qu’il devrait être opéré. Ce n’est pas une opération majeure, il devrait pouvoir être prêt pour la saison prochaine et on respecte toujours l’opinion du joueur », a réagi Dr. Mulder qui lui prévoit une remise en forme de deux à trois mois. 

Drouin écoulera la dernière année de son contrat la saison prochaine et il voudrait prouver qu’il mérite de rester à Montréal en profitant des conseils de Martin St-Louis. Une composante affaires s’ajoute ainsi à l’équation.

« C’est toujours la chose la plus difficile. Récemment, on a perdu Ben (Chiarot) et Artturi (Lehkonen). On avait pris l’habitude de s’occuper d’eux, d’en prendre soin. On comprend que c’était nécessaire pour le bien du club, mais voilà ce que je trouve le plus difficile au fil des années. Ce n’est pas évident pour les amitiés tissées. Au moins, on parvient à garder contact avec la majorité des joueurs, que ce soit P.K. Subban ou les autres », a évoqué celui qui rêvait de jouer dans la LNH durant son enfance en Saskatchewan. 

La ruse avec Roy en 1994, le lien étroit avec Béliveau jusqu'à la fin

Si le retour au jeu de Saku Koivu en avril 2002 après une bataille contre un cancer a été le moment le plus émotif de la carrière Mulder, voici une anecdote savoureuse au sujet de la crise d’appendicite de Patrick Roy en avril 1994. 

Les sorties de l’hôpital étaient bloquées par une imposante présence médiatique alors que Roy voulait tester ses capacités physiques lors de l’entraînement au Forum. Voici l’extrait de l’idée ingénieuse proposée par un collègue de Dr. Mulder. 

« ‘C’est facile, passez par la morgue’. J’ai donc descendu avec Patrick jusqu’au service de pathologie au troisième étage. J’avais garé ma voiture à l’intérieur et Patrick s’est étendu sur le siège arrière. Nous avons pris la sortie de l’avenue des Pins et nous sommes entrés au Forum parle le garage du boulevard de Maisonneuve. Patrick s’est entraîné avec l’équipe et a pris part au match, stoppant trente-neuf rondelles dans une victoire de 5-2. »

En passant plus d’un demi-siècle comme témoin privilégié des péripéties du Canadien, le Dr. Mulder a confondu des sceptiques. 

« C’est fantastique, bien des gens en médecine et du côté académique se demandaient pourquoi je m’impliquais avec le Canadien à l’époque. Mais j’ai tant appris des gens du hockey comme Toe Blake, Scotty Bowman et Sam Pollock, ils étaient tous des héros à mes yeux. Ça rendait mon travail si intéressant et ils ont fait de moi un meilleur docteur en m’apprenant plusieurs leçons », a-t-il confié. 

Tout ce parcours a été possible grâce au Dr. Douglas Kinnear qui l’a embauché. Même s’il décédé, le Dr. Kinnear a joué un grand rôle dans ce livre. Il avait conservé des archives de plusieurs moments marquants de sa carrière ce qui a permis relater le tout. Les anecdotes avec le divertissant Gump Worsley sont hilarantes. 

« Avant d’aller se coucher, l’arbitre Red Storey avait aperçu Worsley au bar de l’hôtel. Gump et Storey ont bu et bavardé jusqu’à deux heures du matin environ. Finalement, Red lui a demandé : ‘Ça ne me regarde pas, mais tu ne gardes pas les buts ce soir ?’ Et Gump lui a répondu : ‘T’as bien raison, ça ne te regarde pas’. »

Présence rassurante et médecin dévoué, Dr. Mulder a aidé tant d’athlètes au cours de sa carrière. Fier de son travail, il retient toutefois davantage les relations bâties avec eux. Il aura même accompagné Jean Béliveau jusqu’à la fin de sa vie. 

« Après sa retraite, on est devenus de grands amis. Il venait toujours nous parler, à Dr. Kinnear et moi, aux matchs. Il a eu des ennuis de santé et on a pu l’aider. Il a toujours été très reconnaissant », a conclu Dr. Mulder qui cèdera, quand il sera prêt, son poste avec la tête en paix car la relève est prête à continuer l’héritage qu’il laissera.