MONTRÉAL - Kent Hughes venait d’assister impuissant à une première période tout à l’avantage des Oilers d’Edmonton, samedi soir, au Centre Bell, lorsqu’il m’a invité à m’asseoir autour de l’une des tables disposées dans sa loge.

 

Flanqué de son patron Jeff Gorton et de l’un de ses principaux adjoints John Sedgwick, il venait de voir son équipe encaisser trois buts sans riposte. Trois buts accordés sur les dix tirs des Oilers. Incapable de générer quoi que ce soit en attaque, le Canadien tirait déjà de l’arrière 3-0.

 

Le match était déjà joué. Le Canadien allait perdre une fois de plus. Une 28e fois en temps réglementaire cette année. Une 35e fois en 44 matchs depuis le début de la saison. Il ne restait qu’à déterminer par quel score il allait perdre.

 

Le Canadien a marqué deux fois. L’ennui c’est que les Oilers ont marqué 138 secondes après le premier but, celui de Josh Anderson, et 24 secondes après celui de Tyler Toffoli, qu’ils ont ajouté deux autres buts pour finalement l’emporter 7-2.

 

Pour une troisième partie de suite, pour la huitième fois lors de ses 14 derniers matchs, pour la 17e fois cette saison le Canadien n’a pas seulement perdu : il a accordé cinq buts ou plus à son adversaire.

 

« C’est difficile », a lancé Kent Hughes.

 

Incapable de dissimuler sa déception derrière le masque de procédures qui lui couvrait le visage, le nouveau directeur général a rapidement ajouté qu’il ne fallait pas laisser la déception normale associée aux défaites qui se multiplient prendre le dessus.

 

« Il n’est pas question de paniquer, que Hughes s’est assuré de marteler. Bien qu’il soit difficile de voir les défaites s’accumuler et qu’il est évident que nos joueurs sont découragés, il ne faut pas perdre de vue que toutes les décisions que nous avons à prendre auront comme objectif d’améliorer l’équipe à long terme. »

 

Ducharme, Chiarot, Petry

 

Je veux bien.

 

Mais les défaites qui s’accumulent et surtout le fait que les joueurs semblent refuser d’offrir l’effort nécessaire pour éviter que les défaites ne se transforment en raclées obligeront sans doute l’état-major à prendre des décisions plus rapidement. Surtout que des équipes appellent le Canadien pour s’enquérir de la disponibilité de certains joueurs et que d’autres ont indiqué à la direction qu’ils aimeraient bien changer de club.

 

Kent Hughes demeure prudent quand on lui demande quels joueurs du Canadien sont les plus courtisés. Il confirme toutefois les nouvelles émanant des quatre coins de la LNH à l’effet que plusieurs clubs aimeraient ajouter Ben Chiarot à leur brigade défensive.

 

Il devient plus prudent encore lorsqu’on lui demande s’il est vrai que Jeff Petry, dont l’épouse qui dénonce les normes sanitaires imposées au Québec est demeurée aux États-Unis avec ses trois enfants, a réclamé une transaction.

 

« Nos joueurs, comme les partisans, comme vous les journalistes sont affectés par les défaites. Ils sont découragés. C’est normal. On a rencontré plusieurs de nos joueurs au cours des derniers jours. On les rencontrera tous pour justement identifier ceux autour de qui nous voulons construire, ceux qui veulent rester et ceux qui aimeraient mieux partir », que le 18e directeur général a reconnu lors de notre entretien.

 

Et l’entraîneur-chef? Bien qu’il ait obtenu un vote de confiance de la part de Jeff Gorton et de Kent Hughes, Dominique Ducharme peut-il vraiment survivre aux défaites, voire dégelées, en série qui s’accumulent?

 

Hughes se rabat à nouveau sur l’importance de ne pas paniquer. Et c’est normal. Non seulement doit-il respecter l’entraineur-chef en place, un entraîneur-chef qui est bien meilleur que les résultats ne l’indiquent, un coach qui est victime des blessures en séries qui minent son équipe, mais le Canadien n’a pas encore demandé de permissions pour parler à des successeurs éventuels. Du moins pas encore.

 

Le Canadien pourrait toujours demander à Luke Richardson de prendre la relève pour compléter la saison. Cela dit, la haute direction a encore en mémoire les contrecoups de l’arrivée de Randy Cunneyworth en relève à Jacques Martin alors qu’un anglophone s’était retrouvé derrière le banc.

 

S’il est clair que l’entraîneur-chef du Canadien de Montréal doit parler français, la présence de Richardson en relève, et par intérim, pourrait être acceptée. Du moins, il me semble.

 

L’avenir du coach ne semble pas être une question à laquelle l’état-major tient à répondre à très court terme.

 

On verra!

 

Parallèlement aux rencontres avec les joueurs, Kent Hughes et Jeff Gorton travaillent étroitement avec tous ses dépisteurs professionnels qui sont réunis à Montréal depuis quelques jours.

 

La direction utilise les données colligées par ses dépisteurs pour identifier les joueurs qui intéressent le Canadien dans sa quête de renflouer l’alignement avec des jeunes, ou moins jeunes, qui répondent davantage aux nouveaux critères établis par l’état-major en matière de talent et de caractère.

 

Price décidera, Weber de retour?

 

Bien que les rencontres avec tous les joueurs de l’organisation et que les stratégies établies avec les dépisteurs soient importantes, une rencontre sera plus cruciale encore : celle avec Carey Price.

 

Opéré à un genou l’été dernier, aux prises avec des ennuis personnels qui l’ont contraint à s’inscrire au programme conjoint de la LNH et de l’Association des joueurs afin de régler un ou des problèmes reliés à des substances indéterminées, Carey Price rencontre les médias pour la première fois depuis la finale de la coupe Stanley dimanche.

 

Après avoir répondu aux questions des journalistes, il répondra aux nombreuses questions de l’état-major.

 

« Nous devons parler avec Carey car les réponses qu’il nous donnera auront un impact direct sur la suite des choses avec nous. On a besoin de connaître ses intentions c’est clair. On a aussi besoin de voir à quel point il est remis de sa blessure. Un Carey en pleine forme nous permet de compter à nouveau sur l’un des meilleurs gardiens de la Ligue », convient Kent Hughes.

 

Quand on fait remarquer au nouveau directeur général qu’il a établi lors d’une récente entrevue que son gardien comptait parmi les intouchables du club, Kent Hughes nuance ses propos. « Carey a des closes dans son contrat qui font qu’il est le seul à pouvoir décider s’il veut partir. Nous ne pouvons pas l’échanger sans sa permission. S’il nous indique qu’il veut partir, les choses deviennent différentes. Mais nous ne sommes pas rendus là. »

 

S’il est clair que l’absence de Carey Price a déjà coûté plusieurs défaites au Canadien cette saison et qu’elle en coûtera encore bien d’autres, l’absence du capitaine Shea Weber a créé un grand vide à la ligne bleue. Un plus grand vide encore au sein du vestiaire où l’absence de son leadership se traduit par une équipe qui joue sans conviction sur la patinoire. Par une équipe qui abandonne rapidement et trop souvent quand l’adversaire prend les devants.

 

Kent Hughes acquiesce de la tête lorsque je lui fais remarquer que même blessé, Shea Weber pourrait aider le Canadien. Que le capitaine, qui est toujours payé par l’organisation, pourrait très bien être invité à être davantage présent dans l’entourage de l’équipe pour justement assumer un rôle de leader qui pourrait aider Dominique Ducharme à faire passer ses messages et surtout à les faire comprendre ou accepter.

 

Bien que sa carrière soit en péril et peut-être même déjà terminée, Shea Weber pourrait intéresser des équipes. En fait, son contrat pourrait intéresser plusieurs clubs qui profiterait d’un riche contrat sous le plafond – moyenne de 7,857 millions $ sous le plafond pour les quatre prochaines saisons – alors qu’ils n’auraient qu’à lui verser six millions en salaire pour la même période.

 

À ce titre, les avantages qu’accorde le contrat de Weber en matière de gestion du plafond pourraient être très utiles au Canadien comme à toutes les autres formations. Comme ancien agent de joueur, Kent Hughes comprend très bien cette situation qui pourrait lui permettre de monnayer le contrat de Weber. Mais il semble avoir d’autres intentions à l’endroit de celui qui est encore capitaine.

 

« Nous avons des propositions à faire à Shea qui pourrait être un grand atout au sein de l’organisation avec son expérience et ses qualités de joueur, de leader. Je ne sais pas encore dans quel rôle cela pourrait se traduire, mais nous avons des plans pour Shea afin de le garder avec nous », a précisé Kent Hughes.

 

Des statisticiens avant un adjoint au DG

 

Depuis la confirmation de son embauche, Kent Hughes n’a pas eu le temps de souffler. Il est allé rejoindre le club à Las Vegas, il a rencontré ses joueurs, les membres de son équipe et a assisté à cinq matchs que son équipe a perdus.

 

Il a aussi multiplié les entrevues. Il sera d’ailleurs à Tout le monde en parle dimanche soir – l’entrevue sera enregistrée avant le match opposant le Canadien aux Blue Jackets – en plus de répondre aux questions d’autres journalistes dans le cadre de rencontres individuelles.

 

Pendant que ses joueurs profiteront de la pause d’une semaine qui débutera lundi pour se reposer, Kent Hughes prendra les bouchées doubles.

 

« On doit plonger dans les dossiers. Pour éviter de céder à la panique, il faut être très bien préparé. On le saura que ce soit pour la date limite des transactions (21 mars) ou les autres étapes importantes qui s’en viennent. Comme le repêchage. »

 

Bien que le travail soit abondant, Kent Hughes ne croit pas qu’il procédera à l’embauche d’un autre adjoint à court terme. Il a déjà trop de dossiers à s’occuper en parallèle.

 

« Nos prochaines embauches seront effectuées au sein de l’équipe de statistiques avancées. Il est important d’avoir cette équipe en place pour analyser les données associées à nos joueurs et aux autres autour de la LNH. Pour analyser les jeunes qui sont dans notre mire pour le repêchage. C’est là que je concentre mes efforts à court terme. Mais je dois aussi retourner à Boston pour aller chercher mes effets personnels. Je suis venu à Montréal avec deux habits lorsque j’ai été embauché. Ce n’est pas assez », s’est permis d’ajouter Kent Hughes en ricanant pour la première fois de l’entretien d’une quinzaine de minutes qui s’est entièrement déroulé en français. À sa demande.

 

Une fois le sourire passé, il a retrouvé son air sérieux avant de marcher vers la loge où l’attendait Jeff Gorton. Les deux hommes ne le savaient pas encore, mais le pire était à venir… Du moins à court terme.

 

Car pour le long terme, Kent Hughes semble convaincu que le meilleur est à venir. La question est de savoir dans combien de temps. Car de dernier qu’il est au classement général cette année, le Canadien ne pourra que s’améliorer au fil des ans. Le contraire serait décevant. Mais combien d’années lui faudra-t-il pour y arriver?

 

« Ce n’est pas le temps qu’il faudra pour y arriver qui compte à mes yeux. C’est de m’assurer que toutes les décisions qui seront prises nous permettront de bâtir sur du solide. Qu’elles nous permettront de toujours aller de l’avant. »