MONTRÉAL - Le fait que le Canadien ait été éclipsé en cinq matchs par le Lightning en finale de la coupe Stanley ne doit pas ternir l’ampleur de l’exploit accompli au cours des dernières semaines.

Car oui, le Canadien sort grandi des séries.

Vrai que le Tricolore n’a pas fait pas le poids contre le Lightning. Mais cette équipe qui a été la dernière à confirmer sa place en séries s’est quand même rendue en finale de la coupe Stanley. Elle a éliminé au passage les Maple Leafs de Toronto, champions de la division canadienne et les Golden Knights de Las Vegas qui affichaient le plus de victoires en saison régulière, qui ont terminé au deuxième rang du classement général et qui ont éliminé l’Avalanche qui les avait devancés.

Ce n’est pas rien.

Quelles conclusions tirer de cette surprenante et néanmoins impressionnante ascension en séries ?

Qu’il n’y a rien de réducteur à se «contenter» de viser une place en séries au lieu de se bomber le torse en parlant de la coupe Stanley dès l’ouverture des camps d’entraînement.

Dans la LNH d’aujourd’hui, une place assurée en séries est un privilège réservé à quelques équipes seulement.

Et dans la LNH d’aujourd’hui, une fois en séries il est vrai que tout peut arriver. Le Canadien l’a prouvé cette année.

Mais bien qu’il sorte grandit des séries et en dépit sa présence en grande finale, le Tricolore repartira à la case départ encore l’an prochain.

Eh oui !

Au-delà de tout ce qu’il a fait de bien et de bon, au-delà de tout ce qu’il a accompli depuis qu’il a amorcé sa remontée victorieuse aux dépens des Leafs, au-delà la confiance et la passion retrouvées des partisans à l’endroit de leurs favoris, le Canadien ne sera pas assuré d’une place en séries pour autant l’an prochain.

Surtout avec le retour d’une saison de 82 matchs. Avec le retour des équipes au sein de leurs divisions normales. Avec le retour des paramètres normaux qui régissent l’accès aux séries.

Le Canadien devra se battre avec le Lightning, les Panthers, les Leafs et les Bruins pour obtenir l’une des trois premières places de la division atlantique.

Le Canadien a tout donné malgré la défaite

Pas évident.

Les deux clubs écartés de cette course à cinq – et attention ! Ottawa pourrait s’ajouter – devront rivaliser avec les exclus des trois premières places de la division métropolitaine. Quand on considère que les Caps, les Islanders, les Hurricanes, les Rangers, les Penguins et les Flyers s’y battront, ça donne une idée du défi qui se dressera devant le Canadien et tous ses rivaux.

Si, malgré les succès des dernières semaines, il est impossible de déjà assurer une place en séries au Canadien, il est tout à fait possible de prétendre qu’il partira avec autant de chances d’y arriver que la majorité de ses rivaux directs dans l’Atlantique, que ses rivaux indirects de la Métropolitaine.

C’est au moins ça de gagner.

Un intérim à biffer

Autre conclusion à tirer, il est évident que le temps est venu de biffer le mot intérim accolé au nom de l’entraîneur-chef Dominique Ducharme.

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À moins que Marc Bergevin ne soit remercié, qu’il décide de faire faux bond au Canadien avec encore un an de contrat en poche ou qu’il prenne sa retraite comme il l’a lancé en boutade alors qu’il souhaitait soulever la coupe Stanley en lever de rideau de la grande finale, Ducharme mérite pleinement le job qu’il a hérité en cours de saison.

Rien n’a été facile pour Ducharme. En fait, tout a été difficile alors qu’il a peiné à afficher de meilleurs résultats en saison régulière que le coach d’expérience qu’il a remplacé au pied levé. Alors qu’il a dû composer avec des cas de COVID-19, dont le sien qui l'a gardé à l’écart de son équipe.

En dépit toutes les difficultés qu’il a affrontées, Ducharme a réussi à rester calme, à garder le contrôle de son équipe et à mener cette équipe vers des succès que personne, ou pas grand monde, ne croyait atteignables.

D’où ma prétention selon laquelle il doit demeurer en poste quitte à ce que son contrat soit associé à celui de son patron. C’est-à-dire qu’il n’obtienne qu’une saison de plus en attente de voir ce que Geoff Molson réserve à Marc Bergevin.

Enfin un vrai premier centre, un vrai premier trio

Sur la patinoire, les séries ont levé le voile sur de bien bonnes nouvelles. Sur d’autres, un brin moins bonnes et peut-être même deux brins inquiétantes.

Dans les bonnes nouvelles, on peut lancer sans trop de risques de se tromper que :

Le Canadien a finalement trouvé son premier joueur de centre en Nick Suzuki. Que Cole Caufield et Josh Anderson pourraient permettre à Suzuki de pivoter un vrai premier trio.

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Que Carey Price a prouvé à ceux et celles qui en doutaient beaucoup en saison régulière qu’il est toujours l’un des meilleurs gardiens de la Ligue. Qu’il est toujours la pierre d’assise du Canadien.

Que Phillip Danault est un centre d’une très grande efficacité et qu’il faudra réaliser son importance au sein de l’équipe lorsque viendra le temps de mener des négociations contractuelles qui s’annoncent difficiles. Une importance qui dépasse de beaucoup le simple fait qu’il soit un petit gars de la place.

Que Joel Armia est un joueur que le Canadien a besoin de garder au sein de son alignement afin de conserver la profondeur nécessaire pour composer avec les aléas d’une longue saison et s’assurer de prolonger le plus possible l’aventure en séries

Qu’après une saison régulière difficile au cours de laquelle il était évident que le capitaine avait perdu un brin ou deux de son ascendant sur ses adversaires, Shea Weber a régné en maître en zone défensive pour protéger son gardien et imposer sa loi. Vrai que Weber a profité des règles beaucoup plus élastiques une fois en série pour compenser sa perte de vitesse, mais il s’est imposé quand même.

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Que Ben Chiarot et Joel Edmundson sont et seront encore l’an prochain des fantassins très utiles dans les guerres de tranchées.

Que les blessures ont empêché Brendan Gallagher, Jeff Petry et Tyler Toffoli de maximiser leur contribution offensive. Une fois en grande finale, le Canadien avait besoin d’obtenir bien plus de la part de ces trois joueurs. Ils n’ont pas été en mesure de le faire et cela a miné les chances du Canadien de prolonger la série. Mais qu’en santé et en forme, ces joueurs peuvent relever des rôles importants au sein de l’équipe.

Que Jake Evans est maintenant un membre du Canadien à part entière et qu’il mérite qu’on lui confie le quatrième trio l’an prochain.

Que Paul Byron malgré les 3,4 millions qu’il encaissera pour les deux prochaines saisons et Artturi Lehkonen sont des actifs pour le Canadien et pourraient le devenir pour le Kraken de Seattle si Ron Francis décidait de se tourner vers l’un des deux dans le cadre du repêchage d’expansion.

Que Corey Perry, malgré le fait qu’il patine lentement quand il est reposé et très lentement quand il est à bout de souffle, a rendu tellement de bons services, sur et à l’extérieur de la patinoire qu’il serait utile, voire nécessaire, de compter sur lui encore l’an prochain. À bon prix bien sûr, c’est à dire à moins d’un million $ pour la saison.

Qu’Alexander Romanov sera bien meilleur à sa deuxième saison alors qu’il aura appris un mieux contenir ses élans sur la patinoire et qu’il aura compris que si c’est bien de donner aux partisans ce qu’ils aiment voir et de devenir un favori de la foule, c’est bien mieux de donner à tes coachs ce qu’ils attendent de toi et de profiter de la confiance de tes coéquipiers.

Qui est Jesperi Kotkaniemi ?

Dans la catégorie des conclusions moins positives dictées par les séries qui ont pris fin mercredi, celle associée à Jesperi Kotkaniemi vient en tête de liste.

Le fait que l’on soit toujours incapable, après trois saisons et après deux aventures en séries éliminatoires, de répondre à la question : qui est Jesperi Kotkaniemi soulève un peu, pas mal, beaucoup d’inquiétude.

Du moins selon moi.

KK est encore jeune en âge. C’est tout à fait exact. Il est toujours doté d’un talent indéniable tant il saute aux yeux.

Mais le fait que Dominique Ducharme ait décidé de lui préférer Jake Evans pour mousser les chances de remontée du Canadien en grande finale n’aide en rien à dissiper les doutes associés à KK.

Contrairement à Suzuki qui a pris son envol à sa deuxième année ; contrairement à Cole Caufield qui, après avoir bénéficié – je crois toujours que c’était la meilleure décision à prendre – des deux premiers matchs de la série contre Toronto pour regarder et comprendre ce qui l’attendait, s’est hissé parmi les meilleurs de l’équipe; contrairement à Alexander Romanov à qui on peut reprocher de vouloir trop en faire et de vouloir tout faire en même temps sur la patinoire, KK n’en fait juste pas assez.

Non seulement ses performances déçoivent, mais on peut mettre son niveau d’implication en question. Car quand c’est facile sur la patinoire, il trône. Mais dès qu’il est marqué et que les choses sont plus ardues, il s’efface et disparaît.

Il est encore trop tôt pour perdre confiance. Ou pour paniquer. Mais il est inquiétant de voir que celui qui devrait se battre avec Nick Suzuki pour le poste de centre numéro un ou à tout le moins d’hériter du poste de numéro deux, vient d’être chassé de la formation par Jake Evans.

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Est-ce que sa quatrième saison sera la bonne dans le cas de KK ? Ou est-ce que cette saison confirmera les doutes affichés par ses détracteurs depuis que le Canadien l’a préféré à Brady Tkachuk au repêchage de 2018 ?

La réponse à cette question pèsera lourd dans les succès ou insuccès du Canadien la saison prochaine.

Autre question importante ? Quel est l’avenir de Jonathan Drouin avec le Canadien ? En fait : a-t-il encore un avenir avec le Tricolore.

Le jeune homme a des choses à régler hors de la patinoire afin de se donner la chance d’être à la hauteur sur la glace. Il doit retrouver la confiance en lui, le plaisir de jouer, le goût de performer.

J’ai l’impression, et ce n’est qu’une impression que cette quête c’est ailleurs qu’à Montréal qu’il pourra la réaliser.

Mais si Drouin quitte et puisqu’il est clair que Tomas Tatar ne fait plus partie des plans du Canadien qui l’a balayé du revers de la main au lieu de l’appeler en renfort en séries, il y aura un méchant vide à combler sur le flanc gauche la saison prochaine.

On a vu Suzuki, un droitier, à gauche très souvent cette saison. Est-ce qu’on mutera Cole Caufield ou Josh Anderson à gauche si on décide de les garder tous les deux avec Nick Suzuki ?

Est-ce qu’il faudra que le Canadien transige un ou des espoirs pour combler ce manque à gagner ?

Plus grave encore : est-ce qu’en dépit tous ses ennuis à respecter le plafond salarial la saison dernière, le Canadien aura l’espace nécessaire sous un plafond qui restera stable pour s’offrir un ailier d’impact sur le flanc gauche ?

L’expérience Eric Staal n’a pas eu que du négatif. Mais elle ne mérite pas d’être prolongée l’an prochain. Pas plus que celles associées à Jon Merrill et surtout Erik Gustafsson. Ils n’ont pas été aussi mauvais que plusieurs l’ont prétendu, mais ils n’ont pas été meilleurs que le valeureux Brett Kulak qui mérite une étoile tout en haut de son bulletin ne serait-ce que pour avoir gardé son calme dans tout ça et maintenu sa confiance. Ou avoir donné l’impression qu’il l’a maintenue.

Est-ce qu’on verra Cale Fleury avec le grand club l’an prochain après une éclipse d’une saison ?

Est-ce que le Rockets offrira au Canadien une ou des surprises lors du prochain camp ?

Il faut déjà préparer demain

Pendant que les partisans épongent leur déception de la défaite en cinq matchs en grande finale avec tout ce que le Canadien leur a fait vivre depuis le début de séries, l’état-major du Tricolore jongle déjà avec toutes ces questions. Et aussi, et surtout, avec les moyens à prendre pour trouver les réponses qui auront les répercussions les plus positives possible.

Les premières réponses tomberont avec le repêchage d’expansion.

Les autres dans les jours qui précèderont le «vrai» repêchage alors que parallèlement à la chasse aux jeunes espoirs, le Canadien et ses rivaux pourront fourbir leurs armes en vue de l’ouverture de la chasse aux joueurs autonomes.

Près de six mois après le premier match de la saison 2021, une saison particulière qui passera à l’histoire et au cours de laquelle le Canadien a atteint des sommets très hauts, mais s’est aussi perdu dans des ravins très profonds, le temps est déjà venu de préparer la saison qui s’en vient.

Car elle commencera après-demain.

D’ici là : bon été, bon golf. Bien que la situation s’améliore, demeurez prudents et vigilants afin qu’on puisse retrouver un brin de normalité sur la patinoire et dans les gradins dans moins… de trois mois!