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Le 8 février 2018, après avoir investi plus d’un milliard $ dans les rénovations du Madison Square Garden, le propriétaire des Rangers de New York a donné le feu vert à la reconstruction de son équipe de hockey.

De tous les joueurs qui défendaient les couleurs des Blueshirts lorsque la direction a envoyé une lettre à ses partisans pour annoncer la reconstruction de l’équipe quatre seulement affrontaient le Canadien mardi.

Parce qu’Alexandar Georgiev agissait à titre d’auxiliaire au gardien partant Igor Shesterkin, trois seulement : Chris Kreider, Mika Zibanejad et Filip Chytil ont contribué directement à la victoire aux dépens du Canadien.

Annoncée avec fracas, la reconstruction des BlueShirts ne s’est pas faite sans heurt : les entraîneurs-chefs Alain Vigneault et David Quinn – de même que leurs adjoints – ont été limogés au fil de cette reconstruction; Jeff Gorton, le directeur général qui a orchestré les grandes rénos, a lui aussi perdu son emploi.

Mais trois ans plus tard, les Rangers forment une belle et jeune équipe. Une belle et jeune équipe qui est sur la pente ascendante. Une belle et jeune équipe qui a atteint le plateau des 10 victoires à sa 16e rencontre de la saison. Une belle et jeune équipe qui a infligé au Canadien un revers de 3-2, son 14e, dont 12 en temps réglementaire, après seulement 18 matchs.

Une belle et jeune équipe qui progresse pendant que le Canadien lui semble régresser.

Et le pire dans tout ça c’est que bien qu’il n’ait jamais envoyé de lettre pour annoncer la reconstruction de son club, le Canadien a quand même procédé à un « reset ». À une refonte qui semble moins efficace que la reconstruction mise en chantier par les Rangers.

Tenez : si quatre joueurs seulement sont toujours avec les Rangers depuis l’annonce du 8 février 2018, le Canadien en compte seulement trois de plus. Ou deux si l’on considère que Shea Weber semble bien plus près de la retraite que d’un retour dans l’uniforme tricolore.

Outre Weber, Carey Price, Jeff Petry, Brendan Gallagher, Jonathan Drouin, Artturi Lehkonen et Paul Byron sont les seuls joueurs qui défendaient les couleurs de l’équipe en février 2018 et qui sont toujours avec le Canadien.

Force est d’admettre que les joueurs que les Rangers ont ajoutés par le biais du repêchage – sept – de transactions – neuf – et du marché des joueurs autonomes – sept – apportent davantage que ceux acquis par le Canadien.

Du moins pour le moment.

Vrai que les Rangers, contrairement au Canadien, sont loin d’être minés par les blessures.

Mais les blessures n’excusent pas tout. Pas même celle qui prive le Canadien de Price.

Car avec les 31 arrêts qu’il a multipliés mardi soir, dont 17 au cours de la seule première période, le jeune gardien Cayden Primeau a fait bien plus que donner une chance de victoire à ses coéquipiers. Il leur a évité l’odieux d’une autre dégelée tant il a été en mesure de racheter les erreurs aussi nombreuses que monstrueuses commises devant lui.

Trop facile de jouer contre Montréal

Sans les arrêts du jeune Primeau, jamais le Canadien n’aurait été à un but de pousser ce match bien plus inégal que le score final le laisse croire en prolongation.

Pourquoi?

Parce que le Canadien a encore été bien trop brouillon et poreux dans son jeu en défensive.

Quand on regarde l’ensemble du duel Canadien-Rangers on peut le résumer ainsi : le Tricolore a facilité la cause des Blueshirts en jouant affreusement mal dans son territoire et en obligeant son jeune gardien à sauver les meubles très (trop) souvent alors qu’à l’autre bout de la patinoire, les Rangers ont compliqué le travail du Canadien.

Au lieu d’offrir des accès directs au Canadien et à leur gardien, les Blue Shirts ont fermé les corridors de tirs. Ils ont pressé le Canadien le forçant à tirer trop vite, à tirer hors cible à précipiter des passes.

Résultat : des 71 tirs que le Canadien a décochés mardi – un chiffre intéressant il faut l’admettre puisqu’il confirme un temps de possession de rondelle tout aussi intéressant – moins de la moitié (33) ont atteint la cible. Des 38 autres, 23 ont été bloqués ou simplement déviés en défensive et 15 ont carrément raté la cible.

Des 61 tirs décochés par les Rangers, 34 ont touché la cible, 18 l’ont raté et neuf seulement ont été déviés ou bloqués en défensive.

La route est minée pour Suzuki

Exception faite du trio de Jake Evans – entouré de Lehkonen et Joel Armia – qui a très bien protégé son territoire tout en aidant la cause de son gardien, les autres trios ont été lamentables en zone défensive.

Pis encore, ils ont même aidé la cause des Rangers en leur offrant de larges corridors d’accès au filet défendu par Primeau. En les invitant à se camper dans l’enclave sans même avoir à payer une petite taxe de bienvenue.

À ce chapitre, Nick Suzuki a été le pire de tous les attaquants. Le quatrième trio a très mal paru à quelques occasions, celui de Christian Dvorak aussi. Mais Suzuki a connu un match difficile. Non! Un match affreux.

Un pire match que celui du 31 octobre, à Anaheim, où le jeune centre avait convenu avoir disputé la pire rencontre de sa carrière après le revers de 4-2 aux mains des Ducks.

On peut imputer à la nonchalance ou la grande générosité de Suzuki deux des trois buts des Rangers. Il s’est contenté de regarder la parade passer sur le premier et s’est fait voler la rondelle dans l’enclave par Julien Gauthier qui a marqué ce qui allait devenir le but de la victoire tôt en troisième période.

Contrairement aux jeunes espoirs des Rangers qui peuvent se développer à l’ombre des Artemi Panarin, Kreider et Zibanejad pour ne nommer que ceux-là, Suzuki est le fer de lance de l’attaque du Canadien. Il est, malgré son jeune âge et son manque d’expérience, le premier centre du Tricolore.

À Montréal, Dominique Ducharme peut lui faciliter la tâche en le sortant des griffes des meilleurs joueurs défensifs envoyés contre lui.

Sur la route, c’est impossible.

Cela se traduit par des résultats diamétralement opposés pour le jeune centre sur la route et au Centre Bell.

Après neuf matchs disputés en territoires ennemis jusqu’ici cette année, Suzuki affiche une récolte de deux points. Le Canadien a perdu huit de ces neuf parties (1-7-1-0).

En neuf matchs devant ses partisans, Suzuki a marqué quatre buts et récolté 10 points. Le Canadien a signé trois de ses quatre gains (3-5-1-0).

Cela dit, Suzuki présente des différentiels identiques de moins-3 à la maison et sur la route. Et il ne revendique que trois tirs de plus (24) au Centre Bell que sur les patinoires ennemies (21).

Petry : de mal en pis!

Suzuki et ses compagnons de trio Tyler Toffoli et Gallagher étaient aussi sur la patinoire pour le deuxième but des Blueshirts, mais pour celui-là c’est à Jeff Petry qu’il faut imputer le blâme.

Pauvre Petry! Dieu qu’il joue mal. S’il est blessé, qu’il le dise. Qu’il prenne congé.

Mais s’il est en beau fusil parce qu’on lui en demande trop défensivement en le faisait jouer beaucoup trop longtemps et beaucoup trop souvent contre les meilleurs joueurs ennemis et qu’inversement on ne le récompense pas assez en lui enlevant de précieuses secondes en avantage numérique au profit de Chris Wideman, qu’il encaisse!

Il est le meilleur défenseur du Canadien. Du moins, il devrait l’être. Il est l’un des leaders du Canadien. Du moins, il devrait l’être. Qu’il agisse en conséquence.

Petry n’est pas seul à en arracher : son partenaire de jeu Ben Chiarot a été très ordinaire encore hier. Les deux hommes ont plusieurs fois perdu le nord dans leur territoire. Et les joueurs qu’ils devaient couvrir.

Sur le but de Kreider, Petry s’est sorti du jeu en effectuant un pivot sur sa gauche au lieu de pivoter sur sa droite afin de rester en contact direct avec l’ailier des Rangers. De cette façon, il aurait pu au moins tenter de l’empêcher de rediriger la passe parfaite de Zibanejad derrière Primeau au lieu de simplement regarder Kreider enfiler son 12e but déjà de la saison.

David Savard et Brett Kulak aussi ont eu leur part de difficultés.

Et que dire que Wideman qui génère de l’attaque – une maudite chance –, mais qui est plus utile aux équipes adverses qu’au Canadien quand il évolue dans sa zone.

Une note positive à Alexander Romanov encore hier. Il semble avoir compris certains aspects du jeu. Il frappe bien, fort et souvent ses adversaires. Il s’est même permis quelques poussées en zone ennemie.

À quand des réactions de la direction?

Battu 3-2, mardi, à New York, par des Rangers qui ont dominé le match bien plus que le score final ne le laisse croire, le Canadien affiche donc 14 revers, dont 12 en temps réglementaire, après seulement 18 matchs.

On fait quoi maintenant?

On continue d’accumuler les défaites en espérant que le retour de Price aidera à sauver la saison. S’il reste une saison à sauver lorsqu’il sera en mesure de revenir au jeu?

On se contente des efforts à défaut de résultats?

On accepte les revirements coûteux dans le territoire défensif et les occasions bousillées en territoire offensif?

À un moment donné, il faudra une réaction. Une meilleure réaction que celle de Gallagher qui a tué dans l’œuf toute possibilité de remontée du Canadien en écopant une pénalité d’indiscipline avec un peu moins de 30 secondes à faire en troisième période.

Gallagher est tanné de perdre. Il est frustré. Je veux bien. Mais ce diable de petit joueur est passé maître dans l’art de faire perdre la tête à ses adversaires. Il s’est fait prendre à son propre jeu mardi.

Avec les conséquences qu’on connaît.

Remarquez que Gallagher a peut-être voulu lancer un message à ses coéquipiers, à la direction de l’équipe, à la très haute direction même. Le message qu’il serait grand temps de réagir au lieu de regarder les défaites s’accumuler.

Je veux bien que Ducharme ne veuille pas passer à l’histoire pour une ou des sorties contre ses joueurs. Mais à un moment donné, il faut qu’un coach prenne les moyens pour redresser son club. Même s’il doit le secouer.

Même chose pour le directeur général.

Au fait, on en sait un peu plus sur l’avenir de Marc Bergevin avec le Canadien? Pas à ce que je sache. À part sa sortie pour souhaiter un bon retour au Centre Bell aux partisans, Geoff Molson reste le plus loin possible des journalistes et des questions qu’il évite et auxquelles il ne veut pas répondre. Ou auxquelles il n’a peut-être pas de réponses à offrir, ce qui serait pire.

Peut-être que 14 défaites en 18 matchs ce n’est pas assez pour inciter le propriétaire à indiquer aux partisans la direction qu’il entend donner à leur équipe.

S’il a besoin de 15 revers, s’il a besoin de 20 défaites, s’il a besoin de la certitude que son équipe passera à l’histoire comme l’un des clubs qui sont passés de la finale de la coupe Stanley à une exclusion des séries l’année suivante avant de sentir le besoin de s’expliquer, il n’aura peut-être pas à patienter encore bien longtemps...