LAVAL – Durant les premières rondes des séries de la Ligue nationale, Daniel Jacob avait aménagé un écran géant dans sa cour arrière et disposé le mobilier afin de pouvoir accueillir la visite dans le respect des règles du moment. Joël Bouchard, Alex Burrows et Marco Marciano étaient ses invités les plus assidus. 

Naturellement, le groupe d’entraîneurs du Rocket de Laval gardait un œil particulièrement intéressé sur les joueurs qu’il avait eu sous la main durant la saison régulière. En tant que responsable des défenseurs du club-école du Canadien, Jacob a suivi avec fierté la fin de saison de Xavier Ouellet. 

Depuis qu’il avait été nommé capitaine du Rocket en février 2019, Ouellet avait eu à répondre à des questions sur la signification de cette désignation pour la suite de sa carrière. Devait-on comprendre qu’il était désormais étiqueté comme un bon vétéran de la Ligue américaine et que ses chances de remonter dans la LNH venaient essentiellement de s’évaporer? 

Non, a poliment répété le jeune défenseur pendant près d’un an. L’avenir lui a donné raison. En février dernier, le Canadien l’a rappelé pour un match contre les Maple Leafs de Toronto. Il a joué sept parties avant de subir une commotion cérébrale à Washington. Il est revenu une semaine plus tard, a pris part à cinq autres matchs. Cette fois, c’est l’arrêt généralisé de la saison, pandémie oblige, qui a freiné son élan.

« Il avait toutes les raisons du monde d’être en beau joual vert à propos du timing et de la vie en général, note Jacob, qu’on a rencontré la semaine dernière lors d’une clinique de sang à laquelle s’était associé le Rocket. Moi je n’ai que du respect pour ce gars-là. L’affaire du capitaine, ça l’a zéro ébranlé. Lui, dans sa tête, c’était clair. Il a mis du temps, du temps de qualité, il a fait les efforts nécessaires. Tous les jours, il montrait l’exemple. Veux, veux pas, Xavier c’est un vrai. Je suis très content de ce qui lui arrive. Il a travaillé pour et il a récolté ce qu’il a semé au cours des deux dernières années. »

Jacob était resté en contact avec Ouellet durant le confinement, mais à partir du moment où ce dernier était revenu à Montréal afin de se préparer pour la relance, le coach n’avait aucune idée du sort qui lui serait réservé. Christian Folin et Cale Fleury, qui avaient tous les deux obtenu été utilisés davantage en saison régulière, étaient deux autres options à la disposition des entraîneurs du Canadien.

« On n’est pas trop au courant non plus, admet Jacob. Autant on est associé, je ne savais pas. Mais y avait une chose par exemple : quand j’ai vu son nom dans la formation pour le premier match contre Pittsburgh, je savais qu’il allait se monter un dossier pour le match numéro deux. Tu as voulu lui donner une chance? Ça va être dur en tabarouette de le sortir de là. »

Ouellet aurait pourtant eu peu d’arguments en sa faveur si on lui avait demandé de céder sa place après la première victoire du Canadien. Le duo qu’il formait avec Victor Mete n’a pas toujours été un modèle de fiabilité contre les attaquants des Penguins. Mais Claude Julien, et ensuite Kirk Muller, sont restés fidèles au plan initial et ont été récompensés pour leur patience. Au fil des matchs, les deux partenaires ont développé leur compatibilité et ont certainement tenu leur bout dans la série contre les Flyers.   

« Est-ce qu’il a eu le meilleur départ au monde? Non, concède Jacob. Mais il s’est replacé et s’est stabilisé au point où tu savais à quoi t’attendre. C’est intéressant pour un coach de savoir à quoi t’attendre à toutes les présences, à tous les matchs. Xavier un gars qui peut jouer à gauche, à droite, c’est un passe-partout. »

« Il a fait les ajustements nécessaires et il n’a pas fait de boulettes, il n’a pas fait de mauvais jeux. C’est à ça que tu peux t’attendre de lui, c’est ce qu’on avait vu même au niveau de la Ligue américaine. Il fait rarement deux fois la même erreur, il est proactif, il analyse beaucoup et surtout, il est arrivé là avec la bonne attitude, avec le couteau dans les dents. Il ne se disait pas "j’espère que..." Il voyait l’opportunité et s’est dit "je m’en vais la chercher". » 

Les performances de Ouellet en séries lui ont-elles permis de gagner des points dans la construction de l’effectif du Canadien en vue de la saison 2020-2021? À première vue, il ne semble plus y avoir de place pour le Québécois de 27 ans dans la brigade défensive tricolore. 

Déjà devancé par Ben Chiarot et Brett Kulak du côté gauche de la défense, Ouellet se retrouverait maintenant en compétition avec la recrue Alexander Romanov, dont le poste semble pratiquement assuré à Montréal, et le vétéran Joel Edmundson, un joueur autonome dont le CH vient d’acquérir les droits dans un troc avec les Hurricanes de la Caroline. Sans compter que Mete, qui a l’habitude d’évoluer à droite, est aussi un gaucher naturel. 

Notez ici l’utilisation du conditionnel. Il faut d’abord savoir que Ouellet sera joueur autonome avec compensation, admissible à l’arbitrage, cet automne. Il y a aussi le fait que Marc Bergevin, qui a aussi transigé pour obtenir un gardien réserviste depuis l’élimination de son équipe, n’a sans doute pas fini ses travaux de réfection. Mettons donc les pronostics sur la glace pour l’instant. 

Mais si Ouellet devait être évincé de la brigade montréalaise, il y a quatre entraîneurs à Laval qui accueilleraient à bras ouverts le retour du capitaine.