Mardi dernier, Stéphane Waite est monté dans sa loge avant la fin du deuxième entracte et il s'est installé avec son calepin de notes pour observer Carey Price comme il le fait à chaque partie. La troisième période n'était vieille que d'une minute quand Marc Bergevin est entré dans la pièce, ce qu'il ne fait jamais. Sur le coup, il a pensé que le patron allait lui demander de relayer une information au banc des joueurs. Non. Il était là pour lui annoncer qu'il était congédié.

 

« Je pensais qu'il me niaisait ou qu'il faisait une "joke", avoue Waite. J'ai vite compris qu'il était sérieux et il m'a expliqué que selon lui Carey démontre trop souvent de l'inconstance dans son jeu et il voyait la même chose se répéter cette année. Je lui ai dit que j'étais convaincu que je pouvais le replacer, comme j'ai toujours fait et que j'étais très optimiste pour ce qui s'en venait. Sa décision était prise. Il n'y avait plus rien à dire. »

 

Pourtant six jours plus tôt Claude Julien et Kirk Muller avaient été sacrifiés. Si le travail de Waite avait été en danger à ce moment, il aurait logiquement dû passer dans le tordeur en même temps que les deux autres. « C'est certain que c'est surprenant. Quand Marc nous a rencontrés la semaine passée, il nous a dit que c'était notre job de fixer l'équipe et c'était ma job de replacer Carey. Je lui avais dit que je comprenais le message et que j'allais fixer Carey. J'étais très confiant de le faire. On a eu de bons entraînements, de bonnes séances vidéos et j'avais apporté des ajustements la semaine passée. On était sur la même page.  »

 

Que Bergevin limoge son entraîneur des gardiens quelques jours plus tard soulève certaines interrogations. On pense immédiatement à la venue de Dominique Ducharme ou à un conflit soudain à l'interne. « C'est certain que ça porte à croire qu'il peut s'être passé quelque chose de majeur, ne cache pas Waite. Absolument pas, poursuit-il. Ma relation avec Carey était parfaite. Avec Dominique, c'était le fun, on était sur la même page et on communiquait beaucoup. Même avec Marc tout était beau. Aucun évènement ne s'est produit. Il n'y a pas eu de chicane ou de désaccord qui aurait pu amener à ce ça saute comme ça. »

 

Après avoir construit un club plus que respectable, Marc Bergevin a fait maison nette quand même assez rapidement. Le directeur général est conscient que son équipe ne peut rater les séries à répétition. « Je peux comprendre Marc et il me l'a même dit. Faut que Carey ait une bonne fin de saison, il faut que le Canadien ait une bonne fin de sa saison. Sinon il dit qu'il pourrait être le prochain. Je comprends ça et je comprends Marc, car ça fait partie de la job. Et honnêtement, Marc a été très bon pour moi. »

 

Et Carey dans tout ça

 

Carey Price a été informé du départ de son entraîneur après qu'il eut rencontré les médias mardi passé. Une fois dans sa voiture, il a contacté Waite au téléphone et il est passé le rencontrer chez lui, le lendemain dans son condo à Montréal. Les deux hommes se sont parlé pendant une heure et demie. « Ça a été le fun, ça a été émotif. C'est bien d'avoir fini ça de la bonne façon. »

 

À 33 ans, il est permis de se demander si Price peut redevenir le gardien dominant qu'il a déjà été. Aucune carrière n'est semblable. Si certains gardiens connaissent du succès très longtemps, d'autres voient leurs performances péricliter dès le début de la trentaine. « Faut réaliser que Carey prend de l'âge, admet Waite. C'est pour cette raison qu'on lui a amené un gars comme Jake Allen afin qu'il termine son contrat en ayant de l'aide. Physiquement, ça devient difficile pour un gardien de but, surtout lui qui a eu beaucoup de blessures. Il n'y a aucun doute que ça l'a ralenti. Mais, ceci étant dit, à 33 ans il y a beaucoup de gardiens qui modifient leur game un peu. Avec une équipe qui joue bien devant lui, Carey Price va redevenir un gardien avec un taux d'efficacité de ,920 ou ,925. Je n'ai aucune inquiétude. »

 

Diminuer la charge de travail de Price est une des raisons qui explique ses difficultés depuis le début de l'année. « On s'attendait à ça et je l'avais expliqué à Claude Julien affirme Waite. Marc le savait aussi et on acceptait que ça puisse être difficile pour les deux premiers mois, car Carey n'avait jamais été habitué à ne disputer qu'environ une partie sur deux. C'est difficile pour un gardien qui n'a jamais été habitué à ça. Mais on savait qu'à partir de mars et avril, Carey allait en jouer deux sur trois. Avec ce plan, j'étais convaincu que Carey redeviendrait le Carey en plus des ajustements que Dominique apportait dans notre zone défensive.

 

Si le corps et les réflexes se détériorent avec les années, la fameuse force du mental peut aussi s'effriter aussi avec l'usure du temps. Et dans le cas de Price, disons que ce n'est pas l'athlète qui démontre le plus d'enthousiasme dans certaines de ses tâches. Parfois, c'est même à se demander s'il est toujours heureux à Montréal. « C'est une bonne question et je lui ai posé quand on s'est rencontré. Je lui ai demandé s'il aimait encore la game et il m'a répondu qu'il aimait la game quand ça va bien, dit Waite en souriant. Ce n'est pas le même gars que vous voyez devant les médias. Il est honnête, fier, respectueux et c'est une bonne personne, mais parfois il faut que tu l'affrontes. Il faut que tu le regardes dans le blanc des yeux et que tu lui dises les vraies choses. Il n'aime pas l'attention, continue Waite. Dans un monde idéal, il jouerait au hockey sans rendre de compte aux médias ou aux fans. Il sait qu'il doit travailler là-dessus. On le regarde marcher à l'hôtel, il a l'air nonchalant. Il vient dans mon bureau, c'est long et il fait ça tranquillement! Il est comme ça et on ne pourra pas le changer sauf que c'est un pur-sang qui veut gagner et il me l'a répété mardi. Il voit qu'il y a une fenêtre d'opportunité pour gagner à Montréal et c'est ce qu'il souhaite. »

 

Cayden Primeau, le digne successeur

 

« J'ai dit à Cayden quand il m'a texté qu'il avait tout un avenir dans la ligue nationale. Je disais la même chose à Corey Crawford à Chicago, car il attendu longtemps dans les mineures. Pour moi, Cayden c'est Corey Crawford tout craché. Il a le même genre d'attitude et de mental, il affiche le même calme, il démontre la même capacité de s'adapter, il possède le même style et le même gabarit que Crawford. Il va devenir un très bon gardien à Montréal, un très bon successeur à Carey. C'est dommage parce que j'avais hâte de travailler avec lui. La clé dans son cas, c'est la patience. »

 

Stéphane Waite revient sur son congédiement