Tomas Plekanec vieillit. Il a d’ailleurs célébré son 37e anniversaire de naissance dans les rires et le plaisir le 31 octobre dernier. Mais Plekanec vieillit bien. C’est du moins ce qu’il affirme sans la moindre retenue.

Joint plus tôt cette semaine à Brno où il poursuit sa carrière dans la Ligue élite de sa Tchéquie natale, l’ancien de Canadien assurait d’ailleurs qu’il célébrera avec le même enthousiasme le premier anniversaire de sa retraite avec le Tricolore.

Soumis au ballottage le 9 novembre 2018 afin de permettre à la direction de l’équipe de racheter le contrat d’un an qu’il avait signé l’été précédent, Plekanec était apparu sur l’écran géant le soir suivant alors que les Golden Knights de Vegas rendaient visite à son « ancienne » équipe. Il était l’invité du directeur général du Canadien dans la loge du haut de laquelle il suit les matchs du Tricolore au Centre Bell.

La veille, aux côtés de Marc Bergevin, Plekanec commentait sa retraite imminente. Car bien qu'il ait été offert à tous, il était clair qu’aucune des 30 autres formations n’allait signifier un intérêt pour acquérir ses services... et son contrat d’une valeur de 2,25 millions $.

Une prétention qui s’est avérée 24 heures plus tard.

« Les émotions associées à cet épisode difficile sont passées. Je ne garde que les bons souvenirs et je t’assure que ce premier anniversaire ne viendra pas leur porter ombrage », que Plekanec lance à l’autre bout du fil.

« J’ai vécu des grands moments à Montréal. Le Canadien représentait tout à mes yeux. C’est encore vrai un an après mon départ. Et ce le sera pour toujours. La Ligue nationale est la meilleure ligue de hockey au monde. Le Canadien est la plus grande organisation de cette ligue. Je n’ai pas eu la chance de soulever la coupe Stanley, mais j’ai vécu des moments grandioses avec cette équipe et tous mes coéquipiers avec qui j’ai partagé ce vestiaire mythique. Montréal est ma ville d’adoption. C’est là où je me sens le mieux après Kladno, ma ville natale. J’y retourne avec plaisir et y retournerai toujours avec le même plaisir parce que les souvenirs associés à mes 14 années là-bas sont beaux et impérissables», indique celui qui a disputé 1001 matchs dans la LNH, dont 984 dans l’uniforme du Tricolore.

Une retraite en bleu-blanc-rouge

S’il a vécu des moments tristes les 9 et 10 novembre l’an dernier, Plekanec reconnaît que les célébrations associées à son 1000e match en carrière les éclipsent complètement.

Le 17 octobre, avant le duel opposant le Canadien aux Blues de St. Louis, Plekanec avait été honoré au Centre Bell deux jours après qu’il eut marqué son 233e et dernier but en carrière dans le cadre d’une victoire de 7-3 aux dépens des Red Wings de Detroit. Comme c’est la tradition, les deux équipes avaient alors rendu hommage à celui qui venait d’atteindre ce plateau important. La foule l’avait aussi chaleureusement ovationné avant qu’il n’affronte les Blues dans le cadre d’un match qui allait être son tout dernier dans la LNH.

Blessé au dos lors de cette rencontre, Plekanec n’a jamais rechaussé les patins ou endossé l’uniforme tricolore.

Dans une LNH qui ouvre aujourd’hui ses portes à des joueurs qui sont de plus en plus jeunes et de plus en plus rapides, Plekanec commençait à peiner à suivre le rythme imposé par ces jeunots. Il le réalisait. Comme il réalisait que la fin approchait plus vite qu’il ne le voulait. Mais il était hors de question d’imiter trop de joueurs qui ont terni leur fin de carrière et repoussant trop longtemps une décision difficile à prendre.

« Mes plans étaient établis depuis longtemps. J’ai toujours dit que je voulais revenir à la maison pour terminer ma carrière là où elle avait commencé. Et je ne voulais pas revenir ici à bout de souffle, incapable d’offrir des performances satisfaisantes à mes yeux, à ceux de mes coéquipiers et à ceux des partisans. Je voulais redonner au hockey de mon pays. Je voulais être en mesure d’être un actif pour mon équipe. Je voulais gagner et aider mon équipe à gagner », insiste le joueur de centre.

« Je suis donc très à l’aise avec ma décision. Je regarde la nouvelle identité du Canadien et je vois comme tout le monde que j’ai été remplacé par des centres plus jeunes. Je regarde la Ligue aussi et je me dis que je suis bien où je suis. Le temps était venu d’amorcer la conclusion de ma carrière », philosophe Plekanec qui, malgré la distance, est toujours lié au Tricolore.

« Je ne regarde pas tous les matchs, mais je suis au fait des résultats des parties et je garde des contacts avec des joueurs de l’organisation. J’ai le bien de l’équipe à cœur et j’espère pour les partisans que cette équipe gagnera sa part de matchs et accédera aux séries », lance Plekanec.

Par le biais des médias sociaux, Plekanec a d’ailleurs souligné le 500e match en carrière de son ancien coéquipier Brendan Gallagher et il a remercié son ancienne organisation qui lui a souhaité un bon anniversaire la semaine dernière.

Comme quoi même s’il a pris sa retraite il y a 12 mois, les liens qui l’unissent au Tricolore, à Montréal et à ses anciens partisans, sont encore très forts.

Papa une troisième fois

Un an après le match contre Vegas qui a été son tout dernier à titre de membre de l’organisation, un membre confiné au rôle de spectateur, mais un membre quand même, la vie de Plekanec a beaucoup changé.

Du moins sur le plan personnel.

Après avoir vécu une séparation très médiatisée en Tchéquie parce que son ancienne épouse, Lucie Vondrackova, est une actrice et chanteuse très populaire là-bas, Plekanec a donné un nouveau souffle à sa vie. Il attend d’ailleurs la venue d’un troisième enfant. Une petite fille à qui sa nouvelle compagne, la championne de tennis Lucie Safarova, donnera naissance le mois prochain.

Safarova a tiré sa révérence l’été dernier après les Internationaux de France après une carrière plus qu’intéressante. Bien qu’elle n’ait jamais reçu l’attention des autres vedettes du circuit féminin de tennis, la nouvelle conjointe de Plekanec a remporté 15 titres en double dont cinq lors de tournois majeurs. Elle a aussi remporté sept championnats en simple en plus d’accéder à une grande finale à Roland-Garros où elle a affronté Serena Williams en 2015.

« C’est une très bonne nouvelle et nous sommes tous les deux aussi heureux qu’impatients d’accueillir cette première fille. Je sais ce qui m’attend pour avoir déjà vécu les joies de la paternité avec mes deux premiers fils. Je sais que ce que ne sera pas toujours évident surtout que je suis rendu à 37 ans, mais la venue de ce bébé donne le coup d’envoi à ma nouvelle vie. Depuis que je suis rentré au pays, je partage la garde de mes deux fils – Matyas et Adam âgés de huit et bientôt cinq ans – avec leur mère. Ils sont à Prague, mais je les vois régulièrement. Lucie a mis un terme à sa carrière l’été dernier et nous donnons un nouveau virage à notre vie », convient l’ancien du Canadien qui a toujours été très avare de commentaires sur sa vie privée.

Bien que ses fils qui sont nés et qui ont grandi à Montréal soient de retour au pays de leurs parents, Tomas Plekanec maximise les chances qu’ils puissent conserver l’héritage culturel acquis à Montréal.

« Ils sont inscrits à une école internationale dirigée par des Britanniques. Les cours sont offerts en anglais, mais je tiens aussi à ce qu’ils puissent garder contact avec le français qu’ils ont appris à Montréal. Je sais que ce ne sera pas évident pour eux de conserver tout ce qu’ils ont appris au Québec, mais je tiens à faire tout ce que est possible pour qu’ils puissent continuer à fonctionner en français et en anglais en plus de parler le tchèque bien entendu. »

Dans le camp ennemi

Sur le plan hockey, la vie de Plekanec n’a pas vraiment changé.

Il ne joue plus devant les 21 000 partisans du Canadien entassés dans les gradins du Centre Bell. Il ne croise plus les meilleurs joueurs de hockey au monde dans le cadre des missions défensives qu’il a remplies au cours de ses 14 saisons avec le Tricolore et le bref intermède qu’il a vécu avec les Maple Leafs à Toronto.

Ça non!

Mais lorsqu’il se présente sur la patinoire de l’aréna DRFG avec ses coéquipiers des Kometa de Brno, il met tout en œuvre pour contribuer aux victoires de sa nouvelle équipe et à satisfaire les quelques 7000 amateurs qui remplissent l’amphithéâtre.

Pourquoi Brno alors que Plekanec est natif de la ville voisine de Kladno?

« Au point où j’en suis rendu dans ma carrière, je tiens à m’offrir les meilleures chances possible de gagner. Le Kometa a gagné le championnat dans la Ligue élite deux fois lors des trois dernières années. J’ai joué en fin de saison avec eux l’an dernier. L’équipe s’intéressait à mes services encore cette année. Elle avait un rôle intéressant à m’offrir afin d’encadrer les plus jeunes de l’organisation, et j’ai décidé d’accepter le défi que la direction m’offrait », plaide Plekanec.

Tout ça est bien beau.

Mais comment l’ancien du Canadien s’y est pris pour faire accepter sa décision à ses parents, amis, partisans des Chevaliers de Kladno et surtout à leur propriétaire Jaromir Jagr, qui est aussi son grand ami? Tout ce beau monde l’attendait à bras ouvert et voilà qu’il endosse l’uniforme d’un rival installé à quelque 200 kilomètres de la « maison » dans la deuxième plus grosse ville de Tchéquie.

« J’ai joué avec Kladno (5 buts, 12 points en 10 matchs) l’an dernier lorsque je suis revenu en Tchéquie. Je me suis joint à eux afin de les aider à revenir dans la Ligue élite – Extraliga – cette année. Ce qu’ils ont fait. Je considère que cette contribution m’a permis de faire ma part et cette année je me suis concentré sur les facteurs qui étaient les plus susceptibles de me permettre de connaître du succès dans le cadre de mes dernières années dans le hockey. »

Du hockey compétitif et de qualité

Bien qu’il soit loin de la LNH, Plekanec assure que la Extraliga regorge de joueurs de talent et offre du hockey relevé.

Auteur de quatre buts et six passes en 16 matchs depuis le début de la saison, Plekanec évolue au sein d’un troisième trio. Il assume le rôle de parrain des jeunes joueurs qui évoluent au sein de son trio et qui partagent le vestiaire des « Comètes ».

« La Extraliga n’offre pas le niveau de jeu de la LNH, mais il y a quand même beaucoup de bons joueurs en Tchéquie comme dans les autres ligues professionnelles d’Europe. Karel Plasek, qui évolue au sein de mon trio, a été repêché – choix de sixième ronde – par Vancouver l’été dernier. Il n’a que 19 ans, mais il a le potentiel d’atteindre la LNH. Mon autre ailier, Lubos Horky (21 ans), n’a pas été repêché, mais je suis convaincu que les équipes de la LNH devraient l’avoir à l’œil, car il pourrait faire le saut au cours des prochaines années », défile Plekanec qui pourrait servir d’éclaireur pour le Canadien dans sa quête de jeunes joueurs de talent.

« Que ce soit ici en Tchéquie ou dans les autres ligues européennes, on retrouve beaucoup d’anciens de la LNH et des joueurs qui ont raté leur chance. L’entrée dans la LNH est souvent une question de "timing". Un ou deux mauvais camps d’entraînements, combinés à l’arrivée de joueurs surdoués ou au fait que le club qui t’a repêché n’a pas de trou à combler à ta position sont autant de raisons qui font que des jeunes n’arrivent pas à faire le saut et qu’ils doivent rester ou se tourner vers l’Europe. Ça ne fait pas d’eux de mauvais joueurs pour autant », plaide celui qui est allé rejoindre Martin Erat à titre d’ancien de la LNH avec le Kometa de Brno.

Premier choix – huitième sélection de la cuvée 2006 – des Coyotes de Phoenix, Peter Mueller a marqué 63 buts et récolté 160 points en 297 matchs disputés dans la LNH à Phoenix, au Colorado et en Floride.

Il s’est ensuite tourné vers l’Europe où il a patiné dans les ligues de Suisse, de Suède et d’Autriche avant de s’établir à Brno en Tchéquie il y a deux ans. Il revendique un but et six points en neuf matchs cette saison après avoir marqué 24 buts et récolté 45 points en 43 rencontres l’an dernier.

« Je ne joue plus pour le Canadien ou dans la LNH. Mais ici à Brno, dans l’Extraliga de mon pays, je joue du hockey malgré tout très compétitif qui me permet de maintenir mon besoin de compétition et mon désir de victoire. C’est pour ça que je joue encore et que je tiens à le faire encore quelques années avant de mettre un point final à ma carrière », ajoute Plekanec qui, comme ses coéquipiers et adversaires, profite actuellement d’un des congés qui marquent la saison pour permettre aux joueurs sélectionnés de prendre part à des compétitions internationales.

Ah oui! Bien qu’il ait troqué l’uniforme du Tricolore pour celui des « Comètes », Plekanec porte-t-il encore sous son équipement le même genre de chandail au col roulé qui l’a rendu « célèbre » au cours de sa carrière avec le Canadien. Un col roulé que tous ses coéquipiers ont enfilé pour l’échauffement de son dernier match en carrière avant qu’il ne soit honoré pour ses 1000 parties dans la LNH.

La question semble le désarçonner ou l’agacer un brin ou deux puisque Plelanec amorce sa réponse par un long soupir.

« Tu sembles oublier que j’avais abandonné ce type de chandail à mes dernières années avec le Canadien. En passant, ce n’était pas vraiment un col roule, mais plutôt un faux col – mock neck – que je portais. Mais bon. Il faut croire que ça me suivra longtemps », a conclu celui qui célèbre aujourd’hui avec la satisfaction du devoir accompli le premier anniversaire d’une retraite bien méritée.

Si Plekanec se souvient et qu’il se souviendra toujours de Montréal et du Canadien, les partisans de son ancienne équipe, ses coéquipiers et plusieurs journalistes – oui vous pouvez ajouter mon nom à la liste – se souviendront toujours de Plekanec comme d’un joueur dévoué à la cause de son équipe, d’un joueur qui ne ménageait aucun effort pour remplir les missions défensives et offensives que ses entraîneurs lui confiaient et aussi, car ça lui collera toujours à la peau, d’un joueur qui portait un col roulé ou un faux col sous son équipement.