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L’une des émissions sportives les mieux réussies de la télévision québécoise est celle des 25 ans d’émotions produite et réalisée par RDS depuis quelques années déjà. Ce documentaire est habituellement chargé d’émotion et celui qu’on aura le plaisir de visionner, durant les deux entractes du match entre le Canadien et les Islanders, ce soir, ne fera pas exception.

Dans Grand-papa Henri, on laissera toute la place aux petits-enfants de l’ex-capitaine Henri Richard qui n’a plus aucun souvenir de ses exploits sur patins, dont les 11 coupes Stanley qu’il a remportées. Atteint de la maladie d’Alzheimer, il écoule paisiblement ce qui lui reste de sa vie dans une résidence spécialisée de Laval.

Âgé de 83 ans, Richard a toujours bénéficié de l’immense respect des amateurs. De mémoire, on ne se souvient pas d’un seul match au cours duquel il a été conspué. On l’aimait pour tout ce qu’il apportait au sport du hockey, pour sa façon de se donner soir après soir sur la patinoire et pour les pages d’histoire du Canadien qu’il contribuait à écrire, quand il ne les écrivait pas lui-même.

Il était fait tout d’un bloc, Henri. Plus petit que les autres à une époque souvent marquée par des actes brutaux, il a fait de la victoire l’objectif ultime de sa glorieuse carrière. Certes, pour remporter autant de coupes Stanley, il lui a parfois fallu se retrouver au bon endroit au bon moment, mais s’il n’avait pas mis son coeur sur la patinoire à chacun de ses 1436 matchs, séries incluses (c’est 325 parties de plus que son illustre frère Maurice), quelques-unes de ces coupes auraient peut-être échappé au Canadien.

Au sein de la famille, le père, le grand-père et l’arrière-grand-père qu’il représente font de lui un être profondément aimé. Les commentaires recueillis auprès de ses petits-enfants en témoignent. L’amour et l’affection qu’ils lui vouent, et dont ils nous font part avec beaucoup de délicatesse, sont au coeur de ce documentaire qui laissera peu de gens indifférents.

« Quand je pense à mon grand-père, je vois un homme droit, de principes, courageux, tenace et qui en disait long par ses actions, souligne Simon, âgé de 34 ans. Nous sommes tous fiers de ce qu’il a accompli et de ce qu’il représente encore aujourd’hui parce qu’il continue de se battre. »

Un élément quasi unanime ressort de ce documentaire. Même si on les sent très heureux que leur grand-père soit le seul athlète à avoir remporté 11 coupes Stanley, ils ne souhaitent pas qu’on se souvienne de lui uniquement pour cet exploit qui ne sera jamais répété. Henri a ressenti beaucoup de pression en adhérant à la Ligue nationale parce qu’on prétendait qu’il était là grâce à l’influence de son aîné, déjà une grande vedette dans le circuit. Puis, avec le temps, il a lui-même marqué l’histoire. Inévitablement, ses 11 coupes restent la meilleure illustration de la carrière qu’il a connue.

« Les gens ne devraient pas se concentrer sur ses nombreuses coupes, déclare Louis-Philippe, 21 ans. On devrait davantage s’attarder sur la personne derrière cet exploit. Il ne se pétait pas les bretelles avec ça. Mon grand-père a toujours été très terre-à-terre. À ses yeux, il a juste fait sa job. »

Dans le regard des autres

Pour ses enfants et ses petits-enfants, Richard n’est pas uniquement le détenteur d’un record historique. Même malade, il est encore le chef d’un clan tissé serré. Un homme aimant et aimé.

Grand-Papa Henri (2e partie)

Curieusement, certains d’entre eux ont découvert sur le tard le grand joueur de hockey qu’il a été. Catherine, 33 ans, ne s’en cache pas. Elle a su tardivement le genre de héros qu’il a représenté pour les Québécois. Plus jeune, elle n’était pas une fan de hockey. Graduellement, elle en a appris beaucoup sur les prouesses de son grand-père.

Durant son enfance, après avoir été invité à assister à un match du Canadien à ses côtés, Simon a eu du mal à s’expliquer pourquoi tant de gens le dérangeaient constamment en quête d’autographes. Il vivait une soirée très spéciale avec son grand-père. Ça l’énervait de ne pas l’avoir juste pour lui ce soir-là. Il ne comprenait pas qu’il puisse être aussi connu.

« C’est souvent dans le regard des autres qu’on l’a mieux connu, ajoute Simon. Avant de réaliser que mon grand-père était un homme important, il a fallu que je côtoie des gens qui le connaissaient. Moi, je n’avais rien à leur raconter. C’était juste mon grand-père. »

Dans ce documentaire, on sent tellement de respect dans le regard que ses petits-enfants portent sur lui. S’ils ont mis du temps avant de vraiment savoir qui il était, ils se disent aujourd’hui très fiers de porter son nom. Mais un peu à l’image de leur grand-père, ils ne se vantent de rien.

« Quand j’étais jeune, précise Louis-Philippe, je ne me prenais pas pour un autre parce que mon grand-père était Henri Richard. J’étais fier de lui, mais je ne me vantais pas de cela. »

En somme, ils ont du grand-père dans le nez car Richard n’était pas du genre à mettre en lumière le fait qu’il a déjà marqué le but gagnant dans un septième match de la coupe Stanley.

Ils vont tout faire pour qu’il soit fier d’eux. Ils sont convaincus qu’il serait très heureux de l’apprendre. Pour le moment, ils assistent impuissants à la bataille qu’il livre inconsciemment contre cette impitoyable maladie qu’est l’Alzheimer. Au hockey, il a toujours affronté des adversaires plus costauds que lui. Ses trois batailles le même soir contre Léo Labine, Jack Bonda et Fern Flaman en plein Garden de Boston sont légendaires. Il n’a jamais eu besoin du Rocket pour se défendre. On a déjà dit de lui qu’il avait hérité de la stature d’un poids coq avec le coeur d’un poids lourd.

Même s’il a l’habitude des grandes batailles, celle qu’il livre en ce moment ne pourra malheureusement être gagnée, ils en sont tous conscients.

« Cela a été un choc pour moi, précise Mathieu, âgé de 35 ans. Il y a plusieurs années, j’ai suivi un cours de préposé aux bénéficiaires et cela m’a amené à m’occuper d’une dame dans une phase très avancée de cette maladie. Cela m’a fait peur de constater que mon grand-père s’en allait dans cette voie. »

Ça les chagrine de le voir dans cet état, car ce héros du passé est encore solide physiquement. Il a toujours été doté d’une force herculéenne, comme illustré plus tôt. Ils racontent tous à quel point ils étaient impressionnés de le voir faire deux longueurs de piscine olympique, la tête sous l’eau, sans jamais reprendre son souffle.

Une femme solide

L’épreuve est difficile à supporter pour Lise Richard, mais elle ne manque pas de réconfort et d’amour autour d’elle. Ses petits-enfants dressent d’elle le portrait d’une femme aimante, fidèle à son homme dans les bons comme dans les moments les plus difficiles. Elle était toujours très assidue à ses matchs. Encore aujourd’hui, elle est quotidiennement à ses côtés, tenant amoureusement la main d’un mari incapable de lui faire la conversation.

Lise et Henri ont fait connaissance à l’âge de six ans. Ils ne se sont plus jamais quittés. Il n’était pas le plus romantique, mais il lui arrivait de trouver des expressions imagées pour exprimer subtilement ses sentiments. Après quelques années passées à se regarder dans les yeux, sans jamais se dire ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre, elle lui a appris qu’elle s’en allait étudier chez les soeurs. Il a eu cette réplique témoignant de son amour pour elle : « Je vais avoir besoin de toi un jour ».

En termes clairs, ça signifiait qu’il la voulait dans sa vie pour toujours. Soixante-deux ans plus tard, elle est toujours là, fidèle à ses côtés. Seule une maladie cruelle, incurable, a pu se glisser entre ces deux-là, sans toutefois arriver à les séparer.

Dans ces 25 ans d’émotions, on entend Henri identifier les trois grands objectifs de sa vie : jouer au hockey avec le Canadien et avec son frère Maurice, épouser la fille qu’il a connue à six ans et posséder une taverne. L’oeil moqueur, un sourire en coin, il dira qu’il a réalisé tout ça.

« Je n’ai plus de taverne (il en a été propriétaire durant 26 ans), je ne joue plus au hockey, mais je suis toujours avec ma femme », lance-t-il avec une fierté évidente.