Depuis qu'il a quitté le Canadien, personne n'a remplacé Guy Lafleur. Aucun autre joueur n'a été aussi habile, électrisant, spectaculaire. Mais Lafleur n'aime pas prendre tout le mérite, bien au contraire. Pour lui, son succès passait par celui de l'équipe.

"On était sur le party souvent mais ça nous faisait oublier la pression qui existait à ce moment-là", n'hésite-pas à dire le "Flower". Ça nous faisait jouer avec plus responsabilités par rapport au plaisir qu'on avait."

Lafleur aimait tellement l'ambiance qui régnait les journées d'un match qu'il arrivait au Forum à 15h l'après-midi. "J'étais dans une pièce où je me sentais très confortable. J'allais m'asseoir dans les estrades, voir la patinoire, imaginer des jeux. Pour moi, c'était chez nous le forum et j'étais heureux dans cette bâtisse-là".

C'était sans doute le sentiment pour tout les membres de cette grande équipe qui a gagné quatre Coupes Stlaney consécutives. "C'était plus qu'une équipe, c'était une famille. La fierté était uniforme étant donné que les gars se tenaient. On voulait tous gagner et on voulait tous avoir la Coupe Stanley dans nos bras. Quand les séries commençaient, il y avait douze victoires et on voulait pas jouer plus de matchs. On est pas payé pour treize, on est payé pour douze".

L'ancien numéro 10 se souvient très bien l'année où l'équipe n'avait pratiquement pas perdu de l'année. "L'année où vous avez perdu huit matchs, quelle équipe nous avions. Ça ne se reverra pas ça. C'était extraordinaire. On se faisait engueuler quand on perdait. Sam Pollock était descendu entre deux périodes et avait engueulé tout le monde parce qu'on tirait de l'arrière. On essayait de se surpasser mais il n'y a pas d'année parfaite non plus."

"À cette époque, les gars jouaient avec une certaine crainte de la direction parce qu'ils pouvaient te renvoyer dans les mineures ou si ça ne faisait pas ton affaire, c'était chez vous. "

Jouer avec improvisation
Les meilleurs joueurs, les plus talentueux, misent sur l'improvisation, la spontanieté. C'est exactement ce qui le caractérisait. "Je n'ai jamais été bon sur les lancers de punition ou les échappées, j'avais trop de temps pour penser. J'ai toujours joué avec beaucoup d'improvisation et le hockey est dix fois plus spectaculaire de cette manière. Ce n'est pas une question de talent, c'est une question de créativité."

"À chaque fois que Guy Lafleur était sur la patinoire, c'était dangereux pour l'autre équipe", rappelle Jacques Demers. Il n'a jamais triché son public, il était sincère. Il jouait fort à tous les soirs."

"Il aimait alimenter ses coéquipiers, il fabriquait des jeux. Quand on regarde les athlètes qui ont défilé dans le années 70, qui aurait pu être meilleur que Guy Lafleur sinon peut-être Bobby Orr", dit Yvon Pedneault.

Peut-être Richer
Selon Lafleur, le seul qui aurait pu lui succéder, c'est Stéphane Richer. " Il y a eu Stéphane Richer, qui à une époque a compté 50 buts. Il semblerait que l'instructeur ne l'aimait pas, son style ou sa nonchalance. Je lui dis toujours à chaque été à son tournoi de golf qu'il pourrait faire cinq, six millions mais ce n'est pas ça qui l'intéresse. Il y a des gars qui sont comme ça, ils n'ont pas d'ambition. Quand tu as de l'ambition, tu te surpasses et tu aides tes coéquipiers à te surpasser."

De Scotty Bowman, Lafleur dit qu'il a été le meilleur entraineur pour lequel il a joué. "Scotty était très exigeant. Ce n'était pas important qu'il soit aimé, il voulait rassembler les joueurs en un tout et que les joueurs se tiennent."

Lafleur relate un exemple de ce que pouvait faire Scotty pour se faire détester. "Il y avait une place à Chicago qui vendait des souliers 50 dollars et qui valaient 150$, 200$. On arrivait à Dorval, il sortait le premier et disait aux douaniers, surveillez les gars, ils ont acheté des souliers. Les douaniers trouvaient toutes sortes de choses et Scotty était de l'autre côté la tête autre. Les gars voulaient le tuer."

Une force de la nature
On a toujours su que Lafleur était une force de la nature. Il a toujours été dans une forme physique remarquable, bien qu'il fumait pendant les matches. "J'allais jouer contre les Islanders et Mike Bossy fumait dans la chambre. Au moins, nous on se cachait. Il n'aurait pas fallu se faire prendre par Scotty. Il nous aurait fait avaler notre cigarette".

Si ce n'était que de lui, Guy Lafleur jouerait peut-être encore dans la Ligue Nationale...il a d'ailleure regretté sa première retraite en 1984. "Je trouvais que c'était pas ma place d'être là, ma place était sur le banc des joueurs, mais j'avais pris ma décision. Intérieurement, je n'étais pas bien dans ma peau. Normalement quand tu prend ta retraite, tu es supposé être content mais ce n'était pas le cas."

Pourquoi avoir pris cette décision alors? "On ne voulait pas de m'échanger et jouer cinq minutes par match ne m'intéressait pas. La fierté en mange un coup. Le seul choix qui me restait c'est de prendre ma retraite. "

Une autre passion
Malgré ses 48 ans, Guy Lafleur est un toujours passionné. Il avait le hockey, il a maintenant l'hélicopère. Il a accumulé près de 300 heures de vol et détient deux licences de pilote, une canadienne et une américaine et il est en voie d'acquérir une licence commerciale.

"La sensation de liberté, ne pas être pris dans le traffic. Je suis souvent sur la route, on voyage, c'est fatiguant, donc je voulais me déplacer dans mes promotions et je me suis rendu compte que ça coûte très cher de voler. J'en fais à l'occasion."

Ce nouveau hobby occupe donc le célèbre numéro 10 sur une base régulière, c'est pourquoi il a décidé d'accrocher déninitivement ses patins. Fini les rencontres promotionnelles. "Je m'amuse encore mais en septembre prochain, je vais laisser ça. C'est beaucoup de voyagement et il est temps que je passe à autre chose. Je vais me tenir en bonne condition au cas où le Canadien m'appelle l'an prochain en séries."

Lafleur avoue qu'il sera toujours un joueur de hockey au fond de lui. J'aime énormément jouer, pas regarder. Je suis très mauvais spectateur quand je regarde un match. Je ne suis pas critiqueux, mais il y a des choses que je vois sur la glace que je ne peux pas comprendre. C'est pour ça que je ne suis pas coach."