Xavier Villeneuve : « Il fait ça à 16 ans? »

BOISBRIAND – Des couilles. Il en fallait pour qu'un club repêche Xavier Villeneuve en première ronde du repêchage 2023 de la LHJMQ, nous prévenait le directeur du Centre de soutien au recrutement du circuit, Pierre Cholette, en juin dernier.

Le défenseur venait certes de faire montre d'habiletés offensives hors du commun durant sa saison avec les Penguins de Pittsburgh Elite, un programme pour les moins de 15 ans, et ensuite à la Coupe LHJMQ, un tournoi regroupant les meilleurs espoirs. Mais à 5 pi 8 po et 139 lb, qui allait oser le sélectionner?

L'Armada de Blainville-Boisbriand. Au 7e rang.

Après avoir repêché l'attaquant Mateo Nobert avec la troisième sélection au total, l'équipe des Basses-Laurentides voulait à ce point ne pas rater pareille occasion d'enrôler le flamboyant arrière, qu'elle a bouclé une transaction impliquant six choix de repêchage avec les Cataractes de Shawinigan pour devancer son droit de parole suivant. 

« De ce qu'on m'a dit, c'est Joël [Bouchard] qui a pris la décision », révèle l'entraîneur-chef de l'Armada Mathieu Turcotte, qui n'était à l'époque pas encore à l'emploi du club dont Bouchard, ancien entraîneur-chef et directeur général, détient encore des parts à titre de propriétaire.  

« C'était définitivement toute une décision. » 

À voir le regard admiratif et le sourire fendu jusqu'aux oreilles de Bouchard au moment d'accueillir Villeneuve dans la famille de l'Armada, on ne peut guère s'étonner de la suite des choses.

Depuis que Villeneuve s'est présenté sur l'estrade du repêchage à Sherbrooke il y a 10 mois, le hockeyeur originaire de Les Cèdres a d'abord pris du coffre. La récente mise à jour de ses mensurations sur le site de la LHJMQ lui octroie aujourd'hui un poids de 150 lb réparti sur une carrure de 5 pi 10 po.

C'est cependant avant tout par ses prouesses à la ligne bleue qu'il donne raison à l'état-major de l'Armada.

« Sa capacité à faire des jeux avec la rondelle, je n'ai jamais vu ça à cet âge-là, s'émerveille Turcotte. Ce qu'il fait avec la rondelle, c'est assez incroyable. C'est pour ça qu'il gère notre première unité d'avantage numérique à 16 ans. [...] Il fait des jeux que pas grand-monde est capable de faire. »

Les exemples sont déjà nombreux, et Turcotte n'a pas à se creuser la tête bien longtemps pour en exposer quelques-uns, mais un en particulier lui vient spontanément à l'esprit.

« C'était contre Drummondville, en fin de match, et c'était égal 3-3. Il a déjoué l'ailier, il est rentré dans le haut de l'enclave, il a déjoué un autre joueur en ramenant la rondelle vers lui, puis il a pris le tir et compté le but gagnant dans la dernière minute. C'est le genre de jeu que Xavier peut faire. »

« Il est magique », admire Justin Carbonneau, une autre vedette montante de l'Armada avec qui Villeneuve évolue notamment sur l'attaque à cinq. « Tu le regardes et tu n'as aucun mot. Il fait des moves à la ligne bleue que personne d'autre dans la ligue ne peut faire. Il fait ça à 16 ans? À 19 ans ça va être incroyable! Il a un potentiel extraordinaire. »

Recalibrage

Les succès n'ont toutefois pas été instantanés pour Villeneuve à son retour de la Pennsylvanie, où il s'était exilé en quête d'une « nouvelle expérience » et d'autonomie en prévision d'un stage junior loin de la maison en pension.

« Dans ma tête, c'était clair que je voulais revenir jouer dans la LHJMQ. Je pouvais me retrouver loin de chez moi, je ne savais pas que j'allais sortir proche de chez nous de même », explique celui qui a grandi au Bas-Saint-Laurent avant de déménager dans la région de Montréal. « J'étais beaucoup un fils à maman avant. »

L'opposition offerte à Pittsburgh étant de son propre aveu légèrement inférieure à celle proposée dans le circuit M18 AAA québécois, Villeneuve a néanmoins pu profiter de nombreuses heures passées sur la patinoire pour parfaire son art.

« La game était différente un peu. C'était beaucoup moins axé sur le système qu'au Québec, mais j'ai pu développer des habiletés que j'aurais moins eu le temps de travailler ici. »

« Je pense qu'il avait plus de temps pour faire des jeux, analyse Turcotte. Il fallait recalibrer le tout en arrivant ici pour qu'il puisse jouer avec des gars un petit peu plus vites et plus gros. »

Comme bon nombre de joueurs offensifs de son profil, Villeneuve s'est risqué à tenter des jeux hasardeux à ses premiers pas dans la LHJMQ, faisant grisonner son jeune entraîneur-chef de 38 ans.

« Xavier essayait de forcer des jeux, au lieu de faire le jeu qu'il y avait devant lui. Ça, c'est normal pour un joueur avec autant d'habiletés offensives », relativise Turcotte.

« On veut qu'il essaie ce type de jeu là s'il pense que c'est le bon jeu à faire, parce que c'est comme ça qu'il va s'améliorer. Il ne faut pas [le dénaturer]. On l'a repêché pour tout le talent qu'il a et on veut qu'il progresse le plus vite possible. »

« Il y a un temps pour faire ce que je fais, réalise Villeneuve. [...] J'en fais des erreurs, mais je les remercie beaucoup de me faire confiance. On ne me tape pas trop sur les doigts quand je fais des erreurs. »

Xavier Villeneuve

Les records

Cette patience de Turcotte et de son personnel d'entraîneur à son égard a d'abord permis à Villeneuve de s'acclimater aux rigueurs d'un calendrier plus exigeant, surtout pour une recrue de sa stature.

« Il est rendu à 5 pi 10 po. Tu peux jouer n'importe où à 5 pi 10 po. De la façon qu'il joue, avec son sens du jeu, il ne se fait pas souvent frapper. Il bouge tellement bien sur ses patins et il voit tellement bien les jeux venir que sa grosseur, ce n'est pas vraiment un problème. C'était plus une question d'adaptation au nombre de matchs et au volume de glace », clarifie Turcotte. 

« Tous nos 16 ans frappent un petit mur dans le coin du mois de novembre ou du début décembre. Souvent après Noël, c'est là qu'ils partent. »

Confiant à son retour du Défi mondial des moins de 17 ans, où il a représenté le Canada au début novembre, Villeneuve s'est en effet mis à engranger les points au retour du congé des fêtes. Fort notamment d'une séquence de neuf matchs avec au moins un point – un record de concession pour un défenseur recrue –, Villeneuve a amassé 30 points à ses 25 derniers matchs de la saison régulière.

Ses 43 points (8 buts, 35 passes) en 54 matchs constituent également une autre marque de franchise pour un arrière de première année, à l'instar de sa récolte de mentions d'aide. 

Sur le plan défensif, Villeneuve a converti le différentiel de moins-10 avec lequel il avait conclu l'année 2023, en un rendement positif (0), s'approchant tout juste de l'objectif de plus-1 qu'il s'était fixé pour la fin de la campagne.

« C'est beaucoup, beaucoup mieux », observe Turcotte de la fiabilité défensive de son jeune protégé. « L'important pour lui, c'était de comprendre que mieux il défend, plus il va avoir la rondelle et plus on va pouvoir attaquer en équipe. [...] On veut que Xavier ait la rondelle, je veux que Xavier ait la rondelle. »

Il serait en effet fou de l'en priver.

« Je n'ai aucun doute que ça va être une vedette [dans notre ligue]. »