MONTRÉAL – Quand on commence une saison avec quinze matchs consécutifs sur la route, les véritables défis ne sont pas toujours où on les attendait.

 

« Un jour, tu fais une épicerie et tu reviens... tu dois tout jeter », a appris à la dure Éric Veilleux. L’homme de 46 ans n’a jamais autant vécu dans ses valises que depuis qu’il a accepté le poste d’entraîneur-chef des Mooseheads de Halifax.

 

Veilleux, ses adjoints et ses joueurs affronteront ce soir les Screaming Eagles du Cap-Breton à Sydney. Ils « paqueteront » l’autobus immédiatement après la rencontre et seront de retour dans leur lit vers 3h du matin. Le lendemain, ils célébreront l’inauguration de leur saison locale contre leurs rivaux de la Nouvelle-Écosse.

 

« On n’aura pas ben ben le temps d’avoir des gros papillons, comme on dit », anticipe le coach.

 

Les Mooseheads s’apprêtent à laisser derrière eux une séquence aussi éprouvante qu’inhabituelle. En raison de travaux de réfection qui devaient être faits au Centre Scotiabank, qui accueillera le tournoi de la Coupe Memorial au printemps, les Orignaux ont dû passer la saison de la chasse sur le pavé, plus que jamais vulnérables aux tirs ennemis.

 

Depuis le 21 septembre, ils sont partis six fois sur la route. Ils ont notamment joué trois matchs en quatre jours dans les Maritimes, puis quatre matchs en cinq jours au cours d’un périple qui les a amenés à Moncton, Victoriaville, Sherbrooke et Drummondville.

 

« On embarquait sur le bus, on revenait et on recommençait, résumait Veilleux quand RDS l’a joint jeudi. Je dirais qu’on a eu deux bonnes pratiques durant ce stint de 14 matchs. »

 

Au total, ils auront parcouru plus de 9200 kilomètres, l’équivalent d’un aller-retour à Calgary. C’est aussi 11 fois le tour de la Gaspésie ou 36 fois le trajet Québec-Montréal par l’autoroute 20.

 

Tout ça dans le premier mois de la saison. Tout ça sans avoir disputé un seul match à la maison.

 

Une fois rendus au sommet de cette intimidante montagne qui se dressait devant eux il y a 36 jours, les Mooseheads pourront y planter leur drapeau en conquérants. À l’aube du week-end des rivalités dans la LHJMQ, ils partagent le premier rang du classement général avec les Huskies de Rouyn-Noranda. Les deux équipes ont une fiche de 11 victoires et seulement 3 défaites. L’accomplissement n’est pas banal, même pour une équipe qui partait comme l’une des grandes favorites pour tout rafler en début de saison.

 

Aveuglement volontaire

 

Comment Éric Veilleux a-t-il motivé ses troupes devant l’ampleur d’un tel défi? En pratiquant l’aveuglement volontaire. Si on ignore la bête qui montre ses crocs, salivant à l’idée de nous avaler tout rond, existe-t-elle vraiment?

 

« Honnêtement, on n’en a pas parlé. Comme, ‘pas pantoute’, insiste Veilleux, qui est de retour dans le monde du hockey junior après un exil de quatre ans chez les professionnels. Pour moi, c’était ‘la saison commence, on veut bien jouer, on veut s’améliorer de match en match’. [...] À un moment donné, si tu veux avoir du succès, va falloir que tu sois capable de performer sur la route. C’était inhabituel, sauf que qu’est-ce que tu veux faire? C’est comme la Coupe Memorial. Elle est ici. On ne se réveillera pas demain matin et elle sera rendue à Saint John. Les 15 matchs étaient là, ils allaient rester là, il fallait les jouer. Il n’y avait rien qu’on pouvait changer. Gagne, perd, le lendemain on allait encore jouer sur la route. Ça ne donnait pas grand-chose d’en faire tout un plat. En tout cas, moi je voyais ça de même. »

 

Au lendemain du tout premier entraînement qu’il a pu diriger dans l’aréna rénové du centre-ville de Halifax, Veilleux admettait quand même l’évidence. « Ça va faire du bien de jouer à la maison », souffle-t-il. Les séances vidéo et les retours en ville aux petites heures du matin, ça fait son temps. Au retour du long voyage au Centre-du-Québec, en début de semaine, le coach a senti que la fatigue était aussi mentale que physique et qu’elle n’épargnait personne.

 

« Même moi, quand je suis débarqué de l’autobus lundi matin... J’vais te dire une affaire, il a fallu que je m’étire! Alors je me dis que si nous, on ne joue pas et qu’on le ressent autant, qu’est-ce que c’est pour ceux qui jouent, qui bloquent des tirs, qui frappent... Je ne te ferai pas de cachette, en terme de préparation j’ai essayé de leur en donner le moins possible contre Drummondville, pour pas qu’on ait trop à penser. »

 

Ce match contre les Voltigeurs, Veilleux le voit comme l’un des moments marquants du dernier mois. Contre une autre équipe qui vise elle aussi les grands honneurs cet hiver, ses gars ont pris une avance de 3-0 qu’ils ont perdue en l’espace de 2:31 en troisième période. Ils l’ont finalement emporté en prolongation.

 

« Je pense que c’est une victoire de caractère, celle-là. Les gars sont restés calmes malgré le fait que mentalement et physiquement, ça commençait à peser », se félicite l’entraîneur.

 

Le risque pourrait maintenant être d’une autre nature. À partir de samedi, neuf de leurs dix prochains matchs seront à domicile. Après une telle ascension, qui pourrait blâmer les Mooseheads de vouloir s’asseoir un peu pour observer la vue? Mais Éric Veilleux rit et nie poliment quand on lui suggère cette possibilité.

 

« On a des bons leaders, ce n’est pas un groupe de fanfarons. Si on est capables d’en gérer 15 sur la route, on va être capables de gérer le contraire aussi. »​