MONTRÉAL – Jacques Carrière n’a pas de lien particulier avec André Tourigny. Les deux hommes n’ont jamais travaillé ensemble et ne s’appellent pas l’été pour griller quelques saucisses sur le BBQ. C’est pourquoi le directeur général des Eagles du Cap-Breton a fait le saut la semaine dernière quand il a entendu l’entraîneur-chef des Coyotes de l’Arizona mentionner son nom lors d’une sortie médiatique.

« C’est vraiment sorti de nulle part », s’étonnait encore Carrière mardi matin.

Mise en contexte : en point de presse, quelques heures avant de diriger son premier match au Centre Bell, Tourigny s’est fait demander ce qu’il pensait de l’embauche de Martin St-Louis et, par la bande, du fait que le Canadien ait détourné son regard de la Ligue de hockey junior majeur du Québec pour trouver un successeur à Dominique Ducharme.

« C’est épouvantable, a tonné l’ancien patron des Huskies de Rouyn-Noranda. Je trouve ça épouvantable que la LHJMQ ne soit pas reconnue. [...] C’est la même chose au niveau des dépisteurs. Comment ça se fait qu’il y a des gars comme Jacques Carrière qui n’ont pas leur chance dans la Ligue nationale? »

Habitué à bûcher dans l’ombre, loin des grands marchés, Carrière a trouvé flatteur d’être ainsi considéré par un ancien confrère aussi crédible que Tourigny.

« Ça fait du bien de savoir que mon travail est apprécié par les autres gars de hockey et qu’on remarque ce que je fais, que je fais les choses de la bonne façon, a-t-il exprimé en entrevue à RDS. Moi, je ne suis pas un high flyer, comme on dit. Je ne suis pas dans les médias tout le temps, je suis un gars assez réservé. Je fais mes affaires en arrière-plan et j’espère qu’un jour, ça va être mon travail qui va me récompenser et m’amener plus loin. Parce que le rêve, c’est effectivement d’être un jour dans la Ligue nationale. »

Dans le monde du hockey junior, Carrière a commencé à faire sa marque chez les Foreurs de Val-d’Or, pour qui il a été l’adjoint au directeur général et le recruteur en chef de 2007 à 2013. Sous sa supervision, l’équipe a notamment déniché le défenseur Guillaume Gélinas et l’attaquant Anthony Mantha en cinquième ronde en 2009 et 2010. En 2012, les Foreurs ont frappé dans le mille avec leurs trois choix de première ronde (Nicolas Aubé-Kubel, Carl Neill et Anthony Richard) en plus de repêcher Anthony Beauregard au 102e rang. L’année suivante, ils ont sélectionné Julien Gauthier, David Henley et Olivier Galipeau au premier tour. Shawn St-Amant s’est ajouté à la récolte en 12e ronde.

Huit de ces joueurs ont joué un rôle dans la conquête de la Coupe du Président de Vert et Or abitibien en 2014. Quatre ont atteint la Ligue nationale.

À son premier repêchage dans les mêmes fonctions au Cap-Breton, Carrière a participé à la sélection de Pierre-Luc Dubois en première ronde et de quatre autres joueurs qui ont franchi le plateau des 200 matchs joués dans la LHJMQ. En 2015, il a pris une chance sur Drake Batherson en sixième ronde. En 2016, il a trouvé les gardiens Kevin Mandolese et Colten Ellis, qui ont tous deux été repêchés dans la LNH quelques années plus tard. En 2017, il a encore visé juste avec ses trois premières sélections, celles de Noah Laaouan, Brooklyn Kalmikov et Ryan Francis.

Promu au poste de directeur général en 2019, Carrière n’est plus impliqué d’aussi près dans la détection et le recrutement de talent, mais il se présente encore dans les arénas du Québec et des provinces de l’Atlantique dès qu’une bonne occasion se présente. Il ne refusera jamais non plus une offre pour aller mettre son œil aiguisé à l’épreuve sur la scène internationale.

« J’ai toujours dit que je suis un scout dans l’âme. Je suis DG au Cap, mais j’ai vraiment mes tentacules encore sur tout ce qui a trait au recrutement. J’adore ça, j’en mange. Si on me demande d’aller faire du scouting, ce n’est vraiment pas une punition pour moi. Je me déplace, je vais voir des matchs. Là, les séries [M18 AAA] commencent et on a possiblement deux choix dans les dix premiers. Donc à partir d’aujourd’hui, je suis un recruteur pour les trois prochaines semaines, peut-être le prochain mois. »

« Je le dis toujours à mes dépisteurs ou à ceux qui veulent commencer dans le métier : il faut que tu te fasses voir. De mon côté, j’applique la même philosophie pour espérer monter dans le pro. Je veux que les gens sachent que je suis là et voient l’ardeur au travail qui un jour va m’amener dans la Ligue nationale. »

Carrière ambitionne de franchir les étapes une la fois. Un poste de recruteur amateur le contenterait. Il pourrait ensuite ajouter quelques cordes à son arc avant de devenir recruteur en chef d’une équipe de la LNH. « J’ai des croûtes à manger avant », réalise-t-il humblement, mais il sait que son nom circule. On l’a déjà contacté pour lui dire que des équipes l’avaient à l’œil. Il a même déjà passé quelques entrevues, chaque fois pour être préféré à quelqu’un avec plus d’expérience.

« C’est certain qu’il y a de ces jobs-là qui sont des alliances entre des gens qui se connaissent. Mais si tu fais tes affaires comme il faut et que t’es reconnu comme un bon homme de hockey, à moment donné le destin va te sourire. Moi je suis prêt, j’attends juste un appel. »