MONTRÉAL – Nicolas Beaudin a joué son premier match dans la Ligue nationale le 11 mars contre les Sharks de San Jose. Le lendemain, le commissaire Gary Bettman annonçait que son circuit allait suspendre ses activités jusqu’à nouvel ordre.

 

Une semaine plus tard, Beaudin se retrouvait confronté à cette question alors qu’il quittait la banlieue de Chicago pour rentrer au domicile familial de Châteauguay : considérait-il le verre à moitié vide ou à moitié plein? Était-il envahi par la déception devant l’interruption abrupte de son rêve ou reconnaissant d’avoir au moins eu la chance d’y toucher avant que tout ne s’arrête?   

 

Il n’y avait jamais vraiment réfléchi jusque-là. Le verre, il était juste content de s’y être trempé les lèvres.

 

« Ce qui se passe présentement, c’est plus gros que le hockey, raisonnait l’espoir des Blackhawks mardi après-midi au moment où il amorçait, avec son coéquipier Alexandre Fortin, le voyage d’une quinzaine d’heures entre l’Illinois et le Québec. C’est sûr que j’aurais aimé ça continuer, rester en haut. J’étais supposé jouer le vendredi aussi, alors c’est un peu plate de ce côté-là. En même temps, je me considère choyé d’avoir pu jouer un match dès cette année dans la Ligue nationale. »

 

La promotion de Beaudin, à seulement 20 ans, ne peut être considérée comme une aberration. Après tout, cet ancien défenseur des Voltigeurs de Drummondville a été repêché au 27e rang par les Hawks au repêchage de 2018. Dans sa plus récente évaluation des espoirs de l’organisation, le journaliste d’Athlétique Scott Wheeler le plaçait au quatrième rang derrière le Suédois Adam Boqvist et deux joueurs évoluant dans les circuits universitaires américains.

 

Bref, Beaudin est voué à un bel avenir. Mais les pronostics les plus optimistes ne le voyaient pas goûter à la LNH à sa première saison chez les pros.

 

« C’est vrai, approuve-t-il lui-même quand on lui soumet cette théorie. Pour moi aussi, sincèrement, ça a été une surprise. J’en avais parlé avec [mon agent] au début de l’année. On savait qu’il fallait que je travaille sur plusieurs aspects de mon jeu [avec le club-école] à Rockford. On s’entendait là-dessus, on ne pensait pas que j’allais jouer avec Chicago cette année. Je trouvais que je jouais du bon hockey depuis que j’étais revenu de la pause des Fêtes, mais de là à me faire rappeler et à jouer dès le lendemain... »  

 

L’étonnement de Beaudin s’explique en partie par le fait qu’il n’est pas habitué de brûler les étapes. À 16 ans, il a commencé une deuxième saison au niveau midget AAA avant de rejoindre les Voltigeurs en novembre. Il a ensuite récolté un seul point à ses 26 premiers matchs dans la LHJMQ avant de devenir le quart-arrière qu’on connaît aujourd’hui.

 

« Même midget, à ma première année, ça m’avait pris deux ou trois mois pour me mettre à niveau, se souvient-il. Mais je pense qu’une chose dans laquelle je suis vraiment bon, c’est qu’une fois que je m’adapte à une ligue, je suis capable d’élever mon niveau de jeu rapidement. Je pense que c’est ce qui s’est passé pour moi à Rockford au retour des Fêtes. J’ai commencé à jouer ma game. Et, il faut que je sois honnête, je ne m’en attendais pas, mais ça m’a valu un rappel. »

 

Une pause au bon moment

 

À son arrivée dans le club-école des Blackhawks, Beaudin s’est greffé à une brigade défensive plutôt jeune. Boqvist, un 8e choix au total, venait d’avoir 19 ans. Chad Krys et Lucas Carlsson, des choix de deuxième et quatrième ronde en 2016, avaient respectivement 21 et 22 ans.

 

« Jeune, oui, mais il y a beaucoup de gars dont ce n’était pas la première année à Rockford, nuance Beaudin. Il y a des choses qu’ils connaissaient déjà. Moi, je commençais à zéro et je devais gagner la confiance du coach. »

 

En plus de se débattre pour faire ses preuves sur la glace, Beaudin a dû s’adapter à un nouveau mode de vie à l’extérieur de la patinoire. Les visites régulières des membres de sa famille et les chauds repas servis chez la famille de pension sont devenus des souvenirs d’une époque où tout était plus simple et le poids de ses nouvelles obligations a affecté sa transition chez les pros.

 

« J’ai été laissé de côté trois ou quatre fois dans les premiers mois. C’est quelque chose que je n’avais pas vécu depuis longtemps et ça fesse un peu quand ça arrive. Tu te poses des questions, c’est là que tu peux perdre confiance. Ça va vite des fois dans la vie d’un joueur de hockey. Mais tout ce que tu crois avoir perdu peut revenir du jour au lendemain aussi. »

 

C’est après une pause de mi-saison qui lui a permis de revenir se ressourcer à la maison que Beaudin a commencé à se débarrasser de ses complexes. « Quand je suis revenu, j’étais vraiment plus à l’aise et sur la glace, je me laissais aller »

 

Les Blackhawks ont tenté plusieurs expériences lorsqu’ils ont perdu Brent Seabrook et Calvin De Haan pour le reste de la saison à la mi-décembre. Boqvist a été rappelé de façon permanente. Carlsson et Dennis Gilbert ont eu leur chance. Quand les blessures et les insatisfactions ont continué de s’accumuler, c’est finalement vers Beaudin qu’ils se sont tournés.

 

Jumelé à Duncan Keith, la recrue a été utilisée pendant 17 minutes et a fini sa soirée avec un différentiel de +1. Il devait se présenter à l’entraînement le lendemain et s’attendait à jouer le jour suivant. Il ne peut que spéculer sur ce qui se serait passé par la suite, mais ce que son court séjour dans la Ville des Vents lui a confirmé, c’est qu’il a ce qu’il faut pour prendre sa place dans le projet de relance des Blackhawks.

 

« Je n’ai jamais vraiment douté de ma place dans l’organisation. Depuis qu’on m’a repêché, on m’a toujours fait sentir qu’on avait confiance en moi. Tu sais, j’ai juste 20 ans. J’ai encore tout l’avenir devant moi. Je me sens choyé d’avoir eu déjà une partie dans la Ligue nationale et même si ça ne sera pas facile, je le sais que j’ai ma place dans cette reconstruction. »​