COLLABORATION SPÉCIALE

Plus tôt cette semaine, les nouveaux intronisés du Temple de la renommée du hockey ont été annoncés. Roberto Luongo, qu’on connait bien au Québec, sera accompagné de ses deux anciens coéquipiers, les jumeaux Henrik et Daniel Sedin. Ces derniers verront un de leur compatriote, Monsieur Sénateurs d’Ottawa lui-même, Daniel Alfredsson se joindre également à cette cuvée de nouveaux intronisés.

Pour ceux qui les ont vu jouer et qui consultent rapidement les fiches de ces joueurs, pas besoin de beaucoup d’explications à savoir pourquoi ils méritent leur place dans l’édifice du Brookfield Place à Toronto. Ce ne sont pas ces vedettes contemporaines de mon époque et dont j’ai suivi les carrières du début à la fin, qui ont retenu mon attention.

Parmi les autres intronisés cette année, il y a la joueuse finlandaise Riikka Sallinen, qui a remporté la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Nagano 1998 et de PyeongChang en 2018 en plus d’avoir été la meilleure pointeuse du tournoi à Nagano. Elle mérite amplement l’honneur qu’elle recevra.

C’est cependant le nom du bâtisseur honoré cette année qui m’a sauté aux yeux : Herb Carnegie. Quand j’ai su qu’il ferait partie de cette cohorte honorée par les bonzes du hockey à Toronto et à travers le monde j’ai eu un moment d’émotion.

Pourquoi tant d’émotions pour l’intronisation d’un bâtisseur qui n’a jamais joué dans la LNH? Parce que pour plusieurs c’est peut-être le meilleur joueur noir à ne pas avoir joué dans la LNH. Plusieurs ont mentionné ou résumé le parcours d’Herb Carnegie dans les derniers jours. On souligne qu’il a surtout joué à Québec avec les As, dans les années ’50 et que s’il n’avait pas été noir, il aurait joué dans la Ligue nationale.

Il l’aurait fait des années avant Willie O’Ree qui a été le premier noir à jouer dans la LNH et qui est lui aussi passé par Québec. D’ailleurs, il faut souligner à quel point la Ligue Senior du Québec a été une ligue importante dans l’inclusion des joueurs noirs au hockey professionnel. Les As de Québec qui ont accueilli Carnegie et Willie O’Ree faisait partie de cette ligue, mais c’est avec l’équipe de Sherbrooke qu’Herb Carnegie a évolué sur la Black Aces Line. Un trio formé de trois joueurs noirs qu’il formait avec son frère Ossie et Manning McIntyre.

L’histoire d’Herb Carnegie est aussi marquante pour des raisons moins réjouissantes. Je mentionnais plus tôt qu’il n’a jamais joué dans la LNH parce qu’il était noir. Selon plusieurs témoignages, le DG des Maple Leafs de Toronto de l’époque, Conn Smyth (oui oui, celui en l’honneur de qui le trophée du joueur le plus utile en séries éliminatoires a été baptisé dans la LNH) aurait dit qu’il donnerait 10 000$ à celui qui pourrait rendre Herb Carnegie blanc, question qu’il puisse l’accueillir dans son équipe.

Herb Carnegie et Jean BéliveauÉgalement, les Rangers de New York ont invité Carnegie à un camp d’entraînement. Cependant, on lui offrait moins d’argent qu’il faisait au Québec. Ce qui a poussé le joueur de centre à refuser l’offre. Pour lui, le respect était plus important que d’être le premier joueur noir à évoluer dans la LNH. Par ce geste Carnegie a repoussé de 10 ans la présence du premier joueur noir dans la LNH, mais il a ouvert la voie et en refusant de se joindre aux Rangers il a pu jouer avec Jean Béliveau.

D’ailleurs Monsieur Béliveau disait qu’il avait beaucoup appris de Carnegie de qui il est demeuré très proche au cours de sa vie. Comme quoi on peut avoir un impact sur l’Histoire du hockey de plusieurs manières et sans jamais jouer dans la LNH.