Ils sont tous très contents pour Devan Dubnyk. Je vous épargne ses statistiques depuis qu'il s'est joint au Wild du Minnesota mais il n'est pas exagéré de dire qu'il a ravivé sa carrière et la saison du Wild par le fait même. Lorsque je vous dis «qu'ils »sont tous très contents pour le gardien, je parle des sept intervenants différents avec qui je me suis entretenu au sujet du retour en force de Dubnyk. Depuis la semaine dernière, on rapporte à plusieurs endroits les raisons qui expliquent sa grande amélioration. Une d'entre elles a particulièrement retenu mon attention, la «Head Trajectory », ou la trajectoire de la tête.

La trajectoire de la tête est la marque de commerce du fondateur de OR (Optimum Reaction) Sports, Lyle Mast. Il a financé des recherches scientifiques qui prouvent qu'un suivi visuel efficace de la rondelle assure un positionnement adéquat de tout le corps du gardien lui permettant une réaction optimale aux lancers, et ce, avec constance. Sa technique requiert que le menton soit abaissé vers la poitrine du gardien pour suivre des yeux la rondelle.

Lorsque j'ai lu la semaine dernière qu'il s'agissait là d'une révolution digne de l'introduction du style papillon, j'ai sursauté et j'ai douté. Ce qui ne m'a pas empêché de m'informer pour tenter de savoir ce que les entraîneurs de gardiens de la LNH en pensent. J'ai consulté trois entraîneurs de gardiens actifs dans la LNH, dont Stéphane Waite des Canadiens. J'ai parlé à un consultant rattaché à une organisation de la LNH, à un membre de la direction d'une équipe, à un ancien entraîneur de gardiens de longue date dans la LNH et à un ancien gardien de la LNH, maintenant analyste à la télévision américaine.

Unanimement, ils sont d'accord avec les études de Mast et reconnaissent l'importance d'un suivi visuel constant, même au contact de la rondelle avec l'équipement du gardien. Ils sont tous aussi convaincus que la tête agit comme un gouvernail pour le reste du corps. Le corps suit le mouvement initial de la tête et assure une précision des déplacements et du positionnement, et non l'inverse. Cette précision est la clé pour augmenter le taux d'efficacité de tout gardien, surtout lors des occasions de marquer àla suite d’un rebond ou à travers une circulation dense.

Là où il y a une levée de boucliers, c'est dans l'aspect de la nouveauté. Si on s'entend pour dire que le traçage visuel de la rondelle est important et représente une évolution normale des techniques, personne ne parle de révolution. Il s'agit d'un aspect avec lequel on travaille depuis plusieurs années dans le domaine. Certains semblent vouloir se faire du capital politique sur le bras de la science et sur le dos des anciens gardiens devenus entraîneurs, en oubliant que la majeure partie des tâches d'un bon entraîneur des gardiens dans la LNH consiste à guider son athlète pour la gestion des parties, des situations de jeux, des niveaux d'énergie et de concentration et de la réaction face à l’adversité.

Si je me remémore mes expériences personnelles, je me souviens m'être entraîné, à Columbus au début des années 2000, dans une pièce sans lumière, éclairée par un stroboscope, pour me lancer une balle de tennis contre un mur. J'ai déjà utilisé des logiciels informatiques et des outils d'entraînement compliquant la tâche simple à la base de suivre un objet des yeux. Alors que j'étais entraîneur des gardiens au niveau de la LHJMQ, je me souviens de Christopher Gibson, de retour d'un camp d'entraînement avec les Kings de Los Angeles, équipe qui l'avait repêché, me parler de son travail avec Bill Ranford, qui a déjà associé son nom à celui de Mast, pour suivre la rondelle des yeux d'une façon particulière.

Plusieurs des intervenants consultés me parlent de conférences sur le sujet, de séances vidéo et d'apprentissage datant d'une dizaine d'années. Beaucoup de ceux-ci, ayant travaillé avec Hockey Canada, me parlent d'un concept connu qui a été prouvé et légèrement amélioré avec les années.

Bref, les meilleurs de la profession, les Price, Quick, Lundqvist et Rinne sont déjà presque irréprochables au niveau du suivi visuel et de la position de la tête sans nécessairement le faire consciemment. Ils adoptent, grâce entre autres à leur entraîneur de gardien, une position de base près de la glace pour favoriser un repérage de la rondelle plus constant et des déplacements plus précis et vifs. Le concept fait déjà partie intégrante de leurs habitudes de travail.

Alors, en faisant référence àla trajectoire de la tête, il est de mise de parler d'une technique à laquelle il faut apporter une plus grande importance et qui représente une évolution sans nécessairement la qualifier de révolution.