MONTRÉAL – C’était la dernière époque des gardiens qui ont marqué l’imaginaire grâce à des styles différents et flamboyants. Alain Raymond aurait adoré se greffer au groupe des Grant Fuhr, Réjean Lemelin, Mike Liut, Clint Malarchuk, Ron Hextall, Bill Ranford, Patrick Roy et compagnie, mais son aventure s’est limitée à une seule partie dans la LNH. 

Il fait donc partie d’un autre clan, celui des One Game Wonders, alors que le monde du hockey s’est inspiré du milieu musical pour cette référence. Raymond a failli s’extirper de ce lot puisqu’il a été rappelé à quelques reprises par les Capitals de Washington sans toutefois être renvoyé dans la mêlée. 

Dans son cas, le grand soir s’est présenté le 9 décembre 1987 dans le mythique Civic Center de Hartford. Grâce à deux buts de Sylvain Turgeon, les Whalers détenaient une avance de 3-1 après 20 minutes d’action quand Bryan Murray s’est tourné vers lui. Les Capitals de Washington de 1987-1988

« Vers la fin de la première période, il m’a fait signe que j’irais devant le filet en deuxième. Tu fais comme ‘Oups, ok, c’est là que ça se passe’. Mais tu tombes dans une routine que tu connais même si tu n’as pas encore joué dans la LNH et tu fais de ton mieux », s’est-il rappelé. 

« Tu passes ton enfance et ton adolescence à vouloir jouer dans LNH. La première fois que tu reçois l’appel, tu tombes dans un autre univers. En même temps, je me souviens de ne pas avoir été si nerveux. C’était ça que je voulais faire. En plus, j’affrontais Mike Liut, un gardien que j’admirais beaucoup à ce moment. Quand je revois les images, je me dis ‘Tabarouette, je trouvais qu’il était bon à cette époque, mais la technique était tellement différente !’ », a admis Raymond en riant. 

Dès son entrée en scène, il a dû répondre présent. 

« On était en désavantage numérique quand je suis embarqué dans le match et j’avais réussi à faire quelques arrêts pour briser la glace. Je me souviens très bien de certains jeux et aussi de certaines erreurs de débutant de ma part (dont sur l’un des deux buts alloués à Kevin Dineen) », a noté Raymond. 

Au final, il aura cédé deux fois sur vingt lancers dans un revers de 5 à 4.  

« Ça s’était quand même bien passé et ce fut une belle expérience. J’aurais bien aimé pouvoir la renouveler et entamer un match, mais ce n’est pas arrivé pour quelques raisons », a exposé l’homme de 55 ans. 

Alain Raymond dans La Tribune le 11 octobre 1988« Sur une période de deux ans, j’ai dû passer environ deux mois avec l’équipe. Mais chaque fois que j’y allais, Pete Peters ou Clint Malarchuk était en feu. Un moment donné, on m’avait dit que j’aurais le départ le lendemain à Toronto, mais la décision a été modifiée », a décrit l’ancien des Draveurs de Trois-Rivières et des Olympiques de Hull. 

Un concours de circonstances qui devient frustrant quand on aspire à plus qu’une présence dans la LNH. 

« C’est clair que tu veux avoir un impact et que tu veux prouver que tu es capable. Tu remets les choses en question et tout ça quand ça n’arrive pas. Mais ça reste des expériences vraiment fantastiques quand tu y repenses après tant d’années », a-t-il entamé.  

« Quand je suis sorti du hockey, j’avais 26 ans et je ne savais pas si je voyais mon petit bout de carrière dans le hockey professionnel comme une réussite ou une expérience inachevée. Dans le fond, j’ai juste joué une game dans la LNH. Ce n’est pas ce je voulais, j’avais eu une belle carrière junior et je pensais que ça débloquerait. Quand tu sors de là, tu te dis plus que ça n’a pas été une réussite », a ajouté Raymond qui a fini par retenir le positif.  

« Après quelques années, quand tu regardes le nombre de joueurs qui ont joué dans le Midget AAA, le Junior majeur ou la Ligue américaine, tu comprends que ça prenait quand même un certain talent et des efforts pour se rendre à la LNH. Tu finis par te dire ‘Ok, je n’ai pas atteint le but que je visais à 15 ans, mais c’est devenu une expérience de vie qui m’a fait grandir et une réussite », a proposé Raymond sans qu’on puisse le contredire. 

À l’été 2019, une première visite au Temple de la renommée du hockey, à Toronto, lui a d’ailleurs rappelé son destin. 

« À un endroit, tu peux chercher des statistiques ou des choses sur la provenance des joueurs et je suis tombé sur la catégorie des One Game Wonders. Je ne suis pas seul dans ce club ! », a-t-il raconté avec humour. 

Parcourir le monde avec l'équipe nationale

Puisqu’il s’imaginait s’incruster dans la LNH, Raymond n’a pas conservé de souvenirs, comme un bâton ou une rondelle, de cette partie. Il retient donc surtout le privilège d’avoir plongé dans l’univers d’athlètes comme Scott Stevens et Larry Murphy, mais surtout Rod Langway et Mike Gartner. 

« Tu as toujours des joueurs de toutes les sortes dans une équipe, mais Gartner était vraiment le genre de capitaine que tu veux. Les Capitals étaient l’une des bonnes équipes. De côtoyer Rod Langway et les autres, c’était plaisant », a-t-il exprimé. 

Il a aussi eu le temps de vivre quelques anecdotes amusantes. 

« C’est une histoire bien niaiseuse, mais ça me fait encore rire aujourd’hui. Aux États-Unis, quand tu vas manger au restaurant, tu partages la facture en groupe. Je venais d’être rappelé, j’avais 50$ US dans mes poches et aucune carte de crédit. Pete Peeters et Langway me demandent de les accompagner avec un autre joueur. Dans ma tête, je me dis que je serais correct, peu importe le restaurant, pour payer ma part. Mais la facture arrive et ça monte à 72$ par personne ! Dans le temps de le dire, j’ai des sueurs et je suis tout trempe. Je ne sais pas ce que je vais faire, je ne veux pas avoir l’air du jeune qui arrive des mineures. Finalement, Pete Peeters lance qu’il va payer le bill pour la table. Tout le monde disait ‘Non, non’ Mais dans ma tête, je me disais ‘Oui, oui’. J’ai laissé un gros pourboire et j’étais bien content », a confié Raymond. 

S’il a savouré ses expériences avec les Capitals, le gardien originaire de Rimouski a adoré son année avec l’équipe nationale. On ne peut que l’envier en l’écoutant raconter cette étape de son parcours. 

Alain Raymond« Je venais de compléter trois années dans la LHJMQ. Les gardiens étaient assez solides à Washington et l’équipe voulait me trouver la meilleure expérience possible pour ne pas avoir à retourner junior une autre saison. C’était soit la IHL, la AHL ou le programme de l’équipe canadienne qui s’est présenté. À ce moment, les professionnels ne jouaient pas avec la formation nationale. On n’était pas considérés comme des professionnels même si j’étais payé par Washington et Team Canada. Le programme avait été élaboré sur trois ans pour mener jusqu’aux Jeux olympiques à Calgary. Dave King était l’entraîneur et il recrutait un peu partout. J’avais fait des camps de U17 et U18 avec lui donc je le connaissais un peu. Ce fut peut-être ma plus belle année de hockey. On a voyagé en Russie, au Japon et un peu partout aux États-Unis pour participer à de nombreux tournois. C’était avant la chute du Mur de Berlin. De voir l’URSS à ce moment et de visiter ce pays, pour un ti-cul de 20 ans, c’était une expérience assez géniale », a témoigné Raymond. 

Le reste de sa carrière a été ponctué par des arrêts avec les Komets de Fort Wayne (en Indiana), les Skipjacks de Baltimore, les Admirals de Hampton Roads (en Virginie), les Rivermen de Peoria et les Knights de Nashville.  

Si tu regardes mes stats, tu comprendras que je n’ai jamais joué pour de grosses équipes. J’ai jeté un coup d’œil l’autre jour et je me disais Oh boy. 

« La place où j’avais le plus peur d’aller, c’était à Nashville en fin de carrière. Je braillais dans l’auto. Finalement, c’est l’une des villes où j’ai eu le plus de plaisir à jouer. Les gens connaissaient zéro au hockey, mais ils aimaient le spectacle. Quand on arrivait de la route parfois, on voyait les gens sortir d’un gala de lutte et c’était le même public qui venait nous voir jouer », a retenu Raymond. 

Une réorientation réussie avec la Société canadienne du cancer

Devenu père à 26 ans, justement à Nashville, il a commencé à comprendre que c’était le moment de changer de route. 

« J’avais fait à peu près toutes les ligues mineures. J’étais sous contrat avec les Blues à ce moment et je suis allé un peu à St. Louis, mais sans jouer. C’était un peu une désillusion de voir ce qui se passait. Je me disais que si je voulais retourner à l’école et faire autre chose, c’était le temps. On commençait aussi à s’ennuyer du Québec avec un enfant », a expliqué Raymond qui avait brièvement songé à l’Europe. 

Par la suite, il a été associé à l’Océanic de Rimouski à partir de sa première année d’existence (en 1995) jusqu’à la conquête de la coupe Memorial en 2000. Il a oeuvré dans différentes fonctions comme entraîneur adjoint et directeur du recrutement. Raymond ressentait cependant le besoin de vivre d’accomplir d’autres objectifs. 

Après un retour à l’école et quelques petits boulots, Raymond a trouvé sa voie en 2001 avec la Société canadienne du cancer où il agit en tant que directeur régional du bureau de Québec. 

« Dans ma vie, le hockey a été une belle expérience et ce l’est encore. Mais avec ce que je fais depuis 20 ans, je comprends qu’il y a d’autre chose dans la vie. Quoique, dans mon rôle, dans la direction d’un bureau et de la gestion, je reviens toujours à ce que j’ai vécu au hockey dans le coaching, ce que j’ai appris à Rimouski avec Doris Labonté, Donald Dufresne et les autres », a souligné Raymond qui aime aller voir l’Océanic lors de ses passages au domicile des Remparts. 

À l’occasion, ses trois enfants se font un plaisir de lui rappeler son passé. Après tout, un bon One hit Wonder, ça ne s’oublie pas. 

« Ça leur arrive de m’envoyer des trucs qu’ils vont voir passer comme de vieilles photos que leurs amis vont trouver sur internet », a conclu Raymond avec amusement.