MONTRÉAL – Même dans sa propre équipe, Thomas Bordeleau n’était qu’une recrue parmi tant d’autres au moment d’amorcer sa première saison avec les Wolverines de l’Université du Michigan.

Pour être exact, l’entraîneur Mel Pearson avait onze joueurs de première année sous la main dans ce qui devait être le début d’une courte reconstruction à Ann Arbor. On parlait beaucoup du jeune défenseur Owen Power, qui était déjà considéré comme le meilleur espoir en vue du repêchage 2021 de la LNH. Les attaquants Matthew Beniers et Kent Johnson étaient eux aussi déjà projetés comme la crème de cette cuvée.

Deux joueurs déjà repêchés composaient également cet impressionnant assemblage de talent. Brendan Brisson venait d’être sélectionné en première ronde par les Golden Knights de Vegas. Bordeleau, un choix de deuxième ronde des Sharks de San Jose, était l’autre.

Le jeune Québécois s’est finalement hissé au-dessus de tous les autres. Cette semaine, il a reçu le titre de recrue de l’année de la section Big 10, qui regroupe notamment les réputés programmes de Wisconsin, Minnesota et Notre Dame. Il a complété sa première saison dans les rangs universitaires américains au sommet du classement des marqueurs de son équipe, et au neuvième rang du palmarès des compteurs de toute la NCAA, avec 30 points en 24 matchs.

Mais le joueur de centre de 19 ans, on s’en est vite rendu compte en lui piquant un brin de jasette, est aussi exigeant envers lui-même qu’il est sympathique.

« J’ai toujours été quelqu’un de très confiant. J’ai des attentes élevées envers moi-même et je me lance beaucoup de défis, explique-t-il en entrevue à RDS. Cette année, j’essayais de viser plus que ça. Je voulais être un choix pour le Hobey Baker, des affaires de même. Mes attentes étaient vraiment hautes. C’est un honneur d’avoir gagné la recrue de l’année, mais le hockey c’est un sport d’équipe et mon but c’est qu’on gagne en équipe. Le reste, c’est juste du petit bonbon qui arrive sur le side. Ça fait du bien, mais personnellement, je ne suis vraiment pas satisfait de la saison que j’ai eue, pas du tout. »

Comme principal argument pour justifier sa sévérité, Bordeleau, dont le nom se retrouve aussi sur la deuxième équipe d'étoiles du Big 10, souligne son manque de constance. « J’ai des matchs de quatre points, trois points, après ça des matchs où je n’en récolte aucun », déplore-t-il. En épluchant la liste de ses performances, on note qu’il n’a été blanchi que dans cinq matchs, une seule fois dans deux matchs consécutifs. Il a aussi traversé une séquence de dix matchs avec au moins un point entre le 8 janvier et le 14 février.

Le communiqué rédigé par les Wolverines pour souligner l’exploit de leur porte-couleur fait aussi mention de son bilan défensif de +18 et de cette statistique, peut-être la plus impressionnante de toutes : Bordeleau a remporté plus de mises en jeu (211) que quiconque dans le Big 10 et a affiché un taux de succès de 58% dans les cercles.

« J’avais une boule dans le cœur »

Ça devait d’ailleurs être l’une de ses missions avec l’équipe américaine au Mondial junior avant que sa malheureuse inclusion dans le protocole de protection contre la COVID-19 – il avait été en contact avec un coéquipier qui a rendu un faux test positif – ne l’empêche de participer au tournoi.

« Tout a commencé avec mon père, raconte le fils de l’ancien joueur du Canadien Sébastien Bordeleau. Il a été presque top-3 dans la Ligue nationale. Il est arrivé en Suisse, il était dans les meilleurs aussi. C’est vraiment une partie de sa game qu’il a pris au sérieux dès le début et il m’a inculqué ça au fil du temps. Même Bantam avec les Conquérants, je prenais vraiment ça à coeur. Il me disait : "Tu vas voir plus tard, c’est du temps de jeu gratuit que les coaches vont te donner si tu gagnes tes mises en jeu". Je l’ai écouté et ça a porté fruits, mais encore cette année, j’aurais aimé ça être meilleur. »

« Dans ma tête, je ne suis pas satisfait de gagner une mise en jeu contre un adversaire du Big Ten ou contre tel gars dans la NCAA. Je me demande : ‘est-ce que je l’aurais gagnée contre Bergeron, contre Matthews, contre Kopitar? »

Brio avec Brisson

De sa première saison à Michigan, Bordeleau retiendra la belle complicité qu’il a développée avec Brendan Brisson, avec qui il s’était lié d’amitié il y a quelques années.

« C’est une drôle d’histoire, s’amuse-t-il à raconter. Son père est allé à l’école avec la mère de ma blonde... »

Pat Brisson, l’illustre agent de joueurs, représente Bordeleau depuis que ce dernier est passé au Phénix du Collège Esther-Blondin dans la Ligue Midget AAA du Québec. En 2018, deux ans avant qu’il ne soit admissible au repêchage de la LNH, Bordeleau s’était inscrit au camp que Brisson organise à chaque année à Los Angeles pour préparer ses jeunes clients au monde du hockey professionnel. Il s’y était présenté deux semaines avant tout le monde et les Brisson l’avaient accueilli sous leur toit pour une partie de l’été.

« On s’est un peu perdu de vue par la suite », continue Bordeleau, qui est passé par le programme de développement américain tandis que le jeune Brisson a emprunté la voie du hockey junior. « Mais on savait qu’on allait aller à Michigan ensemble. On se parlait quand même, on s’appelait, on se textait. Là, c’est le fun de s’être retrouvé. »

Les deux amis ont été réunis sur un même trio début décembre lors d’un week-end à Penn State. La chimie a été instantanée. À la fin de la saison, Brisson avait récolté une aide sur six des huit buts de Bordeleau. L’ascenseur est revenu assez souvent : Bordeleau a préparé neuf des dix buts de son ailier droit.

« On savait avant même de jouer ensemble qu’on serait un bon fit parce que les deux, on est intelligents. Je suis plus un fabricant de jeu, il est plus un franc-tireur. On savait qu’on allait bien s’entendre. »  

Encore affecté par la défaite de son équipe en demi-finale des éliminatoires du Big 10, Bordeleau attend impatiemment la journée de dimanche. C’est à ce moment que sera révélée la décision du comité mandaté de choisir les équipes repêchées pour le grand tournoi de fin de saison de la NCAA.

Même si les Wolverines ont terminé l’année au quatrième rang de leur section, ils sont avantageusement positionnés dans l’état des forces d’influentes publications. Bordeleau a donc encore espoir que sa saison recrue soit mémorable pour ses collectifs plutôt que pour des distinctions individuelles.