De 1972 à 1979, l’Association mondiale de hockey (AMH) a fait rager les propriétaires de la LNH. Avide de recruter des vedettes établies, l’AMH a tout fait pour créer un engouement pour son trophée ultime, la coupe Avco, et elle y est parvenue dans ses marchés. La ville de Québec en est la meilleure preuve.

Club fondateur de l’AMH, les Nordiques de Québec ont eu des années difficiles à leur début. L’équipe a raté les séries éliminatoires lors de ses deux premières années dans le circuit.

C’est lors de la deuxième année des Fleurdelisés que Serge Bernier s’est retrouvé à Québec.

« Je suis arrivé lors de la deuxième saison des Nordiques. À ce moment-là, il y avait Jean-Claude Tremblay à titre de général à la ligne bleue, mais nous n’avions toutefois pas une grosse équipe. »

Les Fleurdelisés vont toutefois rapidement prendre du galon. Durant la saison 1974-1975, le club devient une puissance dans le circuit grâce à plusieurs acquisitions majeures. Durant l’été 1974, Réal Cloutier, à seulement 18 ans, signe son premier contrat professionnel avec les Nordiques.

« J’ai fait partie de la première vague des joueurs de 18 ans à monter chez les professionnels. Lorsque je suis arrivé, nous n’avions pas une mauvaise équipe, mais l’arrivée de Marc Tardif, durant la saison, a tout changé! »

Tardif est déjà une grande vedette dans l’AMH lorsqu’il est échangé aux Nordiques par les Stags du Michigan, le 8 décembre 1974. S’il demeure l’acquisition la plus marquante des Nordiques, Tardif rappelle qu’il n’est pas arrivé seul à Québec.

« Je suis arrivé à Québec avec Steve Sutherland. La journée de mon transfert, les Nordiques ont aussi acquis Christian Bordeleau des Jets. Il y avait aussi déjà Jean-Claude Tremblay, Serge Bernier, Réal Cloutier, Réjean Houle, Dale Hoganson et d’autres bons joueurs. Franchement, ils avaient déjà un bon noyau au sein de l’équipe. »

Cette saison-là, les Nordiques terminent premiers de la division canadienne avec 92 points et deuxièmes au classement général derrière les Aeros de Houston.

Les Nordiques commencent en force les séries en éliminant les Roadrunners de Phoenix en cinq joutes. Au deuxième tour, ils coupent les ailes des Fighting Saints du Minnesota en six matchs. Malheureusement, comme l’explique Bernier, leur finale sera gâchée par des ennuis hors glace.

« À Houston, lors des deux premiers matchs, nous avons eu beaucoup de difficulté à nous loger. Les chambres d’hôtel n’avaient pas été réservées correctement. Nous n’avions pas beaucoup la tête au hockey. »

Bernier n’enlève toutefois aucun mérite aux Aeros. Cette année-là, Houston en est à sa deuxième finale de la coupe Avco. L’équipe est forte et expérimentée comme l’explique Marc Tardif.

« À Houston, je ne me souviens pas de tous les joueurs de l’équipe, mais ils avaient la famille Howe. Ils avaient d’ailleurs gagné la Coupe l’année précédente. »

En 1975, les Nordiques ont été balayés par les Aeros. Les Québécois ont donc pris leur mal en patience. Ils auront toutefois la chance de sortir leurs chaises de parterres en 1977!

Québec championne!

Lors de la saison 1976-1977, les Nordiques terminent premiers de la division Est avec 97 points et deuxièmes au classement général derrière, encore une fois, les Aeros. Cette fois-ci, en séries, les Nordiques éliminent les Whalers de la Nouvelle-Angleterre en cinq parties avant d’en faire de même avec Racers d’Indianapolis. En finale, le défi est de taille, il faut vaincre Bobby Hull et les Jets de Winnipeg. Comme l’explique Bernier, ce ne fut pas de la tarte.

« On savait qu’on pouvait rivaliser, mais nous ne sommes pas entrés sans complexe. Émotivement, ça a été très difficile. Nous avons dû régler des conflits à l’interne. À la veille du septième match, nous avons réussi à nous unir et c’est ce pour quoi nous avons eu du succès. »

L’ultime match de la finale a lieu à Québec le 26 mai. Le Colisée est plein à craquer. À l’époque, on peut y accueillir seulement 10 000 spectateurs. Se remettant d’une défaite de 12 à 3, les Nordiques font face à des Jets déterminés. Heureusement, comme l’explique Marc Tardif, les Nordiques ont eu de la chance d’avoir Richard Brodeur pour les garder dans le match.

« En première période, le match était très serré. Richard a fait des arrêts extraordinaires. Sa prestation, particulièrement en début de match, a été déterminante pour notre victoire de la coupe Avco. »

Grâce aux prestations de Brodeur, les Nordiques sont toujours dans le match après le premier entracte. Bob Fitchner leur donne les devants après 11 secondes de jeux au deuxième tiers. Le centre défensif des Fleurdelisés a profité d’une bourde du Suédois Ulf Nilsson. Ce but réveille les Nordiques. Marc Tarif creuse l’avance des siens, 59 secondes plus tard, grâce à une passe savante de Réal Cloutier.

Cloutier compte rapidement un troisième but pour les Nordiques en déviant un tir de Garry Larivière, mais les Jets ne s’avouent toujours pas vaincus. Dan Labraaten réduit l’écart à deux buts et les Nordiques se doivent de les assommer au plus vite. C’est à ce moment que Jean-Claude Tremblay a sorti son fameux tir vicieux pour marquer du centre la patinoire.

« C’était une sorte flip shot que Jean-Claude pratiquait souvent durant les entraînements, raconte Cloutier. Ça a passé entre les jambières de Joe Daley. Ce but, ça les a déstabilisés »

« Jean-Claude avait une palette ressemblant à celle d’un gardien de but, explique Tardif. On ne sait pas comment il faisait, mais son tir avait le même effet qu’une balle tombante au baseball. Il sortait cela pour les grandes occasions. »

Les Nordiques ne regarderont plus derrière. Grâce à Larivière et Christian Bordeleau, la formation québécoise complète le tiers médian avec une avance de 6 à 1. Québec ajoute deux buts en troisième période dont un marqué par Bernier. Dans une cause perdue, Perry Miller marque un dernier but pour les Jets en fin de match sans grand enthousiasme. Grâce à cette victoire de 8 à 2, les Nordiques remportent la coupe Avco.

S’en suit une scène surréaliste. Après la dernière seconde du match, la foule envahie la glace pour célébrer avec les joueurs. Complètement fous, les partisans des Nordiques transportent Jean-Claude Temblay au bout de leur bras. Marc Tardif reçoit la coupe Avco au travers d’une foule hystérique. Le capitaine des Nordiques se souvient bien de cette folle atmosphère.

« Les gens de Québec étaient très passionnés de leur équipe. Les partisans attendaient cela depuis 1972. Nous étions fiers de les voir aussi enthousiastes. C’était vraiment une belle preuve d’amour de leur part. Cette victoire, c’est vraiment un moment inoubliable. »

Pour Tardif, cette coupe est aussi celle de la rédemption. La saison précédente, la vedette des Nordiques a passé très proche de ne plus jamais jouer au hockey après avoir été sauvagement attaquée par Rick Jodzio, des Cowboys de Calgary.

« Pour Marc, ce fut un retour extraordinaire, raconte Bernier. Il avait déjà gagné la coupe Stanley, mais de mener l’équipe jusqu’à la coupe Avco, après ces évènements, c’était tout un exploit. »

Serge Bernier peut aussi être fier de ses séries. En 17 joutes, il a marqué 14 buts et récolté 22 aides pour produire 36 points. Sans surprise, il est nommé joueur le plus utile des rondes éliminatoires.

Le lendemain, Québec est en fête. La coupe Avco visite l’hôtel de ville et une parade est organisée pour célébrer les Nordiques.

« À la mairie, nous avons été accueillis par Gilles Lamontagne et nous avons signé le livre d’or. Lors de la parade, il y avait beaucoup d’ambiance. Les gens avaient suivi cela à Radio-Canada et ils étaient sortis massivement comme lorsque j’avais gagné la coupe Stanley à Montréal », a souligné Tardif.

 

« C’était vraiment plaisant, raconte Serge Bernier. La parade a eu lieu sur la Grande Allée. C’était mon premier championnat professionnel. Aujourd’hui encore, à 70 ans, je m’en souviens comme si c’était hier. »

Après ces festivités, la coupe Avco a quitté Québec pour être remportée à deux autres occasions par les Jets de Winnipeg en 1978 et 1979. Après la fusion avec la LNH, elle s’est retrouvée au Panthéon des sports du Manitoba. Durant les 40 dernières années, les champions de 1977 n’ont jamais revu ce précieux trophée. Dans ce quarantième anniversaire du championnat de l’AMH, Québec devrait peut-être penser à ramener la coupe Avco sur la Grande Allée pour fêter de nouveau ses derniers champions du hockey professionnel.