Cette fin de semaine, la ville qui ne dort jamais vivait au rythme de la lutte de la WWE et d’une quantité de fédérations indépendantes profitant du rayonnement du Wrestlemania annuel des McMahon pour convoquer les amateurs de lutte des quatre coins du monde entre les événements présentés par la plus grande fédération au monde.

J’y étais pour assister aux soirées de la NXT, de la New Japan et de la ROH, de la WWE et de Rev Pro Wrestling en partenariat avec la convention Wrestlecon. Trois jours intenses de lutte avec, comme dernier souffle, le grandiose Wrestlemania 35 présenté au MetLife Stadium de la banlieue new-yorkaise.

Ce serait long et fastidieux de revenir sur tous les moments de lutte de la fin de semaine, mais on peut certainement couvrir quelques grandes lignes avec, au travers, des impressions qui iront sans doute dans tous les sens. Vous m’excuserez, les détails sont flous avec autant de lutte en si peu de temps. Les émotions sont brutes par contre et, au final, la route du retour permet de remettre de l’ordre dans tout ça.

Voici donc mes impressions avec un petit recul de cette grande fête de la lutte qu’était Wrestlemania 35.

Ça ne pouvait qu’être Becky

Après plus de huit heures dans le stade des Giants et des Jets de la NFL, on voyait enfin le dernier combat de la soirée avec, en vedette, Ronda Rousey, Charlotte Flair et Becky Lynch. L’histoire était télégraphiée et souhaitée par les partisans : on voulait voir le couronnement de Becky Lynch après une quête de plus de six mois.

Les partisans sont retournés à la maison heureux, et ce malgré la fatigue et une fin un peu approximative. Le résultat suffisait. Le bonheur de voir Lynch soulever les deux championnats du monde suffisait. En fait, il était essentiel. Sans ça, pas certain que les impressions après Wrestlemania auraient été aussi positives. Parce que des enfants devaient quitter avant la fin avec leurs parents. Parce que sept heures de lutte c’est trop en demander aux partisans. Parce que la pluie s’est invitée à New York quelques minutes après l’éclatement des derniers feux d’artifice de la soirée.

Il fallait terminer sur ce triomphe de Lynch. La WWE le savait, les partisans le souhaitaient et, au final, tout le monde a trouvé son compte. C’était, à défaut d’un terme plus précis, une conclusion idéale.

Le phénomène Kofimania

Kofi Kingston est devenu le premier lutteur né en Afrique à soulever le championnat de la WWE. Pas «le premier depuis X années», non, le premier tout court. C’était une statistique aberrante, limite gênante, mais le tir est désormais rectifié.

Kingston, né au Ghana, rejoint la très mince liste de champion du monde  noir de l’histoire de la WWE. Il faut même jouer avec les paramètres pour en inclure puisque The Rock est un métis et Ron Simmons a été champion du temps de la WCW bien avant le rachat par la WWE. On parle ici d’un championnat reconnu depuis 1963 sous le giron de la famille McMahon. C’est près de soixante ans d’histoire sans couronner un champion Afro-Américain. Mais Kingston est désormais le champion, 12 ans après ses débuts avec l’organisation. Lui aussi a rendu la foule heureuse et certainement reçu la plus chaude ovation de la soirée. Positionné un peu avant 22h00, le combat était parfaitement rythmé pour investir la foule et remettre une bonne dose d’énergie dans le corps des gens affectés par le froid et l’humidité.

L’exploit de Kingston ne se résume pas à un banal baume lors d’une longue soirée. On parle ici d’une histoire de lutte organiquement déployée au grand plaisir des partisans avec, au final, une exécution sans faille de la part Kingston et de l’ancien champion Daniel Bryan qui a tout donné à son adversaire afin de lui offrir le miroir de son propre couronnement lors de Wrestlemania 30.

La grande classe et un grand moment qui marquera l’histoire de Wrestlemania.

Une surprise pour commencer la soirée

Brock Lesnar a perdu le championnat universel quelques instants après les maladroites salutations de Hulk Hogan à la foule en début de soirée. Seth Rollins a essuyé les assauts de l’ancien champion et il a disposé de la bête qui sera, désormais, libre d’affronter Daniel Cormier avec l’UFC cet été (ou plus tard).

Bonne idée décidée à la dernière minute de la part de la WWE et bonne décision d’enfin  remettre le championnat aux hanches d’un lutteur actif à Raw chaque semaine. Seth Rollins est l’élu du moment et c’est un souffle intéressant pour la suite des choses.

Pour ce qui est de la performance à Mania – c’était ce que c’était. Une façon d’arriver à la fin du récit. Une bonne façon, mais pas une façon marquante ou spectaculaire.

Trop de place à la nostalgie

Triple H et Batista ont livré le plus long combat de la soirée. Les deux hommes s’approchent de la cinquantaine et se sont tiraillés pendant près de trente minutes devant une foule essoufflée autour de 23h00. De plus, Batista a confirmé sa retraite par la suite, faisant l’honneur de remettre à Triple H la poussée dans le dos qu’il avait lui-même reçu il y a une quinzaine d’années.

Le combat était lent et sans réelle montée dramatique à part la brève intervention de Ric Flair à la fin. Ajoutons à cela la maladroite présence de Hulk Hogan et le retour nostalgique d’un «méchant» John Cena et ce Wrestlemania n’aura pas touché la cible avec ses moments nostalgiques. Ils étaient peu nombreux, fort heureusement, mais ils étaient quand même de trop pour la plupart – à l’exception de la présentation des membres du Temple de la renommée.

Lors d’une soirée de sept heures, c’est facile de trouver des choses à couper. Du temps entre deux lutteurs à temps partiel, ça serait l’une des premières choses sur le bloc du boucher.

Les moments marquants

Finn Balor et son démon ont clairement soulevé la foule avec son entrée avant de reprendre le championnat Intercontinental des mains de Bobby Lashley.

Même son de cloche pour Kurt Angle qui a reçu une belle ovation de la part de la foule malgré sa défaite aux mains de Baron Corbin. «You Never Sucked» s’est fait entendre au grand plaisir du principal intéressé.

Rey Mysterio a été bien reçu par les partisans, mais sa blessure a clairement affecté sa performance. Samoa Joe, pour son premier Wrestlemania, a reçu une chaude ovation de la part des amateurs.

Les moments oubliés

The Miz a effectué une rare cascade avec Shane McMahon, mais le tout sera vite oublié en raison de l’abondance. C’est dommage, mais ce combat n’est pas venu chercher les partisans.

Les championnats par équipe, sur la carte, n’ont pas reçu beaucoup d’amour. Les Usos ont conservé leurs titres et les Iconics sont les deuxièmes championnes de l’histoire du titre par équipe féminin. Pour le reste, on aurait pu vivre sans le triomphe de Zach Ryder et Curt Hawkins avant la carte principale. Parlant des choses avant la carte, pauvre Braun Strowman. Son étoile ne brille plus autant qu’avant.

L’animation d’Alexa Bliss ne passera pas à l’histoire non plus, surtout que le son dans le stade était écho et difficile à entendre.

Les autres soirées de la fin de semaine

La meilleure soirée de lutte à laquelle j’ai assisté était du côté du légendaire Madison Square Garden qui, pour la première fois depuis une trentaine d’années, ouvrait ses portes à une autre organisation que la WWE.

C’est la New Japan Pro Wrestling en partenariat avec la ROH qui a reçu l’honneur d’organiser un gala et malgré quelques longueurs, on peut parler sans gêne d’un coup de circuit de la part de la fédération nipponne. Tetsuya Naito et Kota Ibushi ont volé le spectacle avec un match tout simplement fou.

Le Québécois PCO a perdu son championnat par équipe, mais il a gagné le cœur des partisans avec une entrée remarquée et une cascade complètement folle. En fin de soirée, Kazuchika Okada a repris le championnat IWGP des mains de Jay White et il a remercié la foule en anglais un peu avant minuit. Une grande soirée de lutte au cœur d’une fin de semaine chargée.

Sinon, la NXT a donné tout un spectacle à Brooklyn et Johnny Gargano a finalement remporté le championnat de la fédération. Possiblement le meilleur combat de la fin de semaine toutes organisations confondues, ce 2 de 3 contre Adam Cole a complètement chamboulé les spectateurs massés au Barclays Center de Brooklyn.

J’aurais aimé voir plus de lutte, car dieu sait qu’il y en avait, mais ça m’était physiquement difficile et émotionnellement insoutenable. Fallait dormir pour se remettre de tout ça et digérer toute la malbouffe ingérée d’un stade à l’autre.

Par contre, le voyage en vaut le détour. Wrestlemania et son cirque ambulant, c'est une fête de la lutte pour les amateurs et un prétexte idéal de mettre à l’avant-plan notre amour du sport-spectacle. On pourrait même dire qu’il s’agit d’un safe space pour les amateurs qui sont quelques fois stigmatisés par les gens qui ne comprennent pas cette passion. Durant la fin de semaine de Wrestlemania, la gêne et la honte ne sont pas invitées et c’est une communauté ouverte et chaleureuse qui reçoit toute cette dose de divertissement sportif.

C’est beau à voir et pas seulement pour la lutte.

D’ailleurs, la WWE revient à Montréal les 15 et 16 avril pour la présentation de Raw et Smackdown. Vous devriez y aller si vous en avez l’occasion.