MONTRÉAL – Samuel Piette avait beau avoir troqué ses crampons pour des espadrilles, ça n’allait pas l’empêcher d’adresser la parole à ses coéquipiers. Avant que ceux-ci franchissent le tunnel qui allait les mener sur le terrain pour la deuxième demie de leur match contre Austin FC, le milieu de terrain d’expérience leur a rappelé ce qui s’était passé plus tôt cette saison à Atlanta.

Le 19 mars, fraîchement éliminé de la Ligue des champions de la CONCACAF, le CF Montréal s’était présenté en Géorgie avec la tête sur la guillotine. Enlisé dans un début de saison morose en MLS, il entrait dans l’un des stades les plus hostiles du circuit contre une équipe qui n’avait pas l’habitude de lui faire de quartier. On ne donnait pas cher de sa peau.

Sa réponse en première demie avait été impressionnante. Il menait 3-1 à l’entracte après avoir encaissé un but dès la sixième minute. Quand Dom Dwyer a écopé d’un carton rouge à la 67e minute, plusieurs ont cru que c’était dans la poche. Mais même avec un joueur en moins, Atlanta avait trouvé le moyen de revenir de l’arrière pour priver Montréal d’une improbable victoire.

Si Piette a cru bon ramener ce mauvais souvenir à la surface pendant l’entracte, samedi soir, c’est que son équipe se préparait à jouer une demie complète à 11 contre 10. En effet, à la 45e minute, le milieu de terrain Daniel Pereira avait écopé de son deuxième carton jaune de la joute pour une faute à l’endroit de Mathieu Choinière.

Son avertissement a eu l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Le seul but marqué par la suite a été celui de Maxi Urruti, qui perdait pourtant tous ses moyens devant les filets adverses lorsqu’il portait les couleurs de l’Impact il y a quelques années.

Au cumul, on arrive donc à cinq points que le CF Montréal aurait dû logiquement mettre en banque et sur lesquels il ne touchera jamais les intérêts.

« J’ai l’impression qu’on est une équipe qui est capable de bien gérer quand on se fait presser, a suggéré Piette après la défaite. On est patients sur la balle et on est capables d’attirer l’équipe adverse et de jouer dans les espaces qui s’ouvrent. Quand tu joues avec un homme en moins, comme Austin [ce soir], tu as un bloc défensif un peu plus bas, donc tu es plus près de ton but. Les espaces sont plus serrés parce que tu sais que tu as un joueur en moins, tu essaies de rester collé à tes coéquipiers. Donc je pense qu’on a de la misère un peu à briser ce bloc-là. »

« Oui il faut bien faire avec la balle, mais il va y avoir des transitions défensives et des actions offensives du côté de l’adversaire. Comme de fait, il y a eu une, deux avec [le poteau de Diego] Fagundez, et il y en a une qui nous a fait mal », a conclu le cocapitaine.

L’entraîneur Wilfried Nancy, qu’on attendait plus amer après cette déconvenue, a bien contenu ses émotions devant les caméras.

« C’est sûr qu’on aurait pu créer plus de chances. Mais ce n’est pas tout le temps facile de jouer contre une équipe qui joue à dix. C’est un peu paradoxal, ce que je vais dire, mais elle décuple ses forces mentalement. Nous, on doit mettre un peu plus de vitesse, un peu plus de folie dans le jeu. On a eu un peu de manque de précision, de liant dans le dernier tiers. »

« On sait que l’équipe à dix va tout faire, lui a fait écho le milieu de terrain Mathieu Choinière. Excusez-moi le terme, mais ils vont être comme des chiens pour défendre. Ils ont bien défendu. On a essayé de trouver les failles, mais ils ont été très agressifs et ne nous ont pas laissé pénétrer leur bloc. »

Austin n’a pas seulement mieux défendu. Avec un peu de chance, la formation texane aurait pu quitter le Québec avec une victoire plus convaincante. Il y a eu ce poteau de Fagundez, annonciateur de mauvais temps. Sebastian Driussi, qui était arrivé à Montréal avec huit buts, la deuxième meilleure production de toute la MLS, a aussi raté une occasion de qualité supérieure.

Les Montréalais ont bien sûr généré quelques frissons à l’autre extrémité du terrain, mais ils ont été entrecoupés de trop de passes imprécises, de mauvaises lectures de jeu et de coûteuses hésitations. De sa place sur le banc de touche, Piette avoue ne pas avoir aimé ce qu'il a vu. 

« Quand tu as 45 minutes avec un homme en plus et que c’est l’égalité 0-0, tu veux rester patient, tu ne veux pas précipiter les choses et te lancer dans un match où les contre-attaques se succèdent, explique l’international canadien. C’est exactement ce que l’autre équipe espère. Mais il faut mettre plus de ballons dans la surface adverse, prendre plus de risques, jouer de façon un peu plus directe. Surtout quand la fin approche et que tu tires de l’arrière. Mais je n’ai pas senti ça. »

« Présentement il y a de la frustration, oui, mais surtout par rapport à notre gestion du match. Il n’y avait pas de sentiment d’urgence », a diagnostiqué le vétéran.