Des engins de construction qui grondent, des équipes d'ouvriers qui s'activent sur les chantiers: la Russie est bien dans les temps pour les préparatifs du Mondial-2018 organisé sur ses terres dans moins de trois ans.

Samedi, un premier rendez-vous important est attendu à Saint-Pétersbourg avec le tirage au sort en mondovision des matches de qualifications. Mais loin des paillettes, c'est bien dans la terre et par la pierre que se joue actuellement le défi russe d'accueillir sa première Coupe du monde.

 . Les stades A l'heure actuelle, seule l'Otkrytie Arena du Spartak Moscou, portée à 45.000 places, est dans sa configuration finale et accueille des matches. L'autre enceinte de la capitale, l'historique Loujniki, construit en 1956 et où se déroulèrent les JO-1980 d'été ou la finale de la Ligue des champions 2008, subit des travaux de rénovation pour étendre sa capacité à 81.000 places assises. Loujniki accueillera notamment le match d'ouverture et la finale.

A Saint-Pétersbourg, le nouveau stade de 68.000 places est prêt à 75% et devrait être livré en mai 2016, tandis qu'à Sotchi, lieu des JO d'hiver 2014, le stade olympique est en passe d'être reconfiguré pour des rencontres de foot. Le stade d'Ekaterinbourg est lui en profonde rénovation.

A Kazan, l'Arena vient d'être transformée en bassin pour les Mondiaux de natation qui débutaient vendredi. Le foot reprendra ensuite ses droits dans ce stade de 45.000 places où se joueront quelques matches de la Coupe des Confédérations en 2017.

Les autres stades devant accueillir des matches du Mondial-2018 à Saransk, Samara, Rostov-sur-le-Don, Nijni Novgorod, Volgograd sont actuellement en construction. Seul celui de Kaliningrad semble connaître des problèmes, liés au sol à consolider, au drainage d'eau et à la réduction de sa capacité (de 45.000 à 35.000 places).

Frappée par une crise économique, due à la baisse du prix de pétrole et aux sanctions économiques des Occidentaux pour son rôle dans le conflit ukrainien, la Russie vient de faire une grosse coupe de quelque 480 millions d'euros (30 milliards de roubles) dans son budget Mondial-2018.

« La construction et la rénovation des stades ne seront pas affectées par ces économies », a cependant assuré le ministre des Sports Vitali Moutko à l'agence R-Sport.

 . Les hôtelsUn gros effort est également consenti pour améliorer la capacité hôtelière dans toutes les villes-hôtes hormis Sotchi, fort de son récent vécu olympique.

Moscou et Saint-Pétersboug, qui proposent respectivement 33.000 et 18.000 chambres, doivent augmenter leur capacité d'accueil. Idem pour les autres villes-hôtes où les organisateurs ont fait appel à des investisseurs locaux afin de construire de nouveaux hôtels.

 . Les transportsLà aussi, les travaux vont bon train. L'extension de terminaux pour les aéroports de Nijni Novgorod et Samara situés près de la Volga (est) devrait être aboutie d'ici la fin de l'année. A Rostov-sur-le-Don, un nouvel aéroport se construit et doit voir le jour avant le début du Mondial.

Quant au vaste réseau ferré, il subit un sérieux coup de neuf pour ajouter des lignes à grande vitesse entre les villes-hôtes.

 . La sécuritéC'est le dernier chantier majeur, face au risque d'attaques. Le dispositif est actuellement à l'étude, en collaboration avec la Fifa, et sera dévoilé mi-2016, selon Alexei Sorokine, chef du comité d'organisation local (COL).

« La question sécuritaire est une de nos priorités, mais cela ne doit pas rejaillir sur le confort des sportifs ou des supporteurs », a récemment déclaré Valdimir Poutine, qui veut là encore s'appuyer sur la réussite des Jeux de Sotchi. LA référence en matière d'organisation d'un évènement majeur pour la Russie.

Entre prestige international et développement de ses régions

A trois ans du coup d'envoi, la Russie prépare soigneusement son Mondial-2018, dont la réussite est pour le Kremlin une affaire de prestige international autant que de développement économique des futures villes hôtes.

Dans la plupart d'entre elles, les chantiers des stades et des infrastructures routières ou hôtelières sont déjà bien avancés, à la satisfaction de la Fifa où l'on ne cache pas être soulagé de ne pas voir se répéter les scénarios sud-africain ou brésilien.

« C'est le plus grand événement sportif organisé par la Russie dans son histoire récente et nous voulons en faire la meilleure des Coupes du monde », a assuré la semaine dernière le ministre des Sports, Vitali Moutko, lors d'une conférence de presse.

Moscou, qui traverse avec l'Occident sa plus grave crise depuis la fin de la Guerre froide sur fond de conflit en Ukraine, voit dans le Mondial-2018 une façon "de montrer que nous faisons toujours partie du jeu international", estime le commentateur politique Anton Orekh, qui juge peu probable que le Mondial puisse influer la politique russe.

« Les jeux Olympiques de Sotchi avaient été un succès et il semblait qu'on pouvait les transformer en quelque chose de positif. Puis, il y a eu une guerre et tout a été oublié... », estime-t-il.

Une opinion partagée par Konstantin Kalatchev, pour qui l'organisation de la Coupe du monde est "une question de prestige". "Les Russes ne sont pas contre l'isolement mais ils s'inquiètent aussi de leur place dans le monde", estime le directeur du Groupe d'expertise politique.

Pourtant, ajoute ce politologue, si de bons résultats sportifs de la Russie sont toujours bons à prendre pour alimenter le "mythe Poutine", cette Coupe du monde n'est "déjà plus un sujet majeur" pour le président russe.

Vladimir Poutine, qui n'a jamais caché sa préférence pour le hockey sur glace et les sports d'hiver, s'est d'ailleurs jusqu'ici peu impliqué dans l'organisation du Mondial.

« Pour lui, les jeux Olympiques étaient l'apothéose. Plus personne (au Kremlin) ne se soucie de l'image du pays à l'étranger. La communication autour de la Coupe du monde est tournée vers l'intérieur", reprend Konstantin Kalatchev en évoquant "le développement des infrastructures ».

   'Développer les infrastructures'

Car, pour organiser le Mondial-2018, Moscou devra procéder à un renouvellement complet de ses infrastructures touristiques et de transport, dans des régions peu dotées et peu fréquentées par les touristes étrangers alors que, selon Vitali Moutko, l'événement devrait attirer "trois millions de visiteurs dont un million d'étrangers".

« Vladimir Poutine comprend bien que ce genre de méga-projets » est le moyen idéal pour accélérer le développement économique des régions, assure Konstantin Kalatchev.

Un développement des infrastructures régionales irait dans le sens de la politique du Kremlin, qui multiplie l'organisation d'événements internationaux en dehors des deux "capitales" russes que sont Saint-Pétersbourg et Moscou, à l'image du récent sommet des Brics à Oufa, dans l'Oural, ou des Jeux universitaires de Kazan organisés en 2013.

Mais la réussite du Mondial-2018 passera pour la Russie avant tout par deux challenges résumés par Vitali Moutko: "Nous devons augmenter l'intérêt des Russes pour le football et le niveau de notre sélection".

Alors que la sélection est mal partie dans la course à la qualification pour l'Euro-2016, un sondage de l'institut russe Vtsiom, publié début juillet, révélait que 73% des Russes sont indifférents vis-à-vis du football.