Tanya Boychuk, l'attaquante polyvalente aux multiples dimensions
Suivez dès 13 h 30 à RDS et sur le RDS.ca la rencontre entre les Roses et le Rapide d'Ottawa. On met la table avec un avant-match à 13 h.
LAVAL – Tanya Boychuk relève délicatement sa lèvre supérieure et découvre fièrement une enflure bleutée qui se veut le prolongement de ce qu'on aurait autrement mépris pour un feu sauvage. Nous sommes mercredi à l'entraînement des Roses de Montréal.
« Ça vient du coup de pied que tu as reçu dans le match à Vancouver? », lui demande-t-on avec une grimace remplie de compassion. Elle acquiesce.
« Et celui que tu t'es pris tout à l'heure? »
« Ah ça? Ce n'était rien... »
Boychuk porte le titre d'attaquante, mais oubliez le stéréotype de la diva qui ne se valorise que par la beauté des buts qu'elle marque. Les deux premières semaines d'activités de la Super Ligue du Nord ont suffi pour comprendre de quelle façon la cocapitaine du onze montréalais peut exercer son leadership.
Elle court, elle pourchasse, elle provoque, elle combat, elle détrousse, elle relance, tout ça sans discrimination à l'égard de la zone du terrain dans laquelle elle se trouve. Que vous soyez une défenseuse tentant de protéger votre territoire ou une attaquante flairant l'occasion près du but adverse, vous risquez de l'avoir dans les pattes.
« Je pense que tout le monde sur le terrain est là pour défendre avant d'attaquer, dévoile-t-elle comme un aperçu de sa mentalité. J'ai toujours fait ça, ça a toujours fait partie de mes attributs. Ça tombe bien parce que pour le personnel d'entraîneurs ici, c'est important que chaque joueuse soit constamment derrière le ballon pour défendre et travailler. Il n'y a pas d'attaquante paresseuse dans cette équipe. »
L'ironie, c'est que ce caractère frondeur, ce petit brin de folie qui fait sa marque de commerce, aurait aussi bien pu l'éloigner des terrains.
Pendant une dizaine d'années, Boychuk a combiné le soccer et le plongeon de haut niveau. Elle raconte que c'est précisément une attirance pour le risque et le chaos qui l'a menée à la piscine, vers l'âge de 7 ou 8 ans.
« Je participais à un camp d'été en gymnastique et le coach de plongeon m'a remarquée. Il m'a dit : ‘Tu sais faire un flip, tu es courageuse, joins-toi à notre équipe'. À cet âge-là, les meilleurs plongeurs sont les plus téméraires parce que les autres ont peur de tout! Moi, on me disait de faire quelque chose et j'y allais. »
Avec la collaboration indispensable de ses parents, la jeune fille d'Edmonton a commencé à combiner les deux sports. Au secondaire, elle allait à l'école le matin, passait trois heures au tremplin dans l'après-midi et se faisait transporter immédiatement à son entraînement de soccer.
Éventuellement, elle a intégré l'équipe nationale junior dans les deux disciplines. Son adolescence a été jonchée de dilemmes. À 14 ans, elle a remporté deux médailles de bronze en plongeon aux Jeux panaméricains juniors. À 17 ans, elle chaussait les crampons son pays au Championnat des moins de 20 ans de la CONCACAF.
Elle était en 12e année et contemplait la possibilité d'accepter une bourse d'études à l'Université de Memphis lorsqu'elle a finalement décidé de prioriser le soccer.
« J'aurais quand même pu faire les deux, mais j'ai préféré à cette époque me concentrer sur un seul sport. J'ai choisi le soccer parce que je trouvais que j'y ressentais un peu moins de pression. J'ai aussi toujours adoré travailler en équipe alors que le plongeon est évidemment un sport un peu plus solitaire. Je sentais que j'avais fait le tour et j'ai tourné la page, mais ça me manque énormément », dit celle qui compte encore d'anciennes coéquipières qui s'entraînent avec l'équipe nationale à Montréal.
Pour la première buteuse de l'histoire des Roses, il a toujours été évident que les habiletés qu'elle développait dans un sport lui servaient invariablement dans l'autre. Aujourd'hui, même si elle ne plonge plus depuis une demi-douzaine d'années, elle sait que son expérience dans la piscine lui confère un avantage sur la compétition.
Par exemple, lorsqu'elle a été présentée comme l'une des deux joueuses des Roses qui porteront le brassard de capitaine en 2025, son entraîneur Robert Rositoiu l'a décrite comme une athlète qui ne lésine pas sur la « préparation invisible ». Elle convient que la discipline à laquelle elle a dû s'astreindre pour arriver à exceller dans deux sports l'aide aujourd'hui à ne tourner aucun coin rond.
« Mais je crois que le plongeon m'a aussi vraiment aidé avec l'aspect mental du soccer, ajoute-t-elle. Ma vie sur le tremplin m'a permis de mettre les choses en perspective, à mieux gérer la pression sur le terrain. En plongeon, tu n'as qu'une chance. Tu te trompes, tu te casses la gueule. Ici, je peux me tromper 100 fois et ensuite faire une bonne action qui nous permet de gagner le match. Ça ne sert à rien d'être trop sérieuse. »
Et si, après qu'un long sprint et quelques coups d'épaules lui eurent permis de récupérer le ballon pour son équipe, une adversaire était tentée de lui répéter cette ligne, sa réponse serait déjà toute prête.
« Ah ça? Ce n'était rien... »