(RDS) - Fils d'un métayer d'Alabama, petit-fils d'un esclave, petit petit-fils d'un propriétaire blanc d'esclaves, Joe Louis est devenu le premier Afro-américain a obtenir la gloire et la popularité au 20e siècle.

À un temps où ses compatriotes étaient victimes de lynchage, de discrimination et d'oppression, où l'armée était ségrégationiste, où les Afro-américains ne pouvaient jouer au baseball majeur, Joe Louis a été le premier à atteindre le statut de héros qui était réservé, jusque-là, aux blancs. Quand il a amorcé sa carrière de boxeur dans les années 30, il n'y avait aucun Afro-américain qui pouvait attirer l'attention des blancs.

"Ce que mon père a fait était de permettre aux blancs de le penser à lui comme un Américain et non comme une personne de race noire", a indiqué son garçon, Joe Louis Jr. "En gagnant ses combats, il est devenu le premier héros noir des blancs."

Le boxeur a été champion du monde des poids lourds à une époque où la personne détenant ce titre était considérée comme le plus grand de la planète. Jack Johnson, le premier Afro-américain à être champion du monde des lourds, n'a jamais été populaire auprès des blancs. Louis, quant à lui, a réussi à les convertir. Quand le "Brown Bomber", comme il était appelé, a vengé son échec face à l'Allemand Max Schmeling (vu comme un symbole nazi), le pays au complet a célébré.

Le patriotisme de Louis dans ce temps de guerre, dans un pays divisé par les races, a fait de lui un symbole de l'unité nationale. À deux reprises, il a donné ses bourses au Fonds de relève militaire des États-Unis. Il s'est fait aimer davantage du public américain quand il a déclaré: "Les États-Unis vont gagner la Deuxième Guerre mondiale parce Dieu est de notre côté."

Quand certains ont accusé Joe Louis de devenir un "Oncle Tom", les autres ont réalisé que Louis n'avait pas le tempérament d'être un militant. Son sens peu commun pour la dignité, qu'il a bien prouvé en refusant de se faire photographier en compagnie d'une tranche de melon d'eau, a augmenté sa popularité.

Quand certains ont rappelé que Louis était un exemple pour sa race, le chroniqueur sportif Jimmy Cannon a répondu: "Oui, Joe Louis est un exemple pour sa race, la race humaine!"

Il a également été un exemple pour la boxe qui subissait souvent la critique de la foule avant son arrivée. Son règne de champion du monde entre 1937 et 1949, année où il s'est retiré, est le plus long de toute l'histoire. Avec son puissant "jab" du gauche, sa façon destructrice d'attaquer ses adversaires et sa capacité de les terminer ont fait en sorte qu'il a défait ses 25 aspirants, un autre record.

Joe Louis était également très populaire auprès des dames. Marié à quatre reprises, dont deux fois avec sa première femme, le boxeur aimait bien la compagnie, autant des femmes blanches que des Afro-américaines, ce qui inclut les Lena Horne, Sonja Henie et Lana Turner.

Joseph Louis Barrow est né le 13 mai 1914, dans une petite demeure près de Lafayette, en Alabama. En plus d'être un Afro-américain, Joe Louis avait des ancêtres blancs et indiens. Son père a été admis dans un hôpital psychiatrique avant que Joe ait deux ans.

Après que la mère de Louis ait entendu que son mari était mort, même s'il ne l'était pas, elle s'est remariée. Les enfants dormaient à trois dans un même lit en Alabama avant que la famille ne déménage à Detroit dans les années 20. Joe a suivi des cours dans la fabrication de meubles et des leçons de violon avant de se tourner vers la boxe, à la demande d'un de ses collègues de classe.

Se battant sous le nom de Joe Louis, pour ne pas que sa mère s'aperçoive de la chose, il a remporté 50 des 54 combats amateurs qu'il a effectués. Ceci attira l'attention de John Roxborough, roi des combines dans les quartiers Afro-américains à Detroit, et de Julian Black, qui a convaincu Louis de devenir pro et qui est devenu son gérant.

Pour parfaire l'image de boxeur de Joe Louis, Roxborough a annoncé sept commandements qui seront inoffensifs pour les blancs. Ceux-ci inclus: Jamais se faire photographier en compagnie d'une femme blanche, jamais se réjouir devant un adversaire blanc qui est au tapis et se battre selon les règles.

Louis a gagné ses 27 premiers combats, 23 par KO. Ses victoires les plus impressionnantes ont été enregistrées contre Primo Carnera et Max Baer, deux anciens champions du monde. Sa séquence victorieuse a été stoppée le 19 juin quand Max Schmeling a détecté une faille dans la muraille de Louis. Parce que ce dernier gardait sa main gauche basse, il était vulnérable sur les coups droits.

Finalement, au quatrième, Schmeling a lancé une droite qui a envoyé Louis au tapis. Il ne s'est jamais remis de ce coup par la suite et Schmeling a terminé le travail au 12e round. À son arrivée dans le vestiaire, Louis s'est mis à pleurer. Sa route pour le titre a pris un grand détour. C'est finalement le 22 juin 1937 qu'il est devenu champion en battant James Braddock par KO au huitième engagement. "L'instant d'une soirée, l'homme noir était le roi", a écrit Alistair Cooke.

Louis est devenu un symbole pour la puissance des Afro-américains, eux qui croyaient ne pas en avoir. "Chaque garçon noir, assez vieux pour marcher, veut être le prochain Brown Bomber", a déjà dit Malcom X. Exactement un an après sa conquête, Louis prenait sa revanche sur Schmeling. C'était plus qu'un combat de championnat du monde, on parlait d'une bataille de deux idéologies.

Dans un coin, Schmeling représentait Hitler (même si Schmeling n'était pas un nazi), dans l'autre coin, Louis représentait les États-Unis et tout ce qui entoure la démocratie. Louis avait même été invité à la Maison blanche où le président Franklin Roosevelt a dit au boxeur: "Joe, nous avons besoin de muscles comme les vôtres pour battre l'Allemagne."

Finalement, devant 70 000 personnes au Yankee Stadium, Louis a donné une raclée à Schmeling au premier assaut.

En 1941, Louis a failli se faire jouer un tour quand il a affronté l'ancien champion des lourds-légers, Billy Conn. Louis était sur le point de perdre le combat quand il tirait de l'arrière par trois points sur la carte de deux juges, alors qu'il ne restait que deux rondes. Toutefois, Conn a ignoré les recommandations de ses entraîneurs qui lui disaient d'être prudent et Louis en a profité pour le mettre au tapis au 13e engagement.

Joe Louis s'est enrôlé dans l'armée en 1942 et il a presque fait 100 combats d'exhibition devant près de deux millions de militaires. Après la guerre, il a défait de nouveau Conn et il a gagné trois autres combats.

Après une retraite de deux ans, il est revenu à la compétition parce qu'il avait besoin d'argent pour rembourser ses impôts. Il s'incline par décision unanime face à son successeur, Ezzard Charles en 1950. Il se retire une fois pour toute en 1951 après que Rocky Marciano lui passe le KO.

Au cours de sa carrière, Joe Louis a amassé près de cinq millions de dollars, mais l'argent s'est envolé comme un combat de trois rondes à cause de son extravagance et de sa générosité durant la guerre. Après avoir passé du temps à l'hôpital, à la suite de problèmes de drogue et de paranoïa, il devient officier spécial au Caesars Palace à Las Vegas.

Louis a passé les quatre dernières années de sa vie en chaise roulante avant de s'éteindre en 1981, à la suite d'une crise de coeur. Il était âgé de 66 ans.

À la demande du président Reagan, il a été enterré au Cimetière national d'Arlington, au Texas. Dans la mort, comme dans la vie, il était un héros!