Le beau temps cogne à nos portes et risque de changer la dynamique sociale en cette période de confinement. Pour le paracycliste Charles Moreau, il s’agit d’une nouvelle source de motivation qui lui fera le plus grand bien, alors que son entraînement se poursuit sans même un semblant de début de saison à l’horizon.

Profitant de la générosité du propriétaire d’une salle d’entraînement de Victoriaville, Moreau s’est fait prêter de l’équipement et maintient la forme dans son garage nouvellement aménagé durant la pandémie. Il soulève des poids et peaufine son endurance, sans toutefois savoir quand il se retrouvera à nouveau sur une ligne de départ.

« Il y avait la Coupe du monde de Baie-Comeau en août, mais on ne s’enligne plus là-dessus », a admis le double médaillé de bronze des Jeux paralympiques de Rio dans la catégorie de vélo à main H3. Cette incertitude représente un défi supplémentaire durant le confinement qui implique déjà de restreindre certains exercices. « On ne peut pas avoir de préparation spécifique, parce qu’on ne sait pas s’il va y avoir des courses cet été. Je suis tout de même chanceux d’avoir de l’équipement et on tâche de continuer à se préparer. »

Pour s’assurer de garder la forme, Moreau compare ses résultats à ceux des années précédentes, selon les temps qu’il peut enregistrer et la puissance qu’il peut atteindre. Le tout en effectuant un suivi avec son entraîneur. Il recevra aussi un nouveau vélo qu’il comptait utiliser aux Jeux de Tokyo avec lequel il poursuivra son entraînement à l’extérieur. « Ça fait toujours du bien au moral d’être dehors, car rouler pendant 3 heures à l’intérieur, ça devient long! »

Le 37e Défi sportif AlterGo devait débuter cette semaine à Montréal. L’an dernier, Moreau avait commencé sa saison à cette compétition et avait remporté deux médailles, soit l’or au contre-la-montre et l’argent à la course sur route.

Le scénario est différent ce printemps. Le Québécois s’entraîne plutôt six jours par semaine à la maison, parfois même deux fois par jour, en plus de s’occuper de son fils Alek en garde partagée, lui qui aura 4 ans en juin. « Ce n’est pas toujours facile de conserver une routine idéale. Nous vivons tous dans cette même réalité où on limite les interactions et où on doit jongler avec tout ça », a-t-il partagé.

Les yeux rivés sur Tokyo 2021

Charles Moreau a vécu un hiver chargé en participant à des camps préparatoires en Floride, en Arizona et même en Angleterre afin d’évaluer son aérodynamisme et son positionnement. Le plus récent a eu lieu à Hawaï et devait durer un peu plus de deux semaines. La propagation de la Covid-19 a toutefois forcé le rapatriement de tout le monde après seulement quatre jours.

Le report des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo a ensuite été annoncé. « Je gardais un certain espoir, mais je n’avais pas pris en considération certains aspects de la préparation des athlètes pour tous les pays, où les mesures varient. Ce n’est pas annulé, alors je vis bien avec ça! » a-t-il fait savoir.

Le para-athlète de 38 ans demeure en bonne posture pour être sélectionné dans la délégation canadienne. Malgré l’inconnu qui occupe le calendrier, il garde bon espoir de confirmer sa place aux deuxièmes Jeux paralympiques de sa carrière dès la reprise des activités.

L’affaire Merklein

Un autre enjeu à surveiller en vue des Jeux paralympiques de Tokyo concerne l’Allemand Vico Merklein, qui est passé des catégories H4 à H3 l’an dernier, classe où les limitations physiques sont plus grandes. Multiple médaillé chez les H4, il avait notamment privé Moreau d’une victoire à la Coupe du monde de Baie-Comeau.

Rappelons que ce changement a été largement critiqué par toutes les nations en paracyclisme sur route et que différents moyens ont été pris pour démontrer ce mécontentement, dont un départ de Coupe du monde retardé au printemps 2019.

« Nous avons tous exprimé notre désaccord et nous avons mis de la pression pour plus de transparence, parce que la décision de le laisser en observation en H4 a été renversée tard en soirée. Nous ne savons pas ce qui s’est passé durant ce processus », a expliqué Moreau.

Certaines personnes ont même partagé des photos de Merklein en action afin de démontrer qu’il possède quelques capacités physiques qu’on ne peut habituellement pas retrouver chez un athlète de catégorie H3, comme le soulèvement du tronc et certains mouvements à la poussée. Une « preuve » jugée inadmissible qui n’a pas été prise en compte par les comités de classification.

Un comité de révision devait se pencher sur la question ce printemps et la décision devra être rendue avant la tenue des prochains Jeux paralympiques. D’ici là, Charles Moreau préfère ne pas s’y attarder et se concentrer sur sa propre préparation.

« Je n’ai pas vraiment espoir que ça change. Il a réussi à se faufiler une fois et je pense qu’on va tous devoir composer avec cette iniquité. Je mets mon énergie ailleurs et je n’y pense pas trop », a-t-il conclu.