TORONTO (PC) - Le milieu du sport - professionnel et amateur - est-il prêt à accepter la présence de gays et lesbiennes dans ses rangs? Pour Mark Tewksbury, un ex-nageur olympique qui a, pendant 16 ans, caché son homosexualité à ses coéquipiers et mené une double vie, craignant sans cesse d'être démasqué, l'expérience a été douloureuse.

"La crainte du rejet est le facteur prépondérant", avoue M. Tewksbury, champion olympique et membre du Temple international de la renommée de natation.

Si de telles craintes ne sont plus un problème pour plusieurs membres de la communauté gay et lesbienne, la société dans son ensemble se montrant plus tolérante que jamais face à l'homosexualité, le monde des sports, qui carbure au machisme, demeure l'un des derniers secteurs où l'homosexualité reste taboue.

Dans une culture où se vanter de ses débauches et de ses exploits avec les "groupies" devant les coéquipiers fait partie des moeurs, l'homosexualité demeure un secret que les athlètes gays croient devoir enfouir profondément pour être acceptés des hétérosexuels.

Mais Brendan Lemon, le rédacteur en chef du magazine "Out", estime qu'il est temps de changer cela, et il souhaite que son propre petit ami le fasse.

Dans son éditorial du numéro de mai, M. Lemon révèle qu'il sort avec un joueur de baseball connu et qu'il l'a encouragé à révéler publiquement son homosexualité. Selon lui, le fait de dissimuler son orientation sexuelle affecte le moral de son ami, et il en est venu à la conclusion que la révéler allégerait le fardeau psychologique de celui-ci.

Brian Pronger, un professeur d'éthique à l'Université de Toronto et l'auteur d'un ouvrage qui avance que l'homophobie fait partie intégrante de la culture du sport, n'est pas d'accord avec M. Lemon.

"Le monde des sports est très en arrière sur son époque, croit le professeur. Le monde sportif célèbre la masculinité, la force, la compétition, toutes des qualités que nous attribuons à la masculinité hétérosexuelle."

Pour qu'un joueur ouvertement gay survive, "il lui faudrait posséder un sens très développé de la communauté gay pour s'endurcir".

Seulement deux joueurs de baseball professionnels ont divulgué leur homosexualité: le défunt Glenn Burke et l'ex-lanceur des Padres de San Diego Billy Bean.

M. Burke devait voir sa carrière prendre fin prématurément à cause des insinuations et de l'homophobie. Pour y faire face, il se tourna vers la drogue et se retrouva à la rue pour mourir de complications dues au sida en 1995.

M. Bean, qui interrompit sa carrière en 1995 à cause d'une relation homosexuelle et sortit du placard, à reculons, il y a deux ans, croit que le baseball n'est pas encore prêt à affronter la question.

"Je pense que c'est facile de dire cela quand vous êtes rédacteur d'un magazine gay et lesbien. Mais si j'étais ce joueur de baseball, j'aurais peur", admettait récemment M. Bean, qui est âgé de 37 ans. "Je savais que ma carrière serait finie et que je serais complètement rejeté (si je sortais du placard)."

Mais M. Tewksbury croit maintenant qu'il est possible pour un joueur de révéler publiquement son orientation sexuelle même en plein milieu de sa carrière. Il est persuadé qu'un joueur très conscient de sa propre identité, bien dans sa peau, apte à affronter la publicité qui entourerait une telle révélation, pourrait dévoiler son homosexualité et réussir à poursuivre sa carrière.