LONDRES, (AFP) - Le Croate Goran Ivanisevic a remporté enfin lundi, à 29 ans, la victoire à Wimbledon après laquelle il courait tant depuis la première de ses quatre finales, en 1992, en battant l'Australien Patrick Rafter (N.3) 6-3, 3-6, 6-3, 2-6, 9-7, en 3 heures et 1 minute.

C'est sa première dans un tournoi du Grand Chelem parmi les vingt-deux qui figurent désormais à son palmarès. La plus belle, celle pour laquelle il priait chaque jour depuis le début du tournoi et était prêt à tous les sacrifices.

Après la détresse immense que lui avait causée sa défaite face à l'Américain Pete Sampras en 1998, le parallèle s'impose avec l'histoire de la Tchèque Jana Novotna qui, pleurant à gros sanglots sur l'épaule de la Duchesse de Kent sa déconfiture face à l'Allemande Steffi Graf en 1993, finit par triompher en 1998.

Il y aurait donc une morale en tennis, tant Ivanisevic et Novotna étaient faits pour gagner Wimbledon et tant leur victoire fut méritée après de cruels échecs répétés. Pour le Croate, elle est intervenue après deux sombres années pourries par une blessure à l'épaule qui l'avait fait tomber au 125e rang du classement mondial et se réveilla lundi au début du deuxième set.

Disputée dans une ambiance de cirque romain, cette finale a été suivie par un public composé essentiellement de supporteurs croates et australiens. Avec, au milieu, des Anglais désireux que Goran Ivanisevic venge le double affront subi ce week-end par leurs représentants face aux Australiens, en rugby et en cricket. D'où une nette supériorité des "Goran! Goran!" sur les "Go on! Rafter!"

Numéro de funambules

Ce fut une furieuse bataille de services, émaillée d'amorties, de volées et de passings, au cours de laquelle Ivanisevic passa 27 aces et 74 services sans retour. Avec respectivement 13 et 57, Rafter ne fut guère en reste, compte tenu des doubles fautes (16 contre 4), chaque point de part et d'autre étant salué par des hurlements.

Il n'y eut qu'un seul break dans quatre des cinq sets. Dès le deuxième jeu, dans le premier, alors que Rafter tardait à trouver son plein régime. Egalement dans le deuxième jeu, dans le deuxième, sur une des 32 volées gagnantes de l'Australien. Dans le sixième jeu du troisième, sur un retour de service en coin un peu heureux de Ivanisevic.

Si le quatrième set fit exception, ce fut sans doute parce que, après avoir défendu deux fois son service avec succès dans le sixième jeu, Ivanisevic le perdit sur une balle très litigieuse à la suite de ce qu'il croyait être son 17e ace et que l'arbitre de chaise transforma en sa 10e double faute. On imagine la rage du Croate, jetant sa raquette et vociférant sa conviction que la balle était bonne.

La manche décisive s'apparenta à un numéro de funambule à des hauteurs inouïes, le premier mettant le pied à côté étant assuré de sa perte. Ce fut Rafter qui fauta au quinzième jeu, en concédant sa sixième balle de break sur un retour gagnant qu'Ivanisevic, excellant depuis un moment dans cet exercice, transforma avec un nouveau retour gagnant.

Dans le dernier jeu, le Croate, dilapant les deux premières avec des doubles fautes, ne parvint à s'imposer qu'à sa quatrième balle de match. C'est la première fois qu'un joueur bénéficiant d'une invitation remporte le tournoi. La deuxième que la victoire dans un tournoi du Grand Chelem revient à un Croate après le succès d'Iva Majoli à Roland-Garros, en 1997.

Ivanisevic, qui a amélioré son record d'aces au cours du tournoi malgré son épaule récalcitrante, avec 213 contre 206 en 1992, empochera 500.000 livres de la main droite après sa victoire. Il progressera à la 10e place du prochain classement technique de l'ATP, sur lequel il figura en deuxième position en 1994.