Le moral était bas chez Tennis Canada au lendemain d’une journée sombre. Un contraste avec les derniers mois alors que tout allait pour le mieux pour le tennis canadien. La pandémie de la COVID-19 a tout changé.

 

La direction de Tennis Canada a pris la décision de mettre à pied 70 % de ses employés. On passera donc de 120 à environ 35 employés. Un « passage obligé », selon Tennis Canada, après le report de la Coupe Rogers de Montréal et celui fort probable du tournoi de Toronto. L’absence des deux tournois en 2020 représente une perte financière de 25 millions de dollars.

 

« C’est du jamais vu », réagit Louis Borfiga, responsable du développement de l’Élite chez Tennis Canada. « Autant d’employés qui perdent leur emploi, c’est une journée noire pour Tennis Canada. »

 

« C’est énorme. On a sabré dans toutes les activités de Tennis Canada pour le reste de l’année », explique pour sa part, Eugène Lapierre, directeur du tournoi de Montréal et vice-président principal au Québec. « Pour garder notre organisation à flot et pouvoir espérer retomber sur nos pieds le plus rapidement possible, il fallait prendre ces mesures. »

 

Ces mesures permettraient à l’organisation de baisser la perte financière de 25 millions à 17 millions de dollars. Tous ces calculs ont été faits dans la perspective que la Coupe Rogers de Toronto sera également reportée. « C’est notre prédiction. Nous sommes conscients que les chances sont très très minces que le tournoi ait lieu », reconnaît Lapierre.

 

C’est d’autant plus difficile que Tennis Canada commençait à récolter le fruit de ses efforts des 12 dernières années. « Le Canada avait le vent dans les voiles. On a pris un sacré coup, lundi », avoue Borfiga, l’architecte du développement du tennis canadien.

 

La perte n’est pas seulement au tennistique. « Ce sont des entraîneurs, des collègues, des amis qui perdent leur emploi », ajoute Sylvain Bruneau, responsable du programme féminin à Tennis Canada. « On est quand même très soudé. Tennis Canada c’est une petite organisation, donc c’est très difficile. » Borfiga abonde dans le même sens. « J’ai perdu beaucoup d’entraîneurs. Au point de vue humain, c’est très difficile. D’avoir commencé une aventure avec des entraîneurs et d’en perdre en route, c’est vraiment difficile. »

 

Larose et Niemeyer écopent

 

Parmi ces entraîneurs remerciés, on compte Simon Larose et Frédéric Niemeyer. Larose était l’entraîneur national du programme féminin. Il travaillait en « étroite collaboration » avec Sylvain Bruneau depuis 15 ans. La restructuration fait en sorte qu’un seul entraîneur va s’occuper des programmes féminin et masculin. La tâche reviendra à Martin Laurendeau.

 

De son côté, Niemeyer était en charge de Brayden Schnur et Filip Peliwo, deux joueurs dit de « transition ». Mais Tennis Canada a décidé de mettre fin à l’aide pour les joueurs âgés de plus de 18 ans. Niemeyer écope.

 

« On n’a plus les moyens de supporter les joueurs dit de transition », justifie Borfiga.

 

Des coupures qui signifient une augmentation de travail pour les entraîneurs toujours en poste.

 

« Tous les entraîneurs encore à l’emploi sont très motivés. On ne veut surtout pas perdre tous les bénéfices du travail accompli ces 12 dernières années », ajoute Borfiga. « Je les ai toutefois avertis qu’il y aura beaucoup plus de travail et diverses tâches. »

 

Les jeunes vont être les plus touchés

 

Le développement est souvent le secteur le plus touché lorsqu’il y a des coupures. Dans ce cas-ci, tous les secteurs sont touchés mais plus particulièrement celui du développement.

 

« On va être obligé d’avoir des priorités, ça veut dire moins de voyages pour les plus jeunes », admet Borfiga.

 

On espère malgré tout être en mesure de limiter l’impact sur les jeunes.

 

« Tous les athlètes, Shapovalov, Bianca, Félix, Leylah, Milos, Vasek et Eugenie, ce sont tous des athlètes qui ont été aidés, à un moment de leur carrière, par Tennis Canada », rappelle Bruneau. « On continue notre mission de développer, ce n’est pas comme si le Canada avait mis une croix sur le développement. Mais les conditions vont être différentes », précise Bruneau.

 

« Une chose est claire, ce ne sera pas comme avant », ajoute Louis Borfiga.

 

Le cas Leylah Fernandez

 

Leylah Fernandez fait partie des plus beaux espoirs de Tennis Canada. La Lavalloise de 17 ans a remporté Roland-Garros junior en 2019. Et comme elle a moins de 18 ans et qu’elle n’est pas totalement autonome financièrement, elle sera toujours supportée par Tennis Canada.

 

« On va continuer de l’aider pour l’année, c’est clair », précise Borfiga, sans hésiter. « Comme elle a moins de 18 ans et qu’elle n’a pas encore les moyens financiers de s’assumer, on va continuer de l’aider. Elle aura un bon programme et une bonne aide. »

 

Félix et Bianca font leur part

 

Tennis Canada se prépare depuis quelques semaines déjà. C’est pourquoi Félix Auger-Aliassime et Bianca Andreescu ont été contactés, il y a un mois environ. Tennis Canada leur a demandé d’assumer totalement les frais d’entraîneur. Les deux joueurs avaient une entente avec Tennis Canada qui assumait une partie des frais d’entraîneur, pour Guillaume Marx, dans le cas de Félix, et pour Sylvain Bruneau, dans le cas de Bianca. Les deux joueurs ont accepté.

 

D’ailleurs, malgré toutes cette restructuration, Sylvain Bruneau demeure l’entraîneur de Bianca Andreescu. Évidemment, pour le moment, son rôle consiste à s’assurer que sa protégée s’entraîne et récupère bien de sa blessure à une genou.

 

Deux ou trois ans avant de s’en remettre

 

« J’espère que ce ne sera pas plus long que ça », lance aussitôt Eugène Lapierre, lorsqu’on lui demande si 2-3 années seront nécessaires pour éponger les pertes.

 

Pour le moment, on veut, autant que possible, garder une attitude positive au sein de l’organisme.

 

« Il y a trop de belles choses qui se sont passées, on est trop sur un bel élan, il y a trop de trucs fantastiques pour le tennis canadien, il ne faut pas que ça s’efface, il faut continuer », souhaite Sylvain Bruneau, tout en étant réaliste. « À court terme ça va être difficile de continuer à la même cadence mais je suis sûr qu’on va y arriver. »

 

Louis Borfiga ajoute pour sa part : « Le Canada est en position privilégiée pour les prochaines années avec des jeunes joueurs comme Bianca, Leylah, Félix et Shapo. Pendant les 10-12 prochaines années, c’est certain que le Canada va tenir le haut de l’affiche du tennis international avec ces 4 joueurs. »

 

Les succès des Canadiens sur la scène internationale pourraient aider Tennis Canada à se remettre sur pied plus rapidement.