Denis Shapovalov a réalisé l'impensable jeudi soir en éliminant le favori de la Coupe Rogers Rafael Nadal au bris d'égalité du troisième set, l'empêchant ainsi de retrouver le 1er rang mondial qui était à sa portée.

Ce moment est aussi surréaliste pour les amateurs que pour Shapovalov lui-même et son entraîneur Martin Laurendeau.

« Tout va très, très vite présentement, a admis Laurendeau en conférence de presse vendredi. Le tournoi lui-même est allé très, très vite. C'est une semaine de rêve que Denis est en train de vivre. Déjà d'avoir un laissez-passer dans le tableau principal, il était reconnaissant. Après il joue un match où il sauve quatre balles de match pour passer (contre Rogerio Dutra Silva, NDLR), puis il gagne les deux prochains matchs contre des légendes du sport. Il reste un autre match ce soir et on essaie de rester concentré là-dessus, mais c'est difficile. »

Shapovalov avait déjà fait la démonstration de ses grandes aptitudes techniques et il l'a démontré à nouveau jeudi sur le central en n'hésitant pas à attaquer, à s'amener au filet ou à chercher le coup gagnant dans des moments critiques, mais Laurendeau est surtout impressionné par sa capacité à garder son calme et son niveau de jeu jusqu'au bout contre l'élite.

« Les deux derniers matchs, je pense que c'est du très haut niveau. Battre des joueurs comme ça sur des scènes comme ça, c'est ce qui alimente Denis. Il met beaucoup d'heures de travail sur les terrains d'entraînement et sur les plus petits tournois cette année pour se placer dans ce genre de situation. Presque chaque fois cette année quand il joue contre un joueur mieux classé que lui, il n'a pas froid aux yeux. Il tient sa place, il monte son niveau de jeu. Ça ne me surprend pas parce que je l'ai vu plusieurs fois cette année, mais de faire ça contre des joueurs comme Del Potro et Nadal, c'est remarquable. Je trouve ça incroyable qu'un joueur comme ça puisse tenir aussi longtemps sans craquer. Nadal n'échappe pas beaucoup de match quand il gagne le premier set, je crois qu'il a une efficacité au-delà de ,900. Revenir de l'arrière, maintenir le rythme et tenir tête à sa légende d'enfance, c'est spécial. »

Laurendeau est d'ailleurs d'avis qu'il s'agit d'une des plus belles victoires de l'histoire en sol canadien. C'est un exploit inoubliable selon lui.

« Hier soir, il y avait une magie dans le stade. Tout le monde est resté jusqu'au dernier point. Tout le monde a contribué à faire de ça une expérience sportive incroyable. Même Wayne Gretzky avait l'air à vraiment embarquer comme nous on embarque dans les matchs de Coupe Stanley comme amateurs de sport. »

Louis Borfiga, vice-président au développement de l'élite chez Tennis Canada, est lui aussi sous le choc.

« C'est très surprenant. Honnêtement, avant le match on ne s'attendait pas à ça. Il jouait quand même Nadal qui est pour moi une légende du tennis, sur le court central. Denis n'avait pas joué souvent contre des joueurs d'un tel calibre. Ç'a été un moment incroyable, c'est une grosse, grosse surprise. »

Garder les pieds sur terre

L'important maintenant selon Laurendeau est que Shapovalov garde la tête froide. Après avoir vécu des émotions aussi fortes hier, il ne faudrait pas tomber dans le piège en s'imaginant que la tâche sera plus facile contre Adrian Mannarino.

« Un des grands matchs qu'on a vus »

« Après une grosse victoire, c'est facile de vouloir la savourer et de se dire que le travail a été accompli, soutient Laurendeau qui est aussi capitaine de Coupe Davis. Mannarino, c'est un joueur qui est très difficile à battre, il est très rusé et il l'a démontré contre Raonic. Il est malcommode comme gaucher et comme joueur qui ne joue pas comme les autres sur le circuit. Mannarino est un joueur qui se maintient à ce niveau depuis plusieurs années. C'est une belle opportunité pour Denis d'enchaîner, et quand il est confiant, rien ne l'arrête. Mais il faut être conscient aussi qu'il a juste 18 ans et que c'est très dur physiquement et mentalement. »

C'est Shapovalov qui a demandé à Borfiga que lui soit attitré Laurendeau en tant qu'entraîneur. Ce dernier ne l'avait vu jouer que quelquefois auparavant. Ils ont finalement commencé leur association en janvier en Australie et leur plan d'action est clair, car même si le jeune Ontarien vit des moments exceptionnels actuellement, personne ne veut sauter d'étape. La semaine prochaine, le gaucher de 18 ans n'ira pas participer au Masters de Cincinnati, il ira plutôt disputer le Challenger de Vancouver. De quoi ramener quelqu'un sur terre.

« Je trouve qu'il a très bien fait la transition des juniors parce qu'il est encore junior, il pourrait littéralement jouer les Internationaux de Repentigny la semaine prochaine ou encore le calendrier junior, rappelle Laurendeau. Mais chez les professionnels, il a fait les étapes qu'il devait maîtriser. Il a joué beaucoup de Futures et en a gagné beaucoup. Il a fait des Challengers et en a gagné plusieurs. Dans notre plan, c'est important de maîtriser chaque étape avant de passer à l'autre, et il l'a bien fait jusqu'à maintenant. Ça fait partie de l'apprentissage. Il a quand même eu de bonnes séquences où il enchaînait des victoires sur plusieurs tournois consécutifs. Il faut gérer les défaites et aussi gérer les victoires qui s'enchaînent, son énergie, comment rouler sa bosse dans le métier. »

Shapovalov affrontera Mannarino vendredi soir dans l'espoir d'accéder au carré d'as, où le vainqueur sera rejoint par Alexander Zverev ou Kevin Anderson.