SYDNEY, Australie – Au plus haut niveau du tennis professionnel, un changement de raquette peut s’avérer une proposition très délicate.

Et le jeune Canadien Félix Auger-Aliassime est actuellement aux prises avec ce dilemme.

Doit-il s'en tenir à sa nouvelle arme, qui possède des atouts que lui (et son équipe) anticipe qu’ils vont contribuer à sa progression à long terme?

Ou encore doit-il retourner au confort du familier, après avoir eu du mal à trouver ses repères par moments lors de ses matchs de simple cette semaine à la Coupe ATP?

Auger-Aliassime n’est pas le premier joueur qui en a arraché un peu dans de pareilles circonstances.

Certains ont connu une saison perdue après avoir effectué un changement – la plupart du temps pour des raisons financières.

Plus jeunes, Novak Djokovic (de Wilson à Head) et Caroline Wozniacki (de Babolat à Yonex puis de nouveau à Babolat) ont pris beaucoup de temps à s’adapter.

La saison dernière, le Russe Karen Khachanov a livré une bataille intense contre son équipement. Il a sauté de Wilson à Head – et ensuite s’est viré de nouveau vers Wilson après seulement quelques mois d'essai.

Dans le cas d'Auger-Aliassime, ce n'était pas une question d'argent.

Sa relation avec Babolat va bon train. Mais il cherchait à trouver une raquette qui l’aiderait à franchir une nouvelle étape dans son tennis. Babolat lui en a proposé une, et il s’est entraîné avec celle-ci à Monte-Carlo lors du mois de décembre.

Un début de saison en dents de scie

Lors d’une défaite en deux manches contre l'Australien John Millman et une autre aux dépens de l’Allemand Jan-Lennard Struff durant la phase préliminaire du tournoi à Brisbane, les fautes directes lui ont coûté cher.

« Je perfectionne encore mon jeu. Je ne dirais pas que je me cherche, mais je cherche à trouver mon rythme en début d’année, » a-t-il déclaré après avoir perdu contre Struff.

Mais après avoir perdu 6-2, 6-4 face au Serbe Dusan Lajovic en quart de finale vendredi à Sydney, il ne pouvait plus exclure la possibilité de revoir le changement d’équipement.

« On n’a pas passé le test tout à fait. Mais il faut être objectif dans tout ça. Il y a mon niveau et aussi le niveau des autres. Mis à part le premier match, ce sont quand même des joueurs de haut niveau. Millman a très bien joué. Contre Struff, j'ai eu un premier set quand même compliqué où je me cherchais un peu. Mais après, c'est bien joué de sa part », a-t-il ajouté.

« (Contre Lajovic) au niveau de l’effort physique, de la concentration, j’étais dans mon élément. Mais c’est sûr que la raquette, faudra voir ce que je vais faire. Par rapport à tout ce qu’il y a dans mon jeu en ce moment, c’est une chose qui n’est pas encore précise, pas encore sûre. Donc je pense que je dois m’ajuster rapidement, pour voir comment je vais continuer la suite de la saison. »

Plus de puissance, plus d’effet

Sans trop entrer dans les petits détails (les pros jouent souvent avec des cadres fortement personnalisées qui ne ressemblent guère aux modèles que les joueurs de club achètent dans la boutique), la nouvelle Babolat est différente.

Elle est un peu plus aérodynamique, passant dans l'air un peu plus rapidement et elle ajoute un peu plus d’effet à la balle. Bref, c’est une raquette qui devrait aider Auger-Aliassime à perfectionner le style de jeu qu’il espère préconiser – un style plus agressif qui lui offrira du succès sur le dur comme sur la terre battue.

« Je me sentais bien avec pendant l’entre-saison. Et je me suis bien senti ces dernières semaines. Maintenant, il y a certaines choses que je n’aime pas, en toute honnêteté. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, à part que je continuerai à m’adapter et voir ce que je peux faire de mieux avec ça, » a-t-il dit vendredi en conférence de presse après l'élimination de l'équipe canadienne par les Serbes.

Des terrains plus lents, des balles qui gonflent

La décision de faire le camp préparatoire à Monte-Carlo au lieu de la Floride a permis de bénéficier d’un bassin de joueurs avec qui s'entraîner. Mais les conditions météorologiques, bien qu’idéales pour l’entraînement, étaient sensiblement différentes de la chaleur et l’humidité de Brisbane.

Ce qui a fonctionné à Monte-Carlo n'a pas fonctionné – jusqu'à présent – en Australie.

Selon plusieurs joueurs, la balle utilisée a tendance à se gonfler rapidement dans les conditions humides. Elles ralentissent, ce qui rend les échanges encore plus longs.

De plus, on a su que les terrains durant la saison australienne ont été ralentis cette année. C'est une décision, ajoutée à l’adoption de la balle Dunlop en 2019 avec un changement de commandite, qui pourrait bien éterniser les matchs.

Les fautes directes d’Auger-Aliassime durant la Coupe ATP étaient au-delà de la ligne de fond plutôt que dans le filet, alors que le Québécois tentait en vain de générer plus de vitesse avec les balles plus pesantes, dans l’air humide et pesant.

Une décision à prendre

Ainsi, alors que le Québécois se rend à Adélaïde pour une dernière semaine de matchs avant Melbourne, il continuera de jouer avec la tension du cordage.

Mais il tentera peut-être aussi de revenir au familier.

« Je vais voir aussi pour avoir mes anciennes raquettes, pour pouvoir me ré-entraîner si possible avec, avant d’aller aux Internationaux d’Australie. Et après, voir la décision que je vais prendre », a déclaré Auger-Aliassime.

« Ça fait seulement un tournoi que j’ai joué avec la nouvelle raquette. C’est sûr que si je reviens à mon autre raquette, c’est un peu comme un retour à la maison. C’est une raquette avec laquelle j’ai joué les trois ou quatre dernières années. Donc je vais voir ce qui en est. Il n’y a pas de décision de prise encore. Mais je vais faire les ajustements nécessaires – ça, c’est sûr. »

Le problème auquel Auger-Aliassime fait face en ce moment est que le temps file.

Il s'est engagé à fond à jouer avec le nouveau modèle avant de partir pour l'Australie. Il n’y avait aucune raison de ne pas le faire. Par conséquent, il a laissé ses vieilles raquettes chez lui.

Certains se trouvent à sa résidence de Monte-Carlo, d’autres à Montréal.

Avec le décalage horaire, il n'y a pas de moyen rapide de les faire voyager « Down Under ».

« On va essayer de trouver une manière de les avoir au plus vite », dit-il.

Un défi de parcours

Au-delà des défis posés par le nouvel équipement, Auger-Aliassime est encore un joueur en apprentissage.

Et après cette première semaine de 2020, le jeune homme de 19 ans est arrivé à une conclusion définitive sur le style de jeu qu’il doit préconiser.

Même avec une fiche de 1-3 en simple durant la Coupe ATP, il a beaucoup appris.

« Il y a eu de bonnes leçons, déjà. Là, il n’y a aucun doute sur la façon dont je veux jouer. Je pense qu’en fin de l’année dernière et au début de cette année, parfois j’avais encore quelques hésitations à savoir si je voulais être très agressif, ou plutôt passif, ou encore plutôt agressif-solide », a dit Auger-Aliassime.

« Avec mon gabarit, mon style de jeu, je pense qu’après une semaine comme ça il n’y a plus aucun doute sur la façon dont je veux jouer. C’est d’aller chercher mes points, pas avoir d’hésitation, de continuer d’aller vers l’avant.. Après, je pense qu’il ne faut pas dramatiser; c’est la première semaine de l’année. Il faut être tranquille par rapport à tout ça. »

La semaine en dents de scie inquiète déjà les prophètes de malheur. Auger-Aliassime peut demander à son chum Shapovalov comment ça se passe; l’Ontarien en a entendu et lu à ce sujet à profusion avant de finir la saison 2019 en force. C'est la « beauté » des réseaux sociaux et des commentateurs pour leur génération d’athlètes.

Mais la présumée panique est prématurée. Les hauts et les bas font partie du processus. Parfois, il faut prendre un pas en arrière pour ensuite sauter deux pas vers l'avant.

La vision à long terme, le processus d'apprentissage étape par étape, a toujours été au centre du développement du jeune Québécois.

« C’est sûr qu’une fois que j’ai pris la décision (sur la raquette), on a fait un entraînement normal, on n’a senti que de choses positives – un meilleur centrage, la balle qui partait mieux, un peu plus d’effet. Ça prenait bien au retour et au service », a-t-il dit.

« Oui, c’est une petite adaptation, mais je suis plutôt serein et calme pour la suite des choses. »