MONTRÉAL – Mis sur pied en 2008, le programme de hockey féminin des Carabins de l’Université de Montréal opère encore avec les moyens du bord. Des moyens qui, bien qu’ils ne l’empêchent pas de livrer d’impressionnants résultats sur la glace, ne se comparent pas à ceux des institutions avec lesquelles il rivalise et encore moins avec ceux de ses penchants masculins.

Premier pas dans une longue quête vers l’équité, les dirigeantes du programme ont annoncé lundi l’arrivée dans le portrait d’une important contributeur. Julien BriseBois, le vice-président et directeur général du Lightning de Tampa Bay, a fait un don de 75 000$ à l’équipe de hockey de l’UdeM.

« C’est un montant qui, pour vous qui pataugez au niveau de la Ligue nationale, vous apparaît peut-être [banal], mais c’est beaucoup, se réjouit la directrice générale de l’équipe de hockey des Carabins Danièle Sauvageau. C’est la différence entre pouvoir avoir un entraîneur-chef à temps plein ou à temps partiel. Au quotidien, ça veut dire avoir des ressources supplémentaires. Ça fait une différence. »

Sauvageau note que « personne n’est à temps plein » dans l’organigramme qu’elle chapeaute. L’entraîneuse-chef Isabelle Leclaire, ses adjoints et la brochette de spécialistes et consultants externes qui contribue aux succès du programme le font tous avant tout pour l'amour de leur sport.

« À peu près toutes les semaines, on cogne à la porte de Manon. Ça en prend plus », constate-elle.

Manon Simard, la directrice générale des Carabins et du CEPSUM, le centre sportif qui les abrite, a approché Julien BriseBois à l’automne 2019 afin de tâter son intérêt à joindre le Club des Gouverneurs des Carabins, un regroupement de donateurs qui supportent la vie sportive de l’Université. BriseBois a été diplômé de la Faculté de droit en 1999.

« Ça n’a pas été une rencontre ordinaire. Il voulait savoir beaucoup de choses dans le détail. Il cherchait à comprendre ce qu’on faisait, comment on le faisait. Et les réponses grises, ça ne marchait pas, ça prenait des réponses claires. J’ai adoré cette rencontre », s’est souvenue Manon Simard.

« C’est un réflexe naturel de donner à mon alma mater, a commenté BriseBois. Les gens sont surtout familiers avec l’équipe de football, mais compte tenu du fait que je gagne ma vie dans le milieu du hockey, lorsque j’ai été approché, c’est à l’équipe de hockey que j’ai voulu être associé. »

Le rôle de BriseBois dépassera celui de simple mécène. L’ancien avocat s’est dit ouvert à faire profiter les dirigeants des Carabins de sa grande expérience de gestionnaire et de sa position d’influence dans l’une des meilleures équipes de la LNH. Il a déjà réfléchi, par exemple, à la possibilité d’inviter les entraîneuses au camp de développement du Lightning.   

« Et dans le mesure où je peux faciliter des mises en contact entre Isabelle, son personnel et des gens du monde de hockey que je connais, ça va me faire plaisir de le faire », ajoute-t-il.

Mais ce qui est surtout souhaité, c’est que l’implication d’un ancien jouissant de sa réputation et de sa visibilité en incitera plusieurs autres à suivre son exemple.

Une culture à installer au Québec

« Je suis content de pouvoir aider. Mais l’idée, c’est de mettre en lumière le fait qu’on a besoin de redonner à nos institutions au Québec. Les diplômés doivent faire une meilleure job », clame BriseBois.

« C’est moins dans notre culture, les francophones. Il faut être prêt à l’admettre pour avancer. Il faut qu’on fasse notre part. Oui aujourd’hui je fais un don, ça va aider l’Université. Mais ce que j’espère, c’est inspirer d’autres diplômés à faire des dons pour qu’on puisse atteindre les objectifs que les Carabins se sont fixés. »

Danièle Sauvageau a parlé d’un don « qui vient lancer un message très clair aux anciennes et aux joueuses actuel que la philanthropie fait partie de la culture de notre programme ».

Selon Manon Simard, les Carabins ont convaincu plus de 300 nouveaux donateurs au cours de la dernière année et veulent en rejoindre encore davantage en 2021. Une campagne de financement qui aura comme objectif de récolter 20 M$ des poches d’anciens étudiants est en préparation.

« Est-ce difficile? Oui. C’est définitivement une culture à changer, mais on doit également s’organiser pour aller voir les gens. Un des commentaires marquants que nous a faits Julien, c’est qu’il nous a dit : ‘Je suis content que vous m’appeliez, je suis content de vous rencontrer’. On a du travail à faire. »

Dans le cas de l’équipe de hockey, un financement accru pourrait permettre de se battre à armes égales avec un programme comme celui des Martlets de McGill. « On est à peu près à la moitié d’où on voudrait être », estime Danièle Sauvageau.

Mais Manon Simard affirme que pour d’autres programmes, la contribution de donateurs externes est carrément une question de survie.

« Ça peut aller jusqu’à sauver une équipe. Il y a deux programmes pour lesquels, post-pandémie, on va avoir besoin de soutien sinon on n’y arrivera pas. »

« C’est un processus qui est en démarrage pour nous, la philanthropie. On est aussi en train d’apprendre c’est quoi une culture philanthropique. C’est assurément la clé de l’avenir et c’est là-dedans qu’on va s’investir », conclut Mme Simard.