Février 2007 : Jeux du Canada à Whitehorse au Yukon; aussi bien dire la Sibérie. Je suis au nord du 60e parallèle pour couvrir ces Jeux qui offrent une vitrine à la relève.

Vous dire comment on se les gelait... Passer quatre heures à l'extérieur pour une compétition de patinage de vitesse alors que le mercure oscille autour de -40, sans facteur vent; tout simplement dément.

Pas de raisons de se plaindre quand on apercevait les athlètes, en léger survêtement, tenter de compléter leur épreuve de peine et de misère transit par le froid. Sans oublier qu'en patinage de vitesse, on ne met pas de bas dans la bottine du patin.

Voilà pour le volet météo de cette expérience… toujours est-il que ces Jeux m'ont permis de côtoyer des athlètes qui frappent aujourd'hui à la porte des grandes ligues. Je me souviens entre autres d'un longiligne jeune homme de 17 ans qui semblait dans une classe à part en patinage de vitesse courte piste. Le temps de le dire, il remportait trois médailles d'or, deux d'argent, fracassait trois records des Jeux et terminait premier au classement général. Ajoutez à cela qu'il avait le verbe facile pour commenter ses exploits. Bref, un vent de fraîcheur.

Guillaume Blais-Dufour n'est pas un athlète comme les autres. En fait, bien peu parviennent à toucher à plusieurs disciplines et à y exceller. Blais-Dufour est un talent émergent en courte piste, mais il vient de remporter une médaille de bronze aux championnats du monde junior de patinage de vitesse… longue piste. Pourtant, il consacre presque entièrement son entraînement au courte piste.

« C'est assez paradoxal. Cette année, j'ai participé aux championnats du monde junior courte et longue piste et c'est dans la discipline où je m'entraîne le moins que j'ai obtenu le plus de succès », raconte Blais-Dufour fraîchement débarqué de Pologne.

Qui plus est, Blais-Dufour était jusqu'à tout récemment, un cycliste accompli. Il a même terminé 3e au classement général lors du Tour de l'Abitibi en 2007.

Sauf que son corps lui a envoyé un signal d'alarme en 2008. Mononucléose qui l'a contraint à l'inactivité pendant trois mois. « J'ai fait des choix. Maintenant, je me consacre au patin. Le cycliste, je vais reprendre ça plus tard. De toute façon, c'est un sport de vieux! », lance-t-il en riant! À 19 ans, il peut se permettre de placer quelques projets en veilleuse.

Un athlète qui dérange

Sans même s'entraîner de façon intensive, Guillaume est parvenu à se tailler une place sur l'équipe canadienne des championnats du monde junior en longue piste. Une situation qui a dû sûrement en irriter quelques uns. « Disons qu'aux sélections à Vancouver, il y en avait qui ne m'aimait pas. Je n'avais pas l'impression de voler la place de quelqu'un mais bien de prendre la place qui me revenait », explique-t-il. « J'ai eu un moment où j'ai perdu beaucoup de passion pour ce sport. Ce n'était pas agréable. »

Il ajoute toutefois : « C'est certain que si un patineur arrive comme un cheveu sur la soupe en courte piste et qu'il me devance, je risque de ne pas trop aimer ça. »

Courte ou longue piste?

Blais-Dufour pourrait décrocher un laissez-passer pour les Jeux olympiques à Vancouver. En fait, il aura deux occasions de le faire. En août 2009 lors des qualifications en courte piste et en janvier lors des qualifications en longue piste…

Actuellement, ses chances sont meilleures en longue piste. En courte piste, le niveau des patineurs est très élevé. Chez les hommes, la compétition est très vive. Ça risque d'être difficile compte tenu de son inexpérience. Blais-Dufour est le premier à le reconnaître.

« Ce qui me manque par rapport aux Charles Hamelin, Olivier Jean et François-Louis Tremblay c'est de l'expérience et de la sagesse. Ils sont vraiment forts. Sur 10 courses, il peut arriver que j'en gagne une », admet-il. « Je peux espérer me qualifier pour les Jeux en longue piste. Je vais tenter ma chance sur les courtes distances. Peu importe, je ne me mets pas de pression. Cela dit, je vais tenter ma chance en courte piste également. J'ai toujours réussi en ayant du plaisir. Je ne veux pas que ça change.»

Du plaisir. Voilà le mot qu'il répète sans cesse durant notre entretien. « Tu vois, aux championnats du monde juniors courte piste à Sherbrooke, on s'attendait à ce que je gagne ou à tout le moins que je monte sur le podium. Je ne pensais qu'à ça et j'avais moins de plaisir à patiner », explique celui qui a finalement terminé huitième au classement général et dont le meilleur résultat fut une quatrième place au 1500 mètres.

« De l'autre côté, je me suis pointé au championnat du monde longue piste en Pologne sans aucune pression. Tout ce que je voulais, c'était de profiter du moment. Je suis monté sur le podium. », ajoute-t-il sans prétention. « J'ai appris beaucoup de ces expériences. Quand j'ai du fun, ça fonctionne bien »

Jeux Olympiques de 2014

Si Vancouver en 2010 demeure un objectif quelque peu réaliste, Guillaume a les Jeux de 2014 à Sotchi dans sa mire.

« Si je participe aux Jeux de 2014, ce sera pour gagner. Je vais avoir 23 ans. »

Il a déjà établi son plan.

« Je vais profiter de l'année post-olympique pour faire ma place. La plupart des athlètes prennent un peu de répit et il sera temps pour moi de faire quelques Coupe du Monde. »

Attention à la grosse tête

Blais-Dufour est encore un actif peu connu du milieu du sport d'élite. Malgré tout, ses succès pourraient lui faire croire que le passé est garant de l'avenir mais Guillaume refuse d'adhérer à cette maxime.

« Moi, je vis au jour le jour. Succès ou déception, je ne m'arrête pas à ça. Je crois que ça fait la différence dans mes performances. J'ai du plaisir, c'est l'important même si je suis rendu à un niveau important. »

Il ajoute : « Si quelqu'un m'avait prédit il y a deux ans ce qui m'arrive aujourd'hui, j'aurais bien ri. »

Dans son sport, la compétition est tellement féroce que même si on vous étiquette comme le futur dieu du stade, si l'effort n'y est pas, rien de toutes ces prophéties ne se produira. Les exemples ne manquent pas.

Des débuts laborieux à l'or olympique…

Les premiers coups de patin de Blais-Dufour en patinage de vitesse n'ont pas été de tout repos. « À 14 ans, je tombais lors de toutes mes courses et je n'exagère pas. Puis en une semaine, je ne sais pas pourquoi, tout a changé, je gagnais toutes mes courses. »

Blais-Dufour est reconnaissant envers ses deux premiers entraîneurs, Alexandre Maltais et Éric Bédard qui ont fait de lui un meilleur patineur.

Souvenez-vous de ce nom : Guillaume Blais-Dufour. Comme les spécialistes en marketing aiment le dire, il possède le « package » pour réussir!