La passion soulève des montagnes, c’est bien connu. Mais encore faut-il qu’il y ait quelque chose à soulever. Au basketball féminin aux Jeux du Canada à Sherbrooke en 2013, le Québec avait terminé au huitième rang, à la suite d'une quatrième place en 2009 et d'une neuvième en 2005. La dernière médaille d’or remontait en 1993 à Kamloops, bien avant que les filles de l’édition actuelle soient nées.

« La perception que les gens avaient du Québec était mauvaise, avait constaté l’entraîneur de l’équipe du Québec Daniel Lacasse. Lorsque vous terminez au 8e rang, vous ne gagnez pas beaucoup de reconnaissance. Quand on m’a proposé de prendre en main l’équipe du Québec U17, j’ai accepté à la condition que ce soit sur un plan de deux ans. »

C’est donc dire avoir une vision, un projet, et des joueuses qui acceptent de s’y soumettre. « Habituellement les équipes du Québec ne sont centralisées que durant l’été, explique Lacasse. On a décidé de travailler sur 12 mois. Quinze matchs par blocs de cinq, l’emphase sur des points différents à chaque fois. Et ce fut payant. »

L’entraîneur amène une équipe jeune aux Championnats canadiens de 2016 à Régina, une équipe formée d’athlètes qui seront encore là l’année suivante, pour participer aux Jeux du Canada. Elles se rendent en finale, mais s’inclinent devant l’Ontario qui deviendra l’équipe à battre à Winnipeg. Le pari était malin. Sept filles sont arrivées aux Jeux avec un espoir de revanche dans le cœur, et quatre autres faisaient partie de l’équipe qui a remporté le Championnat U15, dont Donna Ntambue, meilleure joueuse du tournoi, et Kenya Côté-Lysius, élue sur la deuxième équipe d’étoiles.

Aux Jeux du Canada, la revanche prévue aura une avant-première, alors que le Québec et l’Ontario s’affrontaient en match de groupe. Les Québécoises l’ont emporté, mais sans avoir joué à la hauteur de leur potentiel. « Je leur ai dit que c’était une victoire, mais pas un accomplissement, souligne l’entraîneur. Elles n’avaient pas bien joué malgré un résultat favorable. Elles ont compris quelque chose de plus. »

Après avoir traversé des matchs faciles en quarts et demi-finales, la rencontre tant attendue arrive enfin. Mais le scénario envisagé cache des scènes imprévues. La meneuse de jeu, la formidable et attachante Sarah Ti-Biasu, n’arrive pas à peser sur le match. À la demie, elle a peu de points en banque et un seul de ses 11 tirs de trois points a marqué. Le troisième quart voit l’Ontario garder son avance, pire l’accroître encore plus. « Je leur ai alors dit qu’il fallait qu’elles commencent à se forcer, relate Lacasse, parce qu’il n’y aurait pas de cinquième quart. » Et sur les lignes de côté, ses exhortations au travail et à l’effort sont plus colorées les unes que les autres.

Le message a passé. Sur le terrain, le vent tourne subitement et les Ontariennes ont tout à coup beaucoup de difficulté à y faire face. Sarah retrouve son aplomb et sa précision au panier. « Mon équipe m’a fait confiance et ça m’a redonné de l’énergie », racontait-elle tout sourire après la rencontre. « On s’est réveillées, on s’est parlé, on est restées unies. On connaissait notre potentiel. Alors on s’est mises à exécuter les jeux et à essayer d’amener les dangers », analyse pour sa part l’excellente Paule Ibata-Pondza qui fut déterminante dans le match. Parties de 43-48, elles remonteront rapidement la pente pour arriver à 60-49, ne concédant à l’Ontario qu’un point sur lancer franc dans la séquence. Les championnes en titre (l’Ontario avait fait le doublé hommes-femmes en 2013) n’arrivent plus à mettre pied sur la terre ferme, bousculées par une vague irrépressible qui emporte loin d’elles la médaille convoitée, alors qu’elles avaient eu l’impression d’y toucher du bout des doigts. Le verdict tombe 70-57.

L’objectif était atteint. La médaille d’or retournait au Québec après une absence de plus de vingt ans. Tout ça grâce à la vision d’un entraîneur passionné qui a vu la montagne devant et qui finalement a agi avec sagesse. Pourquoi soulever des montagnes quand il est si simple de passer par-dessus?