La situation avait quelque chose de surréaliste. Le genre de situation que l'on retrouve en bas de la pyramide sportive. Pas dans un événement aussi important que des qualifications pour le championnat du monde de natation.

Vous avez probablement eu vent de toute cette histoire de maillot qui frappe le monde de la natation. Bref rappel des faits. Le 19 mai dernier, la FINA (Fédération internationale de natation) bannit quelques marques de maillot parce que sa composition faite de polyuréthane avantage les nageurs. Du groupe, on retrouve les maillots Jaked 01 et X-Glide.

Volte-face le 19 juin, la FINA réadmet le maillot Jaked 01 et le X-Glide d'Arena est également autorisé mais avec quelques modifications.

Une situation qui provoque une course au maillot chez les athlètes canadiens. Tout le monde veut se procurer un Jaked. Les nageurs d'autres pays qui l'utilisent depuis quelques mois ont vu leur chrono s'améliorer. C'est donc la ruée vers l'or pour nos nageurs qui se préparent pour les qualifications en vue des championnats du monde. Qualifications qui avaient lieu du 8 au 11 juillet dernier.

Le problème, c'est que ce ne sont pas tous les nageurs qui reçoivent leur Jaked, à temps. C'est le cas des nageurs du Club du parc olympique à Montréal. Les Mathieu Bois, Victoria Poon, Gabrielle Soucisse et compagnie devront se battre sans cette avancée technologique.

Après la première journée de qualifications, une tendance lourde s'installait. Les nageurs avec un Jaked, avait un avantage certain. D'ailleurs, le plus vieux record canadien, celui du 100 mètres dos, est tombé. Pascal Wollach a abaissé le chrono de Mark Tewksbury qui tenait depuis les Jeux de Barcelone en 1992. Wollach arborait un Jaked et fort probablement qu'il mérite pleinement d'avoir battu cette marque. Le problème : le doute. Surtout lorsque des records sont battus par des nageurs avec un historique qui ne présage rien de tel.

La situation des maillots a créé un certain climat de tension au sein des nageurs. Au départ, ceux qui en avaient un, avait la pression d'être plus rapide que ceux qui n'en avaient pas. Ceux qui devaient se débrouiller sans, devaient puiser au fond de leur ressource pour nager la « course de leur vie » pour espérer terminer parmi les deux premiers et réussir le chrono requis pour aller aux mondiaux.

Une écharde dans le pied de Bois

Lors de la deuxième journée, surprise. Mathieu Bois (100 mètres brasse) et Victoria Poon (100 mètres libre), arborent un Jaked. Pourtant, ils n'ont toujours pas reçu leur commande de maillot. Bois a emprunté celui d'un ami et Poon a dû se tourner vers un coéquipier… masculin.

Dans le cas de Mathieu Bois, il n'a pas le choix. Ses deux principaux rivaux ont le fameux Jaked. Tout se décidera par quelques dixièmes de secondes. Bois a gagné son pari. Il a terminé deuxième et obtenu du même coup son billet pour Rome.

Même scénario pour Poon qui termine deuxième. En entrevue, elle nous a toutefois avoué qu'elle n'avait pas vu beaucoup de différences. Que probablement avec un maillot à sa taille, elle aurait arraché un meilleur chrono.

Après sa qualification, Bois exulte En entrevue, il admet qu'il devra rendre la combinaison Jaked à son ami. Que le lendemain pour le 200 mètres, brasse, il va s'appliquer à vaincre ses rivaux avec ses « qualités » athlétiques. Donc, retour au bon vieux maillot LZR de Speedo.

Le lendemain, Bois termine finalement troisième devant ses rivaux. Pas de chance. À armes inégales, il devra se contenter d'une qualification au 100m et 50m brasse à Rome. En entrevue, il est amer. Sauf que tout est légal, c'est seulement injuste.

Une consolation

Comme il y a deux côtés à une médaille, il était « rassurant » de voir les meilleurs nageurs au pays abaisser les chronos avec le maillot LZR de Speedo. Cette « révolution » des Jeux olympiques de Pékin est maintenant devenue obsolète devant l'avancée technologique des autres marques comme Jaked et X-Glide.

Brent Hayden est devenu le premier canadien à passer sous les 22 secondes au 50 mètres libre. Victoria Poon a abaissé deux fois le record canadien dans la même journée, au cours du 50 mètres libre. Avec un bon vieux LZR.

Cependant, tôt ou tard, ils devront penser à passer à une étape supérieure, côté maillot, s'ils veulent demeurer compétitifs.

Même Michael Phelps pourrait être tenté même s'il est sous contrat avec Speedo. D'ailleurs, Speedo a indiqué que « ses » nageurs peuvent utiliser la combinaison de leur choix s'ils cachent le logo si ce n'est pas un Speedo.

Une pluie de records

Trente pour cent des records canadiens ont été battus au cours des quatre journées de compétition sur l'Île Ste-Hélène. C'est beaucoup en peu de temps diront certains et il n'y a qu'un pas à faire pour associer cette pulvérisation des chronos aux nouvelles combinaisons.

Et ça ne fait que commencer. Surveillez bien les prochains championnats du monde à Rome. Les records du monde vont tomber comme des mouches.

Quelle sera la valeur des records maintenant? Si un nageur « moyen » éclipse une marque mondiale, y aura-t-il un doute? Parce qu'elle est là la controverse; les nouvelles combinaisons avantagent les nageurs plutôt moyens. Les meilleurs devront donc suivre la parade pour demeurer compétitifs.

Ce qui est dommage, c'est que l'attention est maintenant tournée vers les maillots plutôt que sur les performances des athlètes. C'est la FINA qui a créé cette situation de toutes pièces.

Imaginez, le 1er janvier 2010, la FINA présentera une nouvelle liste où tous les maillots en polyuréthane (Jaked et X-Glide entre autres) seront vraisemblablement bannis. Et les records de la dernière année, on fait quoi avec?