Quand je racontais que j’allais passer deux semaines à Winnipeg pour y couvrir les Jeux du Canada, de façon générale les commentaires ne se faisaient pas attendre : « Pauvre toi, c’est ennuyant Winnipeg ». Ou la classique : « À Winnipeg les nuits sont longues… ». Pourtant, Winnipeg est loin de la ville tristounette que l’on veut bien nous peindre et au bout du compte, ce sont plutôt les journées qui y sont très longues avec la clarté qui empiète sur la nuit!

Le programme des compétitions est chargé, les événements à couvrir, nombreux. Mais ce serait passer à côté de quelque chose d’important si on glissait d’un site de compétition à l’autre, sans ouvrir les yeux sur les beautés de la place. Une ville qui accueille les Jeux du Canada se fait charmante pour recevoir la visite, et on ne voudrait pas lui manquer de politesse. Il est cependant certain que la présence des Jeux dans une ville n’a pas le même impact selon l’importance de l’hôtesse. Winnipeg a déjà un carnet de bal sportif bien fourni avec la présence des Jets de Winnipeg dans la LNH et des Blue Bombers de la Ligue canadienne de football, ce qui n’était pas le cas de localités plus modestes, comme Prince George, Brandon, Corner Brook ou Whitehorse. Mais le charme opère tout de même et Winnipeg, aidée jusqu’ici par une météo extraordinairement coopérative, s’est mise en mode séduction.

Nous connaissons la rivière Rouge, surtout à cause de ses débordements printaniers récurrents, et un peu moins la Assiniboine qui va s’y jeter à l’embranchement qui a donné son nom à la Fourche. Ces deux cours d’eau font partie de la vie des gens de Winnipeg, à tel point qu’on y a mis en service durant l’été, un « Waterbus » qui offre un parcours de cinq arrêts partant du quartier qui borde la petite Italie, passant par le Parlement, la Fourche, le quartier français de Saint-Boniface et le quartier des affaires. Les pilotes s’y relaient avec bonne humeur et deviennent bien souvent des guides improvisés, heureux de partager leurs connaissances avec vous, si d’aventure vous engagez la conversation. C’est ainsi que Guylaine Dumont a littéralement illuminé la journée de ce pilote qui arborait fièrement une chemise des Jeux de Sotchi, achetée sur ebay, mais dont la ferveur olympique n’en était pas moins diminuée.

RDS et TSN ont élu domicile à la Fourche, sur un promontoire qui donne une jolie vue sur le paysage. La Fourche est certes le coin le plus dynamique de la ville, regroupant boutiques et restaurants, mais étant surtout le point de rassemblement des grandes manifestations culturelles. Le programme étoffé des spectacles qui y sont offerts durant la tenue des Jeux y a faire courir des milliers de personnes, le point culminant étant certes le concert des Crash test dummies, le groupe fort connu de Winnipeg qui s’exécutait devant un public conquis d’avance. L’ambiance, la douceur de la soirée, la foule participative et les feux d’artifice qui ponctuent chacune des journées des Jeux, donnaient une touche magique aux collines de la Fourche.

L’un des grands joyaux de la région est situé à un peu plus d’une heure de route, au nord de la ville. Long de 416 kilomètres et avec une superficie de 24,400 m2, le lac Winnipeg est un petit paradis en soi. Lorsqu’on est aux abords de la plage de Grand Beach et que l’horizon s’étire sans fin devant nous, et qu’en plus un vent du nord fait frissonner les vagues en les emmitouflant de moutons bien dodus, on a peine à croire qu’on n’est pas en bordure de mer. Le manque de sel sur la peau, lorsqu’on se jette sur le sable après avoir pataugé dans l’eau, est le seul rappel que nous sommes face au sixième plus grand lac d’eau douce au Canada, dépassant même le lac Ontario. C’est le royaume du « kite surf », et croyez-moi, si j’avais à prolonger mon séjour ici, c’est certain que je m’y mettrais. Mais il n’y a pas que les sportifs qui y trouvent leur compte. Les familles s’en donnent aussi à cœur joie et un gigantesque concours de château de sable y est tenu chaque année.

Une autre attraction de Winnipeg est sans aucun doute le parc Assiniboine et ses jardins anglais entretenus au ciseau à ongles et à la pince à sourcils, parsemés des sculptures de bronze léguées par Leo Mol. C’est la promenade bucolique par excellence pour aller y songer aux aléas de la vie, à la fragilité de l’être sur la planète ou tout simplement au prochain match qui s’en vient. En face, ce sont de grands marais qui s’étendent, contraste de verts sous toutes leurs déclinaisons après la débauche de couleurs des jardins. Le zoo juste à côté vaut aussi le détour, surtout pour l’habitat consacré aux ours blancs, communément appelés ours polaires. Le fait que le royaume de ce magnifique animal soit au Manitoba n’est certes pas étranger à l’intérêt qu’on lui accorde. Churchill a beau être à 2155 kilomètres au nord de Winnipeg, on en sent l’empreinte dans le zoo. Son nom latin est Ursus maritimus et la meilleure façon de l’observer est d’être soi-même sous l’eau, bien à l’abri dans un tunnel de plexiglas qui nous permet de le voir évoluer avec ses congénères, aussi gracieusement qu’une nageuse synchronisée. Il y a quelques années, lorsqu’on nous avait demandé d’identifier notre rêve le plus fou pour des cartes promotionnelles à RDS, j’avais écrit « faire un vol en CF-18 » et « traverser la Mongolie à cheval » pour la deuxième édition. Comme j’ai réalisé ces deux rêves, ils viennent d’être remplacés par « aller à Churchill lors de la migration des ours blancs »! Winnipeg, terre d’envols de rêves.

Outre les attractions de toutes sortes, les bénévoles extrêmement gentils, la population accueillante et la météo (sauf aujourd’hui) qui fait oublier les multiples chantiers de construction, pour veiller à ce qu’on n’oublie pas Montréal, il y a aussi de nombreux restaurants qui valent le détour. Je n’en citerai qu’un seul, mon ami Louis, à la fois pour sa table délicate, la gentillesse de son personnel et sa situation extraordinaire au-dessus de la rivière, qui nous donne un peu l’impression d’être dans un paquebot.

Ennuyante Winnipeg? Je ne sais pas où vous êtes allés chercher ça. C’est nous qui risquons plutôt de nous en ennuyer!