Joel Hanrahan avait 12 ans à l'été 1993 et il dominait complètement dans les Petites Ligues en Iowa quand les Pirates de Pittsburgh ont débuté leur déprimante séquence de 18 saisons consécutives sous la barre des ,500. La dernière fois que Pittsburgh a mis sur le terrain une équipe gagnante, Cal Ripken Jr. était obstinément à la poursuite de Lou Gehrig, l'excuse des suppléments nutritionnels contaminés restait toujours à être inventée et la biographie du voltigeur des Pirates Al Martin, dans le guide médias de l'équipe, le décrivait comme un homme monogame possédant un pedigree de joueur de football de l'Université de la Caroline du Sud.

Comme les Idiots de Boston de 2004 peuvent en témoigner, un manque de culpabilité personnelle n'accorde pas aux joueurs un sursis quant au bagage émotionnel que ça implique. Johnny Damon et Curt Schilling n'avaient rien à voir avec la gopher-ite de Mike Torrez ou avec l'erreur de Bill Buckner, mais ils se devaient toutefois de venir au terrain chaque jour pour répondre aux questions à propos de « la malédiction du Bambino ». Tout comme un haut taux de cholestérol ou la calvitie, ce genre de futilité se transmet de génération en génération.

Au fil des ans, Jason Kendall, Brian Giles, Jason Bay et de nombreux autres sont arrivés à Pittsburgh avec un optimiste sans limites pour finir par devenir les victimes de ce que Jason Schmidt appelle le terrible « malaise Bucco ». Et maintenant le fardeau de la tâche est passé aux mains d'Andrew McCutchen et des autres membres de l'équipe actuelle.

Au match des étoiles à Phoenix la semaine dernière, Hanrahan, le spécialiste des fins de match de Pittsburgh, s'est fait demander si les références au numéro 18 sont devenues lassantes. Il a répondu par un regard malicieusement narquois : « Notre joueur de deuxième but Neil Walker porte le numéro 18. C'est tout un joueur. Est-ce ce dont vous parlez? »

Il est souvent dit que les releveurs numéro un doivent posséder une mémoire à court terme. Dans le cas de Pittsburgh, c'est la recette du salut qui règne au sein de toute l'équipe.

Vous en avez sans doute déjà entendu parler, mais les Pirates ont rejoint les Indians de Cleveland, Ryan Vogelsong et Robinson Cano et son père parmi les plus belles histoires de l'année. Avec 51 victoires, ils sont premiers dans la division centrale de la Nationale et à six victoires d'égaliser leur total de 2010. Et grâce à chaque remontée en fin de rencontre et à la fougue qu'ils démontrent, ils donnent aux amateurs de Pittsburgh des raisons de plus d'y croire.

L'assistance au PNC Park a augmenté de 3 600 spectateurs par match et les plus fervents amateurs des Pirates se sont sorti la tête du sable en s'attendant à ce qu'il y ait six autres semaines de victoires à venir. Ou neuf.

« Je crois que les vrais amateurs de baseball sont demeurés à la maison à jurer devant leur télévision et à jurer contre les Pirates, a indiqué Hanrahan. Ils ne sont plus embarrassés maintenant. Avant, ils venaient aux matchs avec des chandails des Steelers sur le dos ou des casquettes des Penguins. Maintenant, ce ne sont que des trucs des Pirates. Partout, ils portent des chandails de McCutchen ou de Neil Walker. Ils embarquent dans le train et ils nous donnent beaucoup d'énergie aussi. C'est beaucoup plus amusant de jouer devant une foule de 35 000 personnes que de 15 000. »

La route sera bientôt plus ardue pour les Pirates puisque la partie la plus corsée de la saison débutera sous peu. Après avoir remporté trois victoires au dépens de Houston en fin de semaine, ils se préparent à retourner à la maison pour y débuter une série de 12 matchs consécutifs contre les Reds, les Cardinals, les Phillies et les Braves, soit des équipes qui combinent un pourcentage de victoire de ,558.

Plusieurs croient que la saison des Pirates n'est qu'un mirage, mais ils ont été plutôt tenaces jusqu'à maintenant. Ils tiennent le coup dans la course de la section centrale de la Nationale malgré une offensive qui se situe près des bas fonds de la ligue dans presque toutes les principales colonnes de statistiques. Les receveurs Chris Snyder et Ryan Doumit, qui comptent à eux seuls pour le quart de la masse salariale de l'équipe qui s'élève à 45 millions de dollars, totalisent moins de 200 présences au bâton en raison des blessures. Parmi les changements effectués dans l'équipe, les Pirates ont donné au joueur de champ intérieur Brandon Wood et au receveur Michael McKenry l'occasion de relancer leur carrière et ils ont obtenu de bons résultats de la part d'Alex Presley, de Chase D'Arnaud et de Josh Harrison, qui proviennent du club-école.

Le style des Pirates est typique d'une production qui se base sur les lanceurs, la défensive et l'opportunisme au bâton. Ils se classent 10e dans les majeures en terme de l'efficacité en défensive - comparativement à 30e l'an dernier - et ils sont beaucoup plus fiables cette année après avoir commis 127 erreurs en 2010. La défensive améliorée est une chose cruciale étant donné que l'équipe se situe en 29e position de la ligue quant aux retraits au bâton et les partants forment un groupe qui lance dans la zone des prises sans pour autant tenter de forcer un retrait au bâton.

Alors que les amateurs se nourrissent de l'enthousiasme des joueurs, les joueurs sont réceptifs face au nouveau gérant Clint Hurdle, dont la voix et les paroles inspirantes ont créé une atmosphère optimiste dans l'environnement de l'équipe. Hurdle est bien différent de son prédécesseur John Russell, qui était tellement serein et sans prétention qu'il faisait paraître l'ancien gérant des A's, Bob Geren, comme un homme charismatique.

« Il nous aide à rester positifs et il agit de la même façon chaque jour peu importe comment il sent », a fait remarquer McCutchen. C'est difficile d'être optimiste et d'encourager quelqu'un d'autre lorsqu'on se sent soi-même découragé, mais c'est ce qu'il a fait pour nous. »

Pittsburgh a aussi bien réagi à l'arrivée du nouvel entraîneur des lanceurs Ray Searage et à son approche stimulante. Les partants Paul Maholm, Kevin Correia, Charlie Morton, James McDonald et Jeff Karstens gagnent ensemble un total de 12 millions et ils se classent 5e de la Nationale pour la moyenne de points mérités avec 3,58. Karstens était carrément une sorte de Mark Buehrle avec ses 83 lancers en une seule rencontre contre Houston ce week-end. Qu'est-ce qui attend donc Pittsburgh pour cette deuxième moitié de saison? Les questions ci-dessous pourraient aider à trouver les réponses :

Du renfort, quelqu'un?

Le directeur général Neal Huntington a été clair à l'effet qu'il est ouvert à des possibilités d'échanges d'ici la date limite, mais tout changement se devra d'être effectué dans un objectif à long terme. Il ne tentera pas quelque chose seulement dans le but de faire plaisir à la masse populaire et ne fera rien qui pourrait affecter le plan de match de l'équipe dans un contexte à court terme.

« En théorie, ajouter des éléments à l'équipe serait un choix évident, mais en pratique, cela est beaucoup plus compliqué parce qu'il faut tenir compte de l'ensemble de la situation », a indiqué Huntington. « Nous ne voulons pas hypothéquer le futur de l'équipe simplement pour faire une tentative désespérée pour le titre en 2011. Nous devons être intelligents et prendre des décisions logiques et rationnelles. C'est ennuyeux, et les amateurs n'aiment pas ça, et je le comprends. Mais pour nous, afin de connaître du succès, nous devons le plus possible faire fi du côté émotif dans ce processus. »

Si l'on est réaliste, regarder dans sa propre cour pourrait être une option qui a plus de sens que n'importe quelle trouvaille que Huntington pourrait faire en tâtant le marché des échanges. Les Pirates se sont renseignés au sujet de Hunter Pence, de Ryan Ludwick, de Josh Willingham, de Conor Jackson et d'autres joueurs disponibles, mais en fin de compte, ils pourraient décider d'y aller avec ce qu'ils possèdent déjà dans l'organisation. Steve Pearce a frappé trois circuits à ses 18 premières présences au bâton avec l'équipe AAA d'Indianapolis à son retour d'une blessure à un mollet et Doumit est sur le point d'amorcer une période de réadaptation à la suite d'une blessure à la cheville. En prime, Matt Diaz frappe pour ,308 depuis le début du mois de juin.

Est-ce que les bonnes performances au monticule peuvent se prolonger?

Les cinq lanceurs partants des Pirates ont tous la possibilité de surpasser leur charge de travail de 2010, mais cela ne constitue pas une importante source d'inquiétude puisque Maholm, Morton, Correia, McDonald et Karstens ont tous entre 26 et 30 ans. Ross Ohlendorf travaille à revenir au jeu à la suite d'une blessure à l'épaule et si jamais les Pirates ont besoin d'une solution à court terme pour pallier au problème, ils peuvent toujours rappeler leur premier choix au repêchage de 2006, Brad Lincoln, qui possède un ratio de 85-16 au chapitre des retraits sur les coussins à Indianapolis, ou encore Brian Burres. À moins que Huntington ait un plan secret pour acquérir Ubaldo Jimenez ou James Shields, les options qu'il possède à l'interne sont aussi bonnes que celles qu'il pourrait trouver sur le marché des échanges.

Le groupe de releveurs de Pittsburgh pourrait subir un coup de fouet avec le retour du joueur étoile de 2010 Evan Meek. Tout comme Ohlendorf, il se remet d'une blessure à l'épaule et celles-ci sont toujours difficiles à évaluer.

De l'aide pour Cutch

À 24 ans, McCutchen est une étoile montante et les Pirates ont maintenant besoin que leurs autres jeunes joueurs continuent de se développer. Jose Tabata a élargi son élan dans le but de frapper plus de coups sûrs, mais cela a eu pour effet de développer d'autres lacunes. Puis il s'est étiré un muscle du quadriceps juste au moment où il semblait avoir trouvé la touche. Walker a contribué avec quelques frappes opportunistes, mais il commence à retrouver la mentalité d'esprit qu'il démontrait à son année recrue lorsque chacune de ses présences au bâton semblait une corvée.

La carte cachée dans l'équation est Pedro Alvarez, dont la formation professionnelle se poursuit dans la Ligue internationale. Il n'a besoin que d'un peu de temps et de patience avant d'être prêt à aider à porter sur ses épaules les espoirs d'une ville.

Huntington, qui a subi sa part d'abus en quatre ans dans le milieu, sait comment Terry Ryan, Dan O'Dowd et quelques autres directeurs généraux se sentaient alors qu'ils ont dû endurer plusieurs saisons de misère en attendant que leur plan à long terme ne prenne forme.

« C'est ce que j'ai dit dès le début : nous aurions souhaité n'avoir qu'à claquer des doigts pour que l'une des pires équipes du baseball majeur avec l'un des pires systèmes de développement ne devienne une des meilleures équipes avec un des meilleurs systèmes de développement », a avoué Huntington. « Cependant, des souhaits et des espoirs ne suffisent pas à y arriver. En réalité, cela prend cinq ou sept ans pour remettre une organisation sur le droit chemin.

Une saison de .500 ferait des merveilles sur le moral à Pittsburgh, mais Huntington, Hurdle et les joueurs n'ont pas le luxe de se contenter de ce plateau symbolique. Ils ne peuvent se permettre d'imiter les Royals de Kansas City qui ont récolté une fiche de 83-79 sous les ordres du gérant Tony Pena, pour ensuite revenir à leurs mauvaises habitudes après coup.

« Nous ne voulons pas prendre une chance et échouer, pour ensuite avoir à tout recommencer, à se regrouper et à profiter d'une autre chance dans seulement cinq ou dix ans. J'ai une tonne de respect pour l'amateur qui souhaite simplement que l'équipe remporte 82 matchs et mette fin à cette mauvaise séquence. Si on peut remplir ce mandat, c'est très bien. Par contre, notre but est de devenir une organisation et une équipe constante et de calibre pour la course au championnat. Une récolte de 82 victoires est peut-être ce qui nous attend au bout du compte, mais ce n'est pas notre objectif. »

Si la saison 2011 a réussi à faire quelque chose, c'est bien d'avoir permis aux Pirates de s'ouvrir aux possibilités. Ils possèdent un superbe terrain de baseball, des spectateurs qui remplissent les gradins, les lanceurs prospects Jameson Taillon et Stetson Allie et un plan qui semble enfin porter ses fruits.

« À chaque fois que nous embarquions sur le terrain, nous nous mettions à penser à quel point se serait fou si telle ou telle chose arrivait. Nous avons toujours cru que ça pouvait arriver et maintenant nous sommes rendus trop loin pour que les choses demeurent telles qu'elles étaient auparavant.

Après 18 saisons de vache maigre, une onde de changement flotte dans l'air à Pittsburgh. Les Pirates, croyez-le ou non, sont de nouveau digne d'intérêt. C'aura presque valu le coup d'attendre.