Après avoir été suspendu pour 162 matchs lors de la saison 2014 quant à son implication dans le scandale Biogenesis, Alex Rodriguez pourra effectuer un retour au jeu avec les Yankees dès la saison prochaine. Or, mercredi dernier, le Miami Herald  a rapporté qu'A-Rod aurait déclaré sous serment aux agents de la Drug Enforcement Administration (DEA)avoir fait usage de produits dopants entre 2010 et 2012.

Bien entendu, mentir sous serment est un crime communément appelé parjure, lequel peut valoir une sentence d'emprisonnement. Rappelons que la sprinteuse Marion Jones avait été condamnée à six mois de prison après avoir menti à la justice américaine sur son usage de stéroïdes. Comme Rodriguez avait jusqu’à présent clamé son innocence dans l’affaire Biogenenis, une telle déclaration l'aurait normalement exposé à des accusations criminelles. Toutefois, les autorités américaines avaient octroyé à A-Rod l'immunité contre de possibles poursuites en échange de sa participation à une entrevue avec des agents fédéraux de la DEA en janvier dernier.

Nonobstant son parjure, est-ce que les Yankees pourraient annuler le contrat d'A-Rod? Il faut comprendre que les Yankees verseront à Rodriguez 61 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Force est d'admettre que ce montant est en soi un incitatif pour les Yankees à résilier le contrat du joueur.

Annuler le contrat d'A-Rod est en théorie possible car l’équipe pourrait notamment alléguer un bris de contrat en raison du non-respect de ses obligations contractuelles. Conformément au paragraphe 7 (b) (1) du Uniform Player Contract, une équipe peut résilier le contrat si un joueur échoue, refuse ou néglige de conformer sa conduite personnelle aux normes de civisme et d'esprit sportif ou d'obéir aux règles de sa formation. En se fondant sur cette disposition, les Yankees pourraient prétendre qu'en se dopant, Rodriguez n'a pas réussi à se conformer aux normes de civisme, d'esprit sportif ainsi qu’aux règles de son club. Les Yankees pourraient également alléguer que s’ils avaient su qu’A-Rod trichait, il n’aurait pas signé avec eux.

Il s'agit en l'espèce d'arguments légitimes et raisonnables. Toutefois, la difficulté est que les sanctions relatives à l'utilisation de substances interdites sont spécifiquement prévues dans le Joint Drug Agreement (JDA), qui est une politique antidopage ayant été négociée collectivement au même titre que la convention collective. Cela signifie que la MLB comme la MLBPA ont non seulement accepté cette politique, mais aussi les peines qui en découlent. À ce titre, notons que les tribunaux n'aiment généralement pas qu'une entreprise choisisse délibérément d’ignorer une politique spécifique qu’elle a elle-même mise en place pour sanctionner une infraction précise. Voilà donc pourquoi ces arguments peuvent être difficilement soulevés, car le JDA doit prévaloir sur toutes autres dispositions, dont le paragraphe 7 (b) (1)du Uniform Player Contract. Comme le JDA est précisément institué pour contrer l'utilisation de substances interdites, il sera ardu pour les Yankees d’annuler le contrat d’A-Rod.

Quoi qu'il en soit, A-Rod a déjà été suspendu pour son utilisation de substances améliorant la performance et par conséquent, la MLB et les Yankees ne peuvent pas le punir à nouveau pour la même infraction. De plus, il importe de mentionner que les équipes de la MLB ne réussissent habituellement pas à résilier le contrat d’un joueur avec de tels motifs. En effet, elles ont tenté à quelques reprises au cours des dernières années d'annuler certains contrats, mais en vain. Pensons notamment aux Orioles de Baltimore, qui en 2005 avaient annulé le contrat de Sidney Ponson après qu’il ait purgé une peine d'emprisonnement de cinq jours pour conduite dangereuse et conduite avec facultés affaiblies. Subséquemment, la MLBPA avait déposé un grief afin qu’il empoche néanmoins les 11 millions de dollars restant à son contrat. Les parties ont négocié et ont finalement conclu une entente par laquelle les Orioles libéraient Ponson à même 11,2 millions de dollars.

Les Yankees pourraient tenter de négocier avec A-Rod pour qu'il quitte la formation avec 70-80 % du salaire restant à son contrat. Cependant, même si les Yankees le libéraient avec 50 millions au lieu de 61 millions de dollars, il pourrait toujours signer avec une équipe adverse et la situation ne serait pas forcément mieux.

Ilest ainsi difficilepour une équipe d’annuler le contrat d'un joueur et c’est pourquoi les Yankees ne sont pas susceptibles de réussir dans le cas d’A-Rod. Par conséquent, l’article 7 (b) (1) du Uniform Player Contract semble plutôt destiné au comportement du joueur qui influe directement sur sa capacité à jouer et non sur le comportement qui est scandaleux, embarrassant ou criminel.

Espérons toutefois que ces récents rebondissements auront un effet dissuasif sur l’implication future des joueurs dans la vente, la distribution et la consommation de produits dopants au baseball. Forcément, un tel dossier consolide l’importance de la lutte antidopage dans sa promotion du sport propre non seulement pour éliminer les tricheries, mais aussi pour protéger la santé des athlètes.