Le 9 décembre 2019, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a exclu la Russie pour quatre ans des grandes compétitions internationales, dont les Jeux olympiques. Il s’agit d’une sanction pour la falsification des données de contrôles remises à l’AMA. Cette sanction interdit également à tout représentant du gouvernement russe de siéger au bureau ou dans tout comité d'un signataire du Code mondial antidopage (Code).

 

Or, ce ne sont pas les premières sanctions à l’encontre de la Russie en matière de dopage. Quelques jours avant les Jeux de Rio en 2016, l'AMA avait réclamé l’exclusion totale de la Russie aux olympiques, mais le Comité internationale olympique (CIO) n’avait pas suivi cette recommandation. Puis, le 5 décembre 2017, le CIO avait suspendu le Comité olympique russe (ROC) des Jeux olympiques de PyeongChang de 2018 en raison du dopage institutionnalisé ayant eu lieu en Russie de 2011 à 2015 et lui avait ordonné le remboursement de 15 millions de dollars US représentant tous les frais encourus pour mener les enquêtes. Toutefois, le CIO avait offert la possibilité aux athlètes russes sans antécédents de dopage de participer individuellement aux Jeux de PyeongChang en tant que participants neutres.

 

Quelles sont les circonstances justifiant la sanction infligée à la Russie par l’AMA?

 

L’AMA doit veiller à ce que les signataires du Code se conforment à ses exigences. À ce titre, le Code a implanté des Standards Internationaux, lesquels doivent être obligatoirement appliqués par tous ses signataires. Les signataires du Code sont notamment le CIO, les comités nationaux olympiques, les fédérations internationales et les organisations nationales antidopage (ONAD).

 

La Russie est signataire du Code par l’intermédiaire de son ONAD, l’Agence russe antidopage (RUSADA). Le fait d’être signataire du Code comporte plusieurs implications pour RUSADA, dont la mission d’implanter le Code sur le territoire russe en ce qui concerne les manifestations sportives et les athlètes qui sont visés par celui-ci.

 

Toutefois, RUSADA n’est plus signataire du Code depuis le 18 novembre 2015, ayant été suspendue pour le système de dopage institutionnel en Russie. Depuis, RUSADA a tenté de satisfaire la plupart des critères établis par l'AMA, dont le rôle est notamment de surveiller le travail des organisations antidopage dans chaque pays.

 

À ce sujet, notons que l’AMA a introduit en 2016 un programme de supervision de la conformité au Code pour s’assurer que les signataires mettent en place des structures antidopage de qualité. De cette initiative, le Standard international pour la conformité au Code des signataires (SICCS) est entré en vigueur le 1er avril 2018, lequel encadre les activités de supervision de l’AMA et prévoit des conséquences pour le signataire qui ne se conforme pas au Code. Étant chargée de la surveillance de la conformité au Code, l’AMA a retenu les services du Groupe de travail sur la conformité pour qu’il rapporte entre autres au Comité de révision de la conformité (CRC) et au Comité exécutif. D’une part, le CRC est un comité externe indépendant formulant des avis, des orientations et des recommandations à l’AMA. D’autre part, le Comité exécutif de l’AMA a le pouvoir d’alléguer la non-conformité d’un signataire. Ainsi, lorsqu’un signataire présente une situation d’irrégularité, le Groupe de travail recommande des mesures correctives et l’aide à y remédier en vertu d’un échéancier. C’est le cas du RUSADA.

 

Bien que RUSADA soit suspendue depuis 2015, l’AMA l’a autorisée en juin 2017 à mener des programmes de contrôle antidopage sous tutelle de l’agence antidopage britannique. Le 20 septembre 2018, le Comité exécutif de l’AMA a décidé de réintégrer RUSADA dans la liste des signataires conformes au Code sous réserve du respect postérieur de conditions strictes, soit :

 

1) « RUSADA et le ministre des Sports de la Russie doivent faire en sorte que l’AMA ait accès (par l’intermédiaire d’un expert indépendant acceptable pour l’AMA et les autorités russes) aux données authentiques du Système de gestion de l’information des laboratoires (SGIL) et aux données analytiques sous-jacentes de l’ancien laboratoire de Moscou dont il est question dans la lettre du président de l’AMA datée du 22 juin 2018, et ce d’ici le 31 décembre 2018.

2) RUSADA et le ministre des Sports de la Russie doivent veiller à ce que toute nouvelle analyse des échantillons exigée par l’AMA après l’examen desdites données ait lieu au plus tard le 30 juin 2019. »

 

Ces deux conditions constituaient des exigences essentielles du SICCS et le Comité exécutif s’était engagé à suspendre de nouveau RUSADA advenant le non-respect de ces conditions dans le délai imparti.

 

L’AMA s’attendait à recevoir de la part de RUSADA les données du laboratoire antidopage de Moscou qui auraient permis d’identifier bon nombre d’athlètes dopés entre 2012 et 2015, lesquelles sont gardées sous séquestre par le gouvernement. Comme RUSADA n’a pas respecté cette condition essentielle à sa réintégration parmi l’AMA, le CRC a formulé le 25 novembre 2019 ses recommandations concernant la non-conformité de RUSADA au Code, lesquelles ont été examinées par le Comité exécutif.

Le 9 décembre, le Comité exécutif a approuvé les recommandations faites par son CRC, soit que RUSADA soit déclarée non conforme au Code, avec une exclusion du pays des grandes compétitions internationales pour quatre ans. En conséquence, RUSADA a été notifié des allégations de non-conformité pesant contre elle et des conséquences proposées.

RUSADA peut-elle contester la non-conformité alléguée et les conséquences proposées?

 

RUSADA peut accepter ou contester la non-conformité alléguée et les conséquences proposées. Si RUSADA choisit de contester, elle doit en aviser l’AMA dans un délai de 21 jours suivant la réception de la notification. Auquel cas, l’AMA doit déposer une requête auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) pour que la Chambre d’arbitrage ordinaire du TAS puisse trancher ce différend et déterminer la sanction. Le fardeau de la preuve repose sur l’AMA.  Il importe de mentionner que la notification peut également être contestée par le ROC ou par toute fédération internationale concernée.