MONTRÉAL - « Quand je dis aux gens que je vais être champion du monde, je le vois qu’ils ne me croient pas, parce qu’on fait des galas à Trois-Rivières et pas à Las Vegas. Mais se battre à Trois-Rivières en finale ou à Las Vegas dans l’après-midi quand il n’y a pas personne dans la salle…

« Les gens me demandent si je reçois des bourses quand je boxe. Mais non, je fais ça pour le fun! C’est terrible, mais c’est Trois-Rivières. À Montréal, les gens me croient quand je dis que je vais être champion du monde. Ils en voient des joueurs de la Ligue nationale et des vedettes. »

Non, Simon Kean n’a pas la langue dans sa poche. Et contrairement aux apparences, il est un fier représentant de sa région, une pépinière à poids lourds qui a aussi vu naître Patrice L’Heureux et David Cadieux. « En Mauricie, on est tough. On est des gros bucherons », dit-il avec exubérance.

Le colosse de 6 pieds 5 pouces et de près de 250 livres s’enflamme lorsqu’il rappelle que « Le Granit » et Cadieux ont attiré 5000 personnes pour chacun de leurs deux combats présentés à Trois-Rivières et Shawinigan en mai et novembre 2006. Et il se voit très bien suivre leurs traces.

Une première étape pourrait être franchie, samedi soir à l’Olympia de Montréal, alors que Kean (9-0, 8 K.-O.) affrontera Marcelo Luiz Nascimento dans un duel pour le titre intercontinental des lourds de l’IBO en finale d’un gala de la série « Fight Club » d’Eye of the Tiger Management.

« Ce n’est pas seulement une vulgaire ceinture avec laquelle je vais pouvoir me pavaner, c’est une ceinture qui va donner de la crédibilité à mon travail. Les gens vont enfin reconnaître que je suis dans la cour des grands, que je m’en vais au top, expliquait le Trifluvien plus tôt cette semaine en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion de l’événement.

Mais pour convaincre ses concitoyens qu’il est du même moule que L’Heureux et Cadieux, ce n’est pas en battant Nascimento (23-14, 20 K.-O.) qu’il acquerra ses lettres de noblesse, mais bien des boxeurs qu’ils connaissent comme Adam Braidwood, Dillon Carman ou Oscar Rivas.

« Tout est une question de notoriété, déplore Kean. Quand je disais aux gens que mon prochain combat était le 17 contre un Brésilien pour la ceinture de l’IBO ils me répondaient toujours "pis Braidwood?". On boxe pour ce que les gens veulent voir et je veux leur offrir ce combat-là. »

Sauf que les choses ne sont pas aussi simples. Si les amateurs ont été privés de nombreux chocs au plus haut niveau au cours des dernières années, il semble que la situation est encore pire dans la catégorie reine de la boxe, même quand vient le temps d’organiser le moindre combat.

« J’appelle à Edmonton [là où est établie la promotrice de Braidwood] toutes les semaines, a blagué le promoteur Camille Estephan. Braidwood veut le combat, mais il est le seul vrai nom que sa promotrice est capable de vendre pour faire des finales et elle ne veut pas le sacrifier.

« Avec Bermane Stiverne, le premier boxeur que j’ai signé, j’ai appris que les négociations chez les lourds sont plus difficiles. [Les promoteurs] sont de vrais requins. Ils savent qu’ils peuvent éventuellement faire des millions. Ça joue du coude, même pour les combats mineurs. »

Quand il était le gérant de Stiverne, Estephan a également appris qu’il n’y a pas de petit combat et qu’il faut continuellement s’assurer de motiver ces gentils géants pour ne pas qu’ils s’enlisent.

« Avec un coup de poing, tout peut s’arrêter en un instant, a-t-il expliqué. Bermane a quasiment gâché sa carrière avec son match nul contre Charles Davis et son dernier combat contre Derric Rossy. Chaque fois, Bermane les avait épargnés parce qu’on lui avait dit de faire des rounds. »

Au moins, Estephan n’a pas trop à s’inquiéter du niveau de motivation de Kean, lui qui a connu des démêlés avec la justice dans le temps qu’il était chez les amateurs. Avec l’encadrement dont il profite aujourd’hui, il regrette de ne pas avoir fait le saut chez les professionnels plus tôt.

« Chez les amateurs, j’ai commis des erreurs qui m’auraient fait débouler les escaliers chez les professionnels, précise Kean. Ç’a été une période d’apprentissage chez les amateurs. C’est comme si j’avais pogné plein de virus et que je suis immunisé. Je suis plein d’anticorps! »

Kean ne sera pas peut-être jamais champion du monde et ne soulèvera peut-être jamais les foules comme L’Heureux et Cadieux l’ont fait, mais il pourra toujours se targuer d’avoir ajouté une réelle touche d’authenticité à un sport et une époque où tout n’est pas toujours bon à dire.