MONTRÉAL - La lourde tendance observée depuis deux ans s’est malheureusement confirmée, si bien que la boxe québécoise a sans doute connu son plus important creux de vague en 2016.

Plusieurs des athlètes qui avaient animé la scène locale depuis le début de la décennie ont subi de dures défaites ou ont encore été échaudés par des controverses qui ont terni leur réputation.

Dix mois après s’être inclinée devant Sergey Kovalev une première fois en avril 2015, Jean Pascal a retrouvé le champion unifié des poids mi-lourds de l’époque en janvier au Centre Bell. Malgré la présence du réputé Freddie Roach dans son coin, le Lavallois n’a jamais été dans le coup et a subi une véritable raclée avant que son entraîneur ne jette l’éponge après le septième round.

Cette défaite a en quelque sorte marqué la fin d’une époque puisqu’il s’agit du dernier gala organisé par InterBox avant que l’entreprise ne soit vendue à Eye of the Tiger Management (EOTTM) en juillet. Jean Bédard avait expliqué que la promotion de boxe ne cadrait plus avec les objectifs de Sportscene depuis le repositionnement des restaurants La Cage – Brasserie sportive.

Pascal s’est ensuite accordé une longue pause de 11 mois avant de remonter dans le ring aux côtés d’un nouvel entraîneur, Stéphan Larouche. L’ancien champion du monde a facilement battu Ricardo Marcelo Ramallo à la mi-décembre dans une modeste salle de Trois-Rivières et il entend livrer un autre duel de remise en forme avant de passer aux choses sérieuses en 2017.

Mais coup de théâtre à l’avant-veille de Noël, alors qu’InterBox a laconiquement annoncé par voie de communiqué la fin de son association avec le boxeur en raison de « divergences d’opinion quant à la suite sa carrière ». Pascal souhaitait ardemment disputer un deuxième combat contre Lucian Bute, mais InterBox ne voyait du tout pas les choses de la même façon.

Vaincu par le détenteur de la ceinture des super-moyens de l’IBF James DeGale au terme d’une prestation fort honnête à la fin de 2015, Bute a obtenu une autre chance en championnat du monde contre le champion du WBC Badou Jack en avril à Washington. À la surprise générale, il a soutiré un verdict nul majoritaire, même si la plupart des observateurs avaient Jack gagnant.

Mais moins d’un mois plus tard, la Commission de boxe et de lutte du District de Columbia a révélé que Bute avait subi un contrôle antidopage positif à l’ostarine, un produit qui peut avoir les mêmes effets que les stéroïdes anabolisants et qui peut servir à la récupération physique.

À l’issue d’une saga qui s’est échelonnée sur six mois, Bute a finalement conclu une entente à l’amiable avec la commission américaine en acceptant de purger une suspension de six mois et de verser un montant de 50 000 $ US au « Clean Boxing Program » du WBC. Le Québécois d’origine roumaine s’en est relativement très bien tiré en convainquant la commission que l’ostarine provenait d’un supplément contaminé fabriqué par un laboratoire californien.

Néanmoins toujours motivé à l’idée de poursuivre sa carrière même si sa dernière victoire significative remonte à celle enregistrée sur Denis Grachev en novembre 2012, Bute affrontera Eleider Alvarez le 24 février prochain à Québec. Le vainqueur de ce duel inattendu deviendra ensuite l’aspirant obligatoire au détenteur du titre des mi-lourds du WBC Adonis Stevenson.

Un champion peu actif

Parlant de Stevenson, ce dernier a défendu sa ceinture en passant un spectaculaire knock-out à Thomas Williams fils en juillet à Québec. Tenue en plein milieu des vacances de la construction, la septième défense du cogneur gaucher est loin d’avoir retenu l’attention dans la population.

Il s’agit d’ailleurs de la seule sortie effectuée cette année par Stevenson, qui a été contraint à l’inactivité comme plusieurs des autres têtes d’affiche représentées par l’influent conseiller américain Al Haymon en raison du ralentissement des activités de Premier Boxing Champions. La série sera cependant de retour en force au début 2017 avec de nombreux combats significatifs.Adonis Stevenson

L’absence d’intérêt de la télévision américaine pour le combat Stevenson-Alvarez a maintes fois été évoquée pour expliquer pourquoi le Montréalais d’origine colombienne n’a pas encore eu l’occasion d’affronter celui dont il est pourtant l’aspirant obligatoire depuis novembre 2015.

En lieu et place de Stevenson, Alvarez s’est préparé à cette éventuelle rencontre au sommet en croisant le fer avec les gauchers Robert Berridge en juillet à Québec et Norbert Dabrowski en décembre à Montréal, l’emportant chaque fois par décision unanime. Mais un énième obstacle s’est dressé devant lui lorsque le choc contre Bute a été annoncé avant celui face à Dabrowski.

Son compatriote Oscar Rivas a également connu une année extrêmement frustrante en voyant d’abord un important combat prévu face à Gerald Washington en mars en Californie être annulé en raison d’un problème à un œil. Rivas est toutefois revenu en force en se débarrassant aisément de Jeremy Bates en juin et Jeremiah Karpency en juillet, mais il a encore joué de malchance en se blessant à une épaule pendant son duel contre Karpency et a dû être opéré.

Leur coéquipier chez Groupe Yvon Michel (GYM) Kevin Bizier a quant à lui annoncé sa retraite après s’être fait passer le knock-out par le champion des mi-moyens de l’IBF Kell Brook en mars à Sheffield en Angleterre. Victime d’une blessure à un œil à l’entraînement avant son rendez-vous avec Brook, le sympathique athlète a ainsi tiré le trait sur une carrière fort respectable.

Le moment d’accrocher les gants est aussi venu pour Ghislain Maduma à la suite de sa défaite devant Ricky Sismundo en octobre à Montréal. Maduma avait tenté de relancer sa carrière en s’entraînant au gymnase de Roach en Californie cette année, et après une victoire sur Cesar David Inalef en mai, il n’a pas été en mesure de relever le défi qu’il s’était lui-même imposé.

Sismundo a également joué les trouble-fêtes contre Dierry Jean en obligeant ce dernier à se contenter d’un verdict nul partagé en mai. Sur le coup d’une suspension de son promoteur en début d’année, Jean a été libéré par EOTTM en octobre « pour des raisons éthiques, qui sont contraires aux valeurs de l’entreprise ». Dans les jours précédents, il avait plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de possession simple de stupéfiants relativement à une affaire qui remonte à 2014. Il devrait vraisemblablement connaître sa sentence au printemps prochain.

Toujours chez EOTTM, Schiller Hypolitte a connu un début d’année extrêmement faste en défaisant Ivan Jukic en février, Darnell Boone en mars et Pablo Daniel Zamora Nievas en mai, mais il a frappé un tout un mur en se faisant arrêter dès le troisième round par Avni Yildrim en novembre en Allemagne dans un combat pour un titre mineur des super-moyens du WBC.

Pris dans la tourmente de la vente d’InterBox, Yves Ulysse fils a été limité à un combat qu’il a bien failli perdre contre Francisco Javier Perez en septembre à Blainville. Ulysse a survécu à une brutale chute au plancher avant de revenir de l’arrière pour l’emporter au quatrième round. David Théroux a quant à lui été notamment surpris par Jose Emilio Perea en octobre à Montréal.

Mikaël Zewski n’a pas effectué une seule sortie en 2016 en raison d’une tendinite à un coude et d’un différend contractuel avec son promoteur américain Top Rank. Maintenant libre comme l’air, le Trifluvien est prêt à reprendre le collier, idéalement avec un promoteur québécois.

Une question de temps pour Beterbiev

Cela dit, les 12 derniers mois n’ont cependant pas été frustrants pour tout le monde et plusieurs boxeurs en ont profité pour se positionner avantageusement dans les classements mondiaux.

Du nombre, Artur Beterbiev est probablement celui qui est le plus susceptible de se battre pour un titre en 2017. Le Montréalais d’origine russe a battu Ezequiel Osvaldo Maderna en juin à Montréal et Isidro Ranoni Prieto en décembre à Gatineau pour se hisser dans le top-4 de toutes les associations. Il est présentement classé 3e à la WBA, 4e au WBC, 2e à l’IBF et 3e à la WBO.Artur Beterbiev

David Lemieux a prouvé qu’il est pleinement remis de sa défaite subie devant le champion unifié des moyens Gennady Golovkin en 2015. Il a vaincu Glen Tapia en mai à Las Vegas et Christian Fabian Rios en octobre à Montréal, mais a toutefois moins bien paru lorsqu’il n’a pas été en mesure de respecter la limite avant un combat prévu contre James De La Rosa en mars à Montréal. Son corps aurait mal réagi à la méthode préconisée par son préparateur physique.

Âgé de seulement 21 ans, Steven Butler n’a pas chômé avec 5 victoires, dont 4 avant la limite, qui lui ont permis de devenir champion du monde junior en mars et champion nord-américain en octobre des super-mi-moyens de l’IBF. Étant désormais classé 8e à l’IBF, Butler affrontera le détenteur de la ceinture de la NABA, l’Ontarien Brandon Cook, le 28 janvier au Centre Bell.

Erik Bazinyan est également devenu champion du monde junior des super-moyens de la WBO, en septembre, après avoir enregistré son quatrième gain cette année. L’ex-Olympien Custio Clayton n’a quant à lui pas encore eu la chance de mettre la main sur un premier titre mineur malgré cinq victoires, mais il aura enfin l’occasion de le faire le 24 février prochain à Québec.

Évoluant dans l’ombre depuis ses débuts professionnels en 2010, Francis Lafrenière s’est révélé au grand jour en 2016 en remportant un choc extrêmement palpitant face au vétéran Renan St-Juste en janvier. Devenu champion international des moyens de l’IBF à ce moment-là et après avoir signé deux autres victoires, il ambitionne maintenant d’intégrer les classements mondiaux.

Après deux non-lieux, Batyrzhan Jukembayev a enfin pu commencer officiellement sa carrière et a gagné ses sept combats disputés en l’espace de seulement sept mois de mai à décembre.

La dernière année a finalement été ponctuée par l’entrée en scène de Marie-Ève Dicaire, qui est devenue une tête d’affiche des événements de GYM présentés au Casino de Montréal. Dicaire a remporté ses duels cette année et a permis de braquer les projecteurs sur la boxe féminine.