Samedi soir, la boxe nous donnera ce qu'elle a de plus merveilleux à offrir. Deux hommes qui ont fait leurs preuves par le passé, qui sont au sommet de leur art, deux guerriers donc qui vont se retrouver face à face dans un combat de championnat du monde dans l'une des plus belles et grandes villes de boxe au monde.

Par son sens inné du spectacle lors de la conférence de presse mercredi, Jean Pascal a su faire grimper l'intensité d'un cran. La boxe jouit d'une excellente couverture médiatique au Québec et bien peu de gens dans la province ignorent le duel qui se trame. Les billets se vendent, les gens organisent des rassemblements entre amis ou dans des bars. Bref, samedi soir, tous les yeux seront tournés vers le Centre Bell pour le combat entre l'ancien champion WBC et The Ring Jean Pascal, contre l'actuel détenteur des titres IBF, WBA et WBO des mi-lourds, Sergey Kovalev.

Avantage Kovalev selon Naazim Richardson

Chacun y va de sa prédiction et à mon avis, elles sont toutes valables. Car tous les scénarios sont possibles, à des degrés différents j'en conviens, en faveur de Kovalev.

Jeudi, lors de la conférence de presse de la sous-carte, je me suis tourné vers le vénérable entraîneur Naazim Richardson pour obtenir son opinion. L'homme est énormément respecté dans le milieu de la boxe. Monsieur Richardson est présentement à Montréal et sera dans le coin de Steve Cunningham samedi pour son important combat contre Viacheslav Glazkov pour devenir l'aspirant obligatoire IBF à Wladimir Klitschko. Il est également l'entraîneur de Bernard Hopkins, qui a affronté Pascal à deux occasions, de même que Kovalev l'automne dernier.

Nazeem Richardson est emballé par le duel entre Pascal et Kovalev. « C’est un combat intéressant. Kovalev est un athlète exceptionnel. Il est imposant physiquement et il cogne extrêmement dur. Pascal est un athlète complet. Tu lui donnerais un ballon de soccer ou une balle de baseball et il excellerait. Mais pendant combien de temps ces qualités athlétiques peuvent-elles rivaliser avec les coups que Kovalev portera? Je crois que ce sera un bon spectacle. Pascal est un meilleur « entertainer » qu’athlète. Il veut donner un bon spectacle. Maintenant, il travaille avec Roy Jones fils, qu’il admire. Peut-être que ça l’aidera, mais il doit rester loin des frappes de Kovalev. »

Rappelons que Pascal n'a pas été capable de s'imposer sur Hopkins après 24 rounds de boxe alors que Kovalev a dominé les 12 rounds de son duel contre le futur membre du Temple de la renommée. Monsieur Richardson concède que Pascal a affronté un Hopkins qui était plus jeune que lorsqu’il a affronté Kovalev. Il accorde toutefois l'avantage au boxeur russe.

« Jean Pascal devra être intelligent, car à mon avis, il affrontera le Kovalev que l’on voyait avant qu’il affronte Hopkins. Kovalev avait l’air d’un monstre lors de ses combats avant son duel contre Bernard. Mais soudainement, face à un homme de 50 ans qui est brillant et bien outillé, il n’a pas voulu passer le K.-O.. Je pense que Kovalev voudra passer le K.-O. à Pascal. Et Pascal doit être préparé pour cette situation. Avant le combat Kovalev-Hopkins, à mes yeux, Kovalev était comme Mike Tyson. Quand Tyson a affronté Larry Holmes, il ne s’est pas soucié de son intelligence et son expérience. Il s’est dit " Je fais des K.-O., et je suis honnête envers moi-même et les partisans ". Kovalev avait l’air intimidé face à Hopkins. Tu dois assumer qui tu es, et c’est ce qui crée des guerres sur le ring. Si j’avais la force de frappe de Kovalev, je ne ferais que des K.-O., comme Tyson à ses débuts. Quand tu dis que tu es le Krusher,  tu dois l’assumer sur le ring. »

« Mais Kovalev a changé contre Hopkins, il pourrait aussi changer face à Pascal, qui sait? », poursuit Richardson. « Kovalev a montré beaucoup de respect envers Bernard, plus qu’il ne l’avait jamais fait avant contre ses anciens adversaires. Son entraîneur John David Jackson criait à Kovalev de passer le K.-O. à Hopkins, mais il n’a pas été capable de le faire. Le clan Pascal doit considérer ce facteur et en tirer avantage. »

Déjà 10 ans

Quoi qu'il advienne samedi soir, et sans aucune pensée mesquine envers les autres boxeurs québécois, je tiens à lever mon chapeau à Pascal pour la qualité des combats qu'il offre au public d'ici. Ses combats contre Froch, Diaconu, Dawson, Hopkins et Bute composent une feuille de route de très grande qualité qui n'est probablement égalée que par Arturo Gatti qui s'est frotté aux Mayweather, De La Hoya, et Ward. Et vous pouvez déjà ajouter au c.v. de Pascal un combat éventuel contre Adonis Stevenson, même s'il s'incline contre Kovalev.

Personnage public complexe, tantôt détestable, tantôt admirable, à l'égo très fort (comme la majorité des athlètes d'ailleurs), il n'en reste pas moins que Pascal a beaucoup apporté à la boxe québécoise. Pascal a effectué ses débuts professionnels il y a 10 ans et des poussières. Déjà à son premier combat, son promoteur Yvon Michel avait fait les choses en grand pour lui, et RDS lui accordait une couverture médiatique méritée après sa carrière amateur couronnée par les Jeux olympiques d'Athènes.

On s'entend pour dire que la boxe québécoise vit actuellement son « Âge d'Or ». Mais qu'aurait été boxe ici sans Jean Pascal? Il y aurait eu Alcine, Bute, Diaconu, Lemieux, mais il n'y aurait pas eu « la touche Pascal », « l'entertainer » comme le reconnait Naazim Richardson. Chose certaine, il aurait été pas mal plus difficile de faire parler de boxe dans nos bulletins de nouvelles sportifs, sans les déclarations de Pascal, ou toutes les circonstances improbables au sein desquelles il s'est retrouvé impliqué. Professionnellement parlant, je souhaite une victoire de Pascal. Ce serait bon pour Pascal, Interbox, et l'industrie de la boxe en général. Imaginez un méga combat d'unification contre Adonis Stevenson!

Mais personnellement, j'accorde à Pascal 40 % des chances de l'emporter samedi soir. Sauf que ses qualités athlétiques, sa force de frappe négligée, ses attaques de fauve, sa formidable capacité d'encaisser, sa détermination et son courage illimité, tous ces facteurs peuvent lui permettre de causer une surprise. Mais ce Kovalev représente toute une machine... qui ne demande qu'à être testée pour vrai!