Il est encore tôt pour l’affirmer avec certitude, mais à l’aube du camp d’entraînement des Alouettes, on s’aperçoit vite que l’unité charnière pourrait facilement être la ligne tertiaire lors de la prochaine saison. Sur papier, c’est pour ainsi dire la principale faiblesse que j’identifie et qui me rendrait nerveux si j’étais dans les souliers du personnel d’entraîneurs.

Lorsqu’on évalue les forces en présence, on se rappelle que Jonathan Hefney a pris sa retraite et que Jerald Brown évoluera désormais sous d’autres cieux, alors qu’il s’est entendu avec les Argonauts de Toronto. Billy Parker est encore un membre des Alouettes, mais à 35 ans, jusqu’à quel point pourra-t-il livrer marchandise?

Je ne veux pas lui manquer de respect parce qu’il est un de mes joueurs favoris; un athlète fier, un féroce compétiteur et un joueur d’équipe exceptionnel, mais les années vont possiblement le rattraper à court ou moyen terme. C’est d’autant plus vrai dans la « nouvelle » ère de la Ligue canadienne de football, dans laquelle il n’est même plus permis d’effleurer l’équipement d’un receveur sans qu’un mouchoir ne soit lancé sur le terrain. Dans de telles conditions, il faut être athlétique et avoir la capacité de tourner les hanches et de courir avec les ailiers espacés. Parker, malgré son expérience, est-il en mesure de remplir ce rôle jeu après jeu? Cette question me laisse songeur.

Avec le départ de Hefney, il est permis de se demander qui va jouer à la position de demi de coin du côté court. Les entraîneurs vont possiblement laisser Mitchell Whyte tenter sa chance, mais sera-t-il à la hauteur? Il faut pratiquer un style physique pour jouer de ce côté. Le nouveau venu Javon Johnson, fraîchement arrivé du Rouge et Noir d’Ottawa, est pour sa part habitué de jouer du côté large.

Tout cela pourrait vouloir dire qu’il y a une possibilité que Marc-Olivier Brouillette soit le seul partant de la tertiaire évoluant à la même position que la saison dernière. Pas moins de 80 % de la composition de cette unité pourrait être complètement nouvelle.

Au même titre que la ligne offensive, la tertiaire est une unité dans laquelle l’élément de continuité est primordial. La cohésion doit être au rendez-vous, et on le sait, cela ne se crée pas toujours instantanément en raison du besoin de répétitions. Cela peut même s’avérer laborieux. Sans être alarmiste, j’émets donc un doute quant à la possibilité de ce groupe à créer une chimie tôt dans l’année.

À la blague, on pourrait dire que la ligne défensive a intérêt à être au sommet de son art, car il faudra de la pression soutenue sur le quart adverse afin de compenser pour les lacunes apparentes de la tertiaire, du moins le temps qu’elle apprenne à jouer ensemble.

Chose certaine, les nouveaux membres potentiels de la tertiaire auront l’opportunité de s’exercer contre une opposition de très grande qualité tout au long du camp, avec toutes les munitions dont dispose la brigade de receveurs des Alouettes! C’est toute une brochette d’athlètes et les hauts dirigeants auront des décisions ardues à prendre dans quelques semaines. Entre-temps, les duels au camp permettront à Jim Popp et son entourage de déterminer quels demis défensifs méritent d'amorcer l’année en tant que partants.

Il y a un joueur défensif en particulier que j’ai bien hâte de voir en action. Il s’agit de Vaughn Martin, l’ancien plaqueur de l’Université Western Ontario qui est ensuite passé par la NFL. Je suis intrigué car il a un excellent gabarit. Je serai curieux de voir dans quel genre de forme il se présentera au camp des Alouettes.

Je trouve son ajout intéressant car au nombre de saisons qu’il a disputées dans le football américain, l’aspect monétaire ne doit pas être un problème pour lui. Tout semble indiquer qu’il ne s’est pas joint à la formation montréalaise pour des motivations financières, mais plutôt par amour du football, et ça, c’est important.

S’il devient la présence dominante qu’il est capable d’être aux côtés d’Alan-Michael Cash, on aurait entre les mains un duo de plaqueurs assez redoutable dans le centre de l’unité défensive.

Besoin de résultats immédiats

Je n’apprends rien à personne en affirmant que les Alouettes doivent viser passablement plus haut que le piètre rendement de 6 victoires et 12 défaites obtenu en 2015.

Ce n’est certainement pas un hasard que les efforts déployés durant l’entre-saison étaient surtout dirigés vers une amélioration de l’attaque, qui a fait terriblement défaut l’an dernier.

En se penchant de plus près sur les résultats des matchs, l’un des éléments qui ressort est le fait que des 12 revers encaissés, pas moins de 7 l’ont été par un déficit inférieur à un touché (et 5 par quatre points ou moins). Si l’attaque avait été le moindrement plus efficace, la dynamique aurait été totalement différente et l’édition 2015 des Alouettes aurait pris part aux éliminatoires.

Je sais qu’avec de telles suppositions, on peut aller bien loin, mais c’est simplement pour mettre en évidence que cette saison, on doit remédier aux maux offensifs en marquant plus et en terminant plus de séquences avec des touchés au lieu de se contenter de plusieurs bottés de précision comme ce le fut l’an passé.

On connaît l’effet domino qui se crée : plus d’efficacité offensive enlève un stress énorme sur la défense et conséquemment permet à celle-ci d’être plus reposée.

Une autre facette à améliorer sans plus attendre est le rendement face aux équipes de l’Est. Contre les Argonauts, le Rouge et Noir les Tiger-Cats de Hamilton en 2015, les Alouettes ont montré un dossier très ordinaire de 3-5. Il faut principalement trouver une manière de battre Ottawa, finaliste de la dernière Coupe Grey qui a balayé la série de trois matchs contre les Moineaux la saison dernière.

Manque de répétitions?

La quantité de blessures à des joueurs partants en 2015 a été phénoménale. Évidemment, cet aspect-là est incontrôlable cependant… Cela m’amène à parler du calendrier mis en place pour le camp des Alouettes, un programme que je trouve bien peu chargé. On retrouve seulement six jours durant lesquels il y aura deux séances. Au total, seulement 18 pratiques sont prévues. C’est franchement très peu, et je trouve cela particulier pour une équipe possédant plusieurs nouveaux visages et qui misera sur un nouveau système offensif. Étrangement, le volume de pratique ne sera pas au rendez-vous lors de ce camp. Mon conseil aux jeunes joueurs de l’organisation sera donc de chérir chaque répétition car il n’y en aura pas de trop!

Est-ce parce que Jim Popp a fait le choix de ne pas surtaxer ses joueurs, en se rappelant l’interminable liste des blessés à laquelle il avait été confronté l’année dernière? C’est une explication plausible.

Avec la saison 2015 misérable qu’ils ont connue, les Alouettes sont condamnés au succès immédiat, et ce, dès le coup d’envoi du calendrier. Les gens ont hâte de voir l’équipe, et surtout d’être rassurés. Je suis persuadé qu’aux opérations football, on souhaite gagner et vite. Et pourtant, je pense qu’au département du marketing, on le souhaite encore plus ardemment pour que le public montréalais embarque au lieu d’entretenir le doute que leurs Moineaux ne sont guère meilleurs que l’an dernier.

Dans cette optique, les premières rencontres joueront un rôle drôlement important. C’est pourquoi l’objectif de commencer sur les chapeaux de roue et le calendrier allégé au camp d’entraînement, à mon sens, ne concordent pas nécessairement.

Il demeure néanmoins que les raisons d’entrevoir 2016 avec optimisme ne manquent pas. Et la beauté de la LCF, ne l’oublions pas, c’est qu’à neuf équipes, chaque organisation peut entretenir un réel espoir de se rendre au match de la coupe Grey, année après année!

* Propos recueillis par Maxime Desroches