En sept matchs depuis le début de la saison des Alouettes, un des constats les plus frappants qui revient est qu’il s’agit d’un club qui ne peut pas se permettre d’offrir un effort en demi-teinte ou d’exécuter à moitié le plan de matchs des entraîneurs.

Disons les choses comme elles sont : pour espérer l’emporter, semaine après semaine, les Montréalais doivent être au sommet de leur art dans chacune des facettes du jeu, car le niveau de talent du groupe, généralement, n’est pas assez élevé pour compenser des erreurs mentales, de un manque de concentration dans l'exécution ou de l’indiscipline.

Jeudi, face aux Eskimos d’Edmonton, l’unité défensive des Alouettes et ses unités spéciales ont été à la hauteur, mais l’attaque, elle, n’a pas répondu présente. Un refrain qui se répète.

En particulier, les joueurs vedettes de l’équipe doivent être dans le coup pour que les Als maintiennent de bonnes chances de l’emporter. Les gros canons ont l’obligation de mener par l’exemple. D’entrée de jeu, si Kevin Glenn connaît un match ordinaire, les probabilités d’obtenir du succès viennent d’en prendre pour leur rhume.

Si en plus, Duron Carter ne trouve pas de façon de faire la différence, ça sera doublement plus compliqué.  

Glenn, avec ses 56 % de passes complétées, ses deux interceptions et l’absence de la moindre passe de touché, n’en a pas fait suffisamment. Carter, qui affirme à qui veut bien l’entendre qu’on doit l’impliquer davantage pour qu’il laisse son empreinte plus fréquemment sur le dénouement ses matchs, a été visé 10 fois par son quart-arrière, mais n’a réalisé que trois attrapés pour des gains de 28 verges.

Certaines des passes décochées en sa direction ne pouvaient pas être captées, mais il n’en demeure pas moins qu’on attend du jeune vétéran qu’il effectue les attrapés contestés dans les zones profondes avec régularité, et qu’il a bousillé quelques occasions de le faire. Le manque de finition était encore bien en évidence face aux Eskimos.

Un phénomène qui devient redondant est celui de la « rotation » des erreurs à l’offensive : une gaffe mentale suivie d’une bête échappée suivie d’une pénalité obtenue à un bien mauvais moment. Cette énumération résume en quelques mots les problèmes qui affligent l’attaque alors que l'équipe glisse au classement.

À Edmonton, les Alouettes affrontaient l’une des pires formations défensives de la LCF – statistiquement parlant du moins. On avait affaire à un club qui alloue des points et des verges de gains en grande quantité, et malgré cela, on a été incapable de trouver la zone payante contre une unité habituée de se faire malmener.

La frustration qui en découle est encore plus grande lorsqu’on sait que la défensive, de son côté, a encore rempli sa part du mandat en ne concédant que 16 points (enlevons les sept points ajoutés à la marque par les Eskimos dans la dernière minute du match sur une interception ramenée dans la zone des buts).

L'attaque doit se montrer imprévisible

Dans de telles circonstances, chacun y va de ses remontrances et tente d’identifier les causes de l’absence totale de mordant de l’attaque. Certains souhaitent que le plan de match soit simplifié.

Il existe un principe au football – auquel j’adhère, soit dit en passant – voulant que pour simplifier une attaque, il faut être dominant à chaque position. Si on allie vitesse, talent et capacité à gagner les duels physiques, il est infiniment plus facile d’y aller d’une stratégie offensive simple. L’adversaire a beau savoir pertinemment ce qui lui sera présenté et se préparer adéquatement, il ne pourra y faire grand-chose s’il est confronté à un rival plus costaud, plus fort et plus rapide.

Sauf que ce n’est pas le cas des Alouettes. Cette équipe-là, à mon avis, a besoin de miroirs et de fumée pour déstabiliser les défenses adverses. Les faits sont difficiles à réfuter : avec un quart peu mobile, plus ou moins de rapidité parmi le groupe de receveurs et une ligne offensive jeune qui emmagasine de l’expérience match après match, l’effet de déguisement devient une nécessité. Tous les outils doivent être mis à contribution afin de créer un élément de surprise.

On est loin des années durant lesquelles Marc Trestman choisissait les jeux, Anthony Calvillo les exécutait avec son efficacité légendaire, et la ligne à l’attaque était composée d'un groupe de vétérans chevronnés et redoutés à travers le circuit. L’époque où les Ben Cahoon, Jamel Richardson, S.J. Green et Avon Cobourne dans le champ-arrière faisaient la pluie et le beau temps est révolue…

Il est vrai qu’on parle d’une attaque privée d’éléments importants. Vrai aussi qu’elle est dirigée par un coordonnateur offensif dont l’apprentissage des subtilités du métier est encore à peaufiner (et qui semble avoir été victime d’une transition enclenchée trop rapidement), mais on parle néanmoins d’un groupe qui se cherche. Une statistique qui en dit gros à cet égard : à ses deux derniers matchs, l’attaque a marqué le même nombre de touchés (deux) qu’il en a alloué aux défensives adverses durant la même période.

Glenn, l'agent double

Kevin Glenn a connu d’excellentes saisons dans le football canadien. Il y a toutefois une raison qui explique qu’il ait souvent été confiné au rôle de réserviste ces dernières années. Il constitue une belle police d’assurance, mais en tant que partant, il traîne quelque peu la réputation d’un « agent double », c’est-à-dire un quart qui, pour tout ce qu’il apporte de bien, a développé une fâcheuse tendance à gaffer dans les moments-clés d’un match.

Les deux interceptions dont il a été victime tard au quatrième ont cassé les reins des Alouettes; c’est l’évidence même que de le souligner. C’est d’autant plus inadmissible que la première, forcée en couverture serrée vers Corbin Louks, a été décochée alors que Samuel Giguère était complètement seul en milieu de terrain, sans le moindre couvreur dans les parages dans un rayon de 10 verges. Bref, le schéma offensif avait fonctionné car une cible s’était démarquée, mais le quart sous pression n’a pas eu la vivacité d’esprit pour le reconnaître.

La performance du vétéran Glenn jeudi reflète la prestation globale des Alouettes : un très mauvais début de match – 0 en 3 pour débuter la rencontre, et plusieurs passes très éloignées du receveur visé –, une séquence d’environ 45 minutes où l’aplomb est de retour, et une fin de partie lamentable couronnée par le touché d’assurance d’Edmonton.

À la blague, on dit souvent qu’une nostalgie de l’ère Trestman reste bien impreignée à Montréal. Eh bien, souvenez-vous du fameux slogan implanté par le coach dès sa première campagne à la barre des Moineaux : « 57 + 3 ». Il est extrêmement facile de perdre un match lorsqu’on ne joue pas du football inspiré durant les trois dernières minutes.

Malheureusement, le match ne peut être segmenté ainsi si on espère accumuler des victoires.

Un manque de soutien évident?

Je trouve dommage pour Calvillo que sa progression dans le rôle qu’on lui a confié ne soit pas chapeautée par un entraîneur qui puisse le défier dans ses choix et lui servir de mentor. C’est un luxe dont il ne bénéficie pas.

Regardons un peu à travers la LCF pour mettre le tout en perspective. Quand Marcus Brady appelle des jeux offensifs sur les lignes de côté à Toronto, est-ce possible que Scott Milanovich ne soit jamais bien loin pour le guider et s’assurer que les prises de décision soient optimales? L’an dernier, lorsque Dave Dickenson choisissait ses jeux pour l’attaque des Stampeders, John Hufnagel, un coordonnateur offensif de longue date et un spécialiste de l’attaque, n’était jamais bien loin, j’en suis persuadé, pour le soutenir ou pour émettre un doute dans le cas échéant.

C’est probablement la même réalité pour Mark Washington chez les Lions de la Colombie-Britannique. Lorsque celui-ci donne ses directives aux éléments défensifs de l’équipe, Wally Buono doit souvent rôder, en maître de la défensive, prêt à émettre une opinion ou à corriger le tir si le besoin s’en fait sentir.

Les Alouettes ont un directeur général dans la chaise de l'entraîneur-chef. Et qu’on le veuille ou non, un DG n’est pas un spécialiste des stratégies offensives et défensives. Règle générale, celui-ci excelle plutôt à identifier les joueurs de talent et à les recruter au sein de son effectif.

Devant un problème, la solution qui lui sera la plus naturelle ne sera pas de modifier le livre de jeux ou de mieux le faire appliquer, mais plutôt de changer les joueurs. Ça amène une dynamique particulière en ce sens qu’il y aura toujours des carences stratégiques qui se manifesteront, en plus, comme je l’ai mentionné, un certain manque d’appui pour les membres du personnel d’entraîneurs.

La jeune tertiaire m'a impressionné

Pendant ce temps, la défense offrait encore du football solide. Les rivaux ont eu beau atteindre cinq fois la zone payante (à l’intérieur de la ligne 20), ils n’ont inscrit le touché qu’une seule fois. On a provoqué deux échappées et forcé deux bottés de précision pour limiter les dégâts.

N’eut été de la capacité de l’unité défensive à serrer la vis dans les moments cruciaux, les Eskmios auraient pu prendre le large et filer vers une victoire beaucoup plus écrasante.

On dira que Mike Reilly a réussi à cumuler 300 verges de gains aériens. Je vous répondrai que c’est la norme pour lui (et même plus près du plateau des 400 verges) durant cette première moitié de calendrier.

Tenant compte de la jeune tertiaire sur laquelle ils misaient, j’ai trouvé que les Alouettes avaient bien colmaté les brèches, malgré quelques longs jeux de passes accordés à l’attaque des Eskimos, notamment celui à l’endroit de Derel Walker au quatrième quart, une courte passe de cinq verges qui s’est transformée en gain de 31 verges mettant la table pour un botté de placement réussi (et une avance de 16-12).

Mais globalement, les couvertures étaient serrées et il n’y avait absolument rien de gênant pour les demis défensifs des Alouettes, au contraire. J’ai même été agréablement surpris de leur tenue contre un groupe de receveurs chevronné, encore plus lorsqu’on ajoute à l’équation la perte de Jovon Johnson pour l’ensemble de la première demie. J’espère sincèrement que c’est l’une des facettes sur lesquelles les entraîneurs des Alouettes voudront bâtir pour la suite des choses.

Bref, je me demande si nous sommes rendus au point où la défense montréalaise devra aussi sauver la mise en marquant elle-même des touchés. Il s’agit là d’un des seuls « reproches », si on peut le dire ainsi, qu’on puisse adresser à l’unité de Noel Thorpe. Son groupe constitue l’un des deux seuls (avec celui du Rouge et Noir) à ne compter aucune interception ramenée pour un touché cette saison.

Quant aux unités spéciales, je n’ai que des félicitations à émettre.

Stefan Logan a été excellent, comme en témoignent sa moyenne de 15,3 verges sur les retours de bottés de dégagement (6 pour 92) et sa moyenne de 25,6 verges sur les retours de bottés d’envoi (dont un de 36 verges). Ses coéquipiers ont bien bloqué pour lui, et surtout, ce fut la seule unité de l’équipe qui n’a pas été pénalisée de toute la rencontre. C’est parfait car cela ouvre la voie à ce que Logan fasse la différence comme il en est capable.

Il faut absolument parler d’Anthony Fera, qui a été formidable à ses débuts dans l’uniforme montréalais. Chapeau au groupe d’entraîneurs des Alouettes, qui semble avoir fait un choix éclairé après avoir invité six botteurs différents pour un essai au courant de la semaine.

Il s’agit d’un seul match, mais le test s’est avéré concluant pour la recrue des Als. Quatre bottés de précision réussis en cinq tentatives, et celui qu’il a raté a été d’une distance de 53 verges alors que la remise avait été quelque peu ratée. Sur ce jeu, ce que j’ai remarqué plus que toute chose a été son empressement à réaliser lui-même le plaqué sur le retourneur des Eskimos.

C’est le genre de jeu qui ne restera pas inaperçu auprès de ses coéquipiers.

La puissance de sa jambe n’est évidemment pas celle de Boris Bede, et on l’a remarqué plus d’une fois sur les bottés d’envoi lorsqu’Edmonton reprenait le ballon à sa propre ligne de 40. C’est néanmoins Fera qui a inscrit tous les points des Alouettes, donc il mérite qu’on souligne sa contribution.

Le fameux meeting

Non sans raison, les propos qu’aurait tenus Jim Popp à l’endroit de ses joueurs lors d’une rencontre d’équipe ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours.

Je ne veux pas revenir là-dessus plus qu’il ne le faut – d’autant plus qu’il ne s’agit que de spéculations jusqu’à indication contraire – mais je vous inviterais tout de même à lire la chronique de mon collègue Bruno Heppell, qui a cerné à merveille la situation et ses implications pour tous les parties impliqués.   

Je dirai cependant que dans l’éventualité où ce qu’on rapporte a réellement été dit (je n’ai pas la prétention de savoir si c’est bel et bien vrai), de telles paroles n’ont pas leur place.

Sauf qu’au-delà de tout ça, ce qui est pire à mon avis, est que ce soit sorti au grand jour à peine quelques heures plus tard. Au lieu de rester à l’interne, les tensions ont rapidement été étalées au grand jour. Et ça, c’est inquiétant.

Cela me laisse songeur sur les répercussions que de telles dissensions peuvent avoir sur l’image des Alouettes ailleurs dans la LCF. Il va sans dire que ce n’est clairement pas le meilleur outil de recrutement. N’oubliez pas que les joueurs ont des amis partout à travers le circuit. Ils se parlent entre eux, notamment de la dynamique de leur équipe respective et des façons de faire de leurs entraîneurs. C’est un terrain glissant dans lequel le coach semble s’être embarqué, même si tout ça reste hypothétique tant qu’on n’en aura pas la confirmation…

* propos recueillis par Maxime Desroches