C’est certain qu’un seul match ne fait pas une saison. Mais tout de même, force est d’admettre que j’ai été impressionné par la prestation des Alouettes de Montréal lors de leur premier match de la campagne 2021 devant les Elks d’Edmonton.

 

C’était un peu l’inconnu avec un premier match depuis 2019 et l’équipe avait bénéficié d’une semaine de repos supplémentaire pour commencer la saison. L’élément surprise fonctionnait dans le camp des Alouettes, alors qu’Edmonton n’avait aucun vidéo de ses rivaux pour sa préparation.

 

Malgré tout, les Alouettes ont su exécuter les jeux de manière efficace, faire preuve de robustesse et la condition physique, dont parlait mon collègue Matthieu Proulx dans une chronique précédente, n’a pas paru embêter les hommes de Khari Jones. Il faut donc donner du crédit aux entraîneurs qui ont fait du bon travail lors du camp d’entraînement. Déjà, je lève mon chapeau au groupe d’entraîneurs.

 

Lorsque vient le temps d’analyser ce gain de 30 à 13, comme je l’ai dit plus haut, ce n’est qu’un match, mais je n’ai pas le choix de relever que c’était une domination dans les trois facettes du jeu : attaque, défense et unités spéciales.

 

Habituellement, si une équipe domine deux facettes, c’est suffisant pour la victoire, mais lorsque c’est un balayage de la sorte, on assiste au résultat que nous avons vu, soit une volée.

 

L'attaque retrouve ses repères avec des jeux explosifs

 

Si je commence sur le plan offensif, je pense qu’il a fallu un demi-quart pour enlever la rouille avant que cette unité ne prenne son envol. Parmi les éléments qui sautent aux yeux : aucun revirement et un seul sac du quart alloué, et de nombreux jeux explosifs.

 

Vernon Adams fils a bien protégé le ballon pour éviter les revirements. Souvent, on regarde cet élément et si la ligne à l’attaque a été capable d’empêcher que son quart soit malmené. On peut dire mission accomplie de ce côté. Une bonne manière d’éviter des plaqués sur ton quart, c’est en se tournant vers le jeu au sol. Ce dernier a été efficace et l’entraîneur a bien respecté un équilibre avec 29 courses contre 21 passes tentées par Adams fils. Celui-ci a également bien distribué le ballon entre ses coéquipiers avec sept joueurs visés et six d’entre eux ont saisi le ballon.

 

Devant de tels résultats, les Alouettes s’assurent ainsi que tout le monde se sente impliqué et l’adversaire est obligé de surveiller chaque brindille de gazon sur le terrain, car elle ne sait pas où l’attaque va frapper.

 

L’attaque des Alouettes a également su réaliser de gros jeux offensifs ce qui est, je crois, une nécessité pour connaître du succès dans la Ligue canadienne. Dans du football à trois essais, ce n’est pas vrai qu’il va y avoir des séquences de 18 jeux pour traverser le terrain et inscrire un majeur. Chaque équipe ne dispose que de deux jeux pour obtenir 10 verges, donc elle a besoin de gagner d’importants morceaux de terrain sur certains jeux.

 

Les Alouettes ont d’ailleurs été transportés par ces jeux explosifs alors qu’ils ont concrétisé le tout en points au tableau. Il y a eu l’attrapé spectaculaire de Jake Wieneke sur 42 verges pour son touché. BJ Cunningham a réalisé un bel attrapé aussi pour 53 verges et les Alouettes ont ajouté éventuellement trois points. Il y a eu aussi un retour de botté de 86 verges de Mario Alford pour le majeur. Le retourneur a connu un fort match et j’y reviendrai un peu plus tard, mais il a su aussi ramené un botté d’envoi sur 40 verges pour permettre à David Côté d’ajouter encore une fois trois points à la marque. William Stanback a enregistré une course de 20 verges et quelques instants plus tard, les Montréalais ont inscrit un touché. Au final, 27 de leurs 30 points découlent directement de séquences dans lesquelles il y a eu un gros jeu.

 

J’ai trouvé que Vernon Adams a connu un excellent match alors qu’il paraissait en contrôle de la situation. J’ai aussi apprécié qu’il ne soit pas trop téméraire lorsqu’il décidait de courir avec le ballon. J’entends par là qu’il n’encaissait pas de plaqués inutiles. Sans être méchant envers les réservistes des Alouettes, je dirais que l’équipe est de loin en meilleure posture avec l’attaque entre les mains d’Adams fils.

 

Il a su échapper à la pression avec ses jambes et il a obtenu 29 verges en sept courses. Je sais que Khari Jones lui a dit qu’il ne devait pas être « Cowboy » lorsqu’il quittait sa pochette et il n’y a seulement qu’en fin de match que j’ai trouvé qu’il a poussé la note, mais c’était pour aller obtenir un premier jeu. Il a terminé la rencontre avec 211 verges amassées par la voie des airs et 13 passes complétées en 21 tentatives. J’ai tout de même identifié un minimum de trois passes échappées par ses coéquipiers, deux par William Stanback sur des passes-pièges et une à Eugene Lewis dans la zone des buts.

 

Si on ajoute ces trois passes au compteur du quart, on a devant nous un ratio excellent avec trois passes de touché et je ne serais pas étonné qu’il franchisse le cap des 300 verges. Ça se joue parfois à peu de choses la différence entre une bonne prestation et une superbe sortie.

 

Outre ses deux passes échappées, Stanback a offert un bon rendement au sol avec 112 verges en 18 courses. Fidèle à lui-même, il a su briser des plaqués pour aller chercher des verges supplémentaires. On dirait parfois qu’il est son propre bloqueur comme il parvient à empêcher ses rivaux de le rabattre au sol. Ce n’est pas pour rien qu’il a accumulé une moyenne supérieure à 6,2 verges par course.

 

Il a su amasser des verges en fin de match, même si c’était dans une situation évidente de jeu au sol. C’est du bonbon pour le demi offensif, mais aussi la ligne à l’attaque lorsque même si l’adversaire sait que tu vas courir, tu parviens à obtenir des premiers essais. La ligne à l’attaque récolte donc une bonne note alors qu’elle soulevait des doutes avant la campagne.

 

Ce n’était pas en lien avec le talent sur cette unité, mais c’est celle en attaque qui a vécu le plus de changements en vue de la nouvelle saison. Les partants ont toutefois été identifiés rapidement au camp d’entraînement et ils ont été en mesure de créer une cohésion entre eux. Ils se sont préparés pour les Elks en affrontant chaque jour à l’entraînement leurs coéquipiers sur la ligne défensive. Pour voir les ennuis qu’a connus Trevor Harris, on peut croire que la ligne défensive des Alouettes était la préparation parfaite pour la ligne à l’attaque.

 

La défense répond au défi

 

D’ailleurs, sur le plan défensif, j’avais bien hâte de voir en action l’unité du coordonnateur défensif Barron Miles en action. Après un départ plus difficile seulement sur la première séquence à l’attaque des Elks, la défense a imposé sa volonté dans cette rencontre.

 

Almondo Sewell avait dit avant le match que si tu frappais Harris tôt dans le match, le quart n’a pas le même cran par la suite dans sa pochette et il est passé de la parole aux actes. La ligne défensive a donné le ton alors qu’elle a enregistré trois des quatre sacs de l’équipe dans cette rencontre. Ce n’est qu’un match, mais pour mettre en perspective, l’équipe avait obtenu un total de 27 sacs en 18 parties. On s’entend que ça demeure encourageant pour la suite.

 

Le directeur général Danny Maciocia avait indiqué depuis qu’il est entré en poste qu’il devait améliorer la ligne défensive. Après un match, il faut lui donner raison, car cette unité a de loin connu une progression depuis 2019. C’est évident que l’effet surprise a joué en la faveur des Alouettes pour les types de pression. Parfois, les schémas du coordonnateur défensif ont offert des sacs du quart. Miles a aussi vu des joueurs gagner des un contre un afin d’obtenir un sac du quart. La pression n’est donc pas obligée de provenir sans arrêt d’un blitz à plusieurs joueurs, car parfois les quatre joueurs sur la ligne parvenaient à déranger Harris. C’est prometteur et de bon augure pour un entraîneur.

 

La défense aurait pu réaliser encore plus de gros jeux dans ce match, alors que Ty Cranston a échappé une interception même si le ballon était directement dans sa poitrine. Tyquwan Glass a vu un touché sur un retour d’interception être refusé après une rudesse sur le quart de Sewell. Ce dernier a critiqué la décision de l’officiel, mais j’étais d’accord avec celle-ci comme le plaqué était tardif. La défense a tout de même su arrêter les Elks sur des troisièmes essais pour redonner le ballon à son attaque. On ajoute possiblement deux revirements et le portrait est encore plus positif pour cette unité.

 

Il y a tout de même place à amélioration alors que James Wilder a connu du succès au sol en première demie. J’ai le goût de dire que le pointage a permis aux Alouettes d’arrêter l’attaque terrestre d’Edmonton en deuxième demie, car les Elks étaient forcés de lancer pour réduire l’écart au tableau.

 

Je ne veux pas trop chercher des critiques pour cette unité qui dans l’ensemble a offert une bonne prestation. On pourrait regarder sur le plan de la discipline avec 10 pénalités pour 121 verges. C’est beaucoup. Je vais toutefois être prêt à accepter des pénalités chez les Alouettes cette année, s’ils gardent ce niveau d’intensité sur les plaqués. Je regarde à l’inverse Edmonton qui n’a eu que deux pénalités pour 20 verges, mais dans le cas présent, oui ils ont été disciplinés, mais j’ai l’impression que c’est une preuve aussi qu’ils ont rapidement décroché compte tenu de l’allure de la rencontre. Les Alouettes ne pourront toutefois pas en faire une mauvaise tendance et toujours écoper de 120 verges pour les pénalités.

 

Le jeu d’échecs commence pour Miles, alors que les autres équipes ont maintenant certaines de ses stratégies sur vidéo pour se préparer.

 

Des unités spéciales foudroyants

 

Si les Alouettes ont dominé à l’attaque et la défense, je crois que la plus grande domination est provenue des unités spéciales. J’ai toujours cru que si tu voulais connaître le pouls d’une équipe, il fallait regarder du côté des unités spéciales.

 

Celles des Alouettes ont fait preuve de robustesse, « Super » Mario Alford a été sensationnel avec plus de 200 verges en retour. Je félicite aussi ses coéquipiers qui ont bloqué pour permettre d’autres excellents retours. C’est certain que c’est motivant de bloquer lorsque tu sais que ton coéquipier a la chance d’atteindre la zone des buts dès qu’il touche au ballon. Alford est sur une séquence incroyable avec trois touchés sur des retours de botté de dégagement en quatre matchs si je remonte à 2019.

 

Les botteurs des Alouettes ont aussi connu un bon match. Ça demeure un placement raté à sa fiche, mais entre vous et moi, on s’entend que la tentative ratée de David Côté n’était pas de son ressort, alors que c’était la conséquence d’une mauvaise remise. Il a tout de même réussi trois placements dans le match.

 

Joseph Zema a refoulé les Elks dans leur territoire sans arrêt. Sur ses cinq bottés de dégagement, il présente une moyenne tout près de 48 verges, mais ce qui attire mon attention par la suite, c’est une moyenne nette de 45,4 verges par botté. Ça veut donc dire que l’adversaire ne ramenait le ballon que sur 2,6 verges environ par retour. Je vous rappelle qu’il y a un cinq verges d’immunité nécessaire dans la LCF. C’est donc dire qu’il plaçait ses bottés parfaitement le long des lignes de côté, parfois à l’intérieur du 10 verges, et il a été en mesure de produire de l’effet rétro pour que le ballon ne pénètre pas dans la zone des buts. Il a tout un arsenal de bottés à sa disposition et nous en avons vu un bel échantillon samedi.

 

Je lance maintenant un appel à tous pour clore ce segment sur les unités spéciales, car il va falloir trouver un surnom pour l’unité de couverture de bottés. Sur les sept plaqués enregistrés, six provenaient de Québécois, alors que Jeshrun Antwi a réalisé l’autre plaqué. C’est un élément de fierté pour les Alouettes sur les unités spéciales et je sais que les Québécois sont souvent sollicités dans cette facette. Je lance le « brainstorming » avec « Les Invasions Barbares » comme c’est un film québécois, mais je prends vos suggestions.

 

Déjà un piège à Calgary

 

Khari Jones peut donc se réjouir de la victoire et c’est certain que de son côté, il peut maintenant apporter les corrections dans la bonne humeur. Un entraîneur peut réellement diriger j’ai l’impression dans la victoire, se concentrer sur les points à corriger sans souci, car dans la défaite, il doit aussi jouer un rôle de motivateur afin de garder le moral des troupes.

 

Jones peut cette semaine regarder du côté de l’opportunisme alors que les Alouettes ont inscrit un touché en trois présences dans la zone des buts. L’équipe a aussi échappé trois fois le ballon, une sur une mauvaise remise, mais chaque fois les Alouettes ont été en mesure de le récupérer. Il faudra tout de même faire attention. La défense a alloué quelques gros jeux, mais à la différence de l’attaque des Alouettes, celle des Elks n’était pas capable d’enchaîner alors qu’elle n’a inscrit que 10 points après cinq séquences avec des jeux explosifs.

 

Cette fois, on ne doit pas attendre trop longtemps pour le prochain match avec les Stampeders de Calgary au calendrier vendredi. Même si les Stamps ont perdu leurs deux premiers matchs, que Bo Levi Mitchell risque de ne pas être en poste, les Alouettes doivent rester concentrés sur leur plan de match.

 

Ils devront éviter le piège de voir un deuxième quart dans la formation et croire que ce sera un pique-nique. Ils devront imposer leur rythme, travailler comme ils l’ont fait lors du premier match et imposer leur style de jeu pour connaître encore une fois du succès.

 

Propos recuillis par Maxime Tousignant