Après avoir analysé le travail de l’unité offensive des Alouettes contre les Lions dans ma précédente chronique, on peut maintenant se tourner vers celui des unités spéciales et de la défense. Force est d’avouer que les ennuis de Boris Bede depuis le début de la saison se sont non seulement poursuivi contre les Lions, mais ils ne se limitent plus à ses bottés de précision.

Bede est clairement affecté présentement avec seulement sept tentatives de placement réussies sur une possibilité de 16. Ses problèmes sur ses bottés de précision ont aussi contaminé les autres facettes de son jeu. Il a raté des bottés de dégagement et il a échappé des remises. On peut voir et ressentir sa frustration sur le terrain. Je pense qu’il a atteint le fond du baril. On peut tenter de se consoler et de s’encourager en se disant que c’est normalement quand on atteint le fond, qu’on rebondit.

Les Alouettes pouvaient vivre avec une seule facette qui ne fonctionnait pas, mais si on y ajoute ses difficultés sur les bottés de dégagement, ce n’est plus possible.

Imaginez-vous si on avait fait un sondage chez les joueurs des Alouettes sur les lignes de côté lorsque Bede a raté son premier botté du match. Je serais curieux de voir combien de joueurs se sont dit à l’intérieur d’eux-mêmes  :« Oh non, pas encore ». Une équipe avec deux victoires contre quatre défaites, qui n’a pas le rebond favorable et qui manque de discipline a besoin de ces points. Si l’attaque parvient à aller chercher un peu de momentum, mais que le botteur n’est pas capable d’aller te chercher des points au tableau, ça ajoute de la pression sur toutes les unités.

C’est le risque à courir lorsqu'une équipe n'a qu'un botteur pour remplir toutes les tâches. S’il connaît des ratés sur une facette, celle-ci risque d’affecter toutes les autres. Quand une équipe a deux botteurs, elle peut limiter les dégâts.

Il va falloir trouver des solutions du côté de Jim Popp. Est-ce qu’on met Bede sur les lignes de côté le temps qu’il retrouve sa confiance et qu’il prenne un pas de recul ? Est-ce qu’on partage les tâches avec un autre botteur ? Ce qu’il y a de particulier avec cette situation chez les Alouettes, c’est que Bede a une place de joueur international. Popp devra donc se mettre à la recherche d’un botteur canadien pour effectuer les bottés de précision.

De mémoire, je ne me souviens pas d’avoir vu une équipe utiliser deux botteurs internationaux parce que ça voudrait dire qu’elle se prive d’un joueur américain à une autre position. Ce sera à Popp et à ses adjoints de figurer qu’elle sera la meilleure option.

En même temps, ce n’est pas la première fois qu’on en parle. La position de botteur est névralgique au football, surtout dans la LCF avec un football à trois essais où tu risques d’avoir plus de bottés. Il y a cinq équipes sur neuf avec un seul botteur ce qui vient avec une charge de travail importante.

Malgré l’importance de cette position, c’est rare que l’on voie une équipe avec un entraîneur pour son botteur. Les Lions ont l’ancien botteur des Alouettes Don Sweet comme consultant. On est rendu là à mon avis dans le cas de Bede. Il faut trouver quelqu’un, un consultant ou un psychologue sportif, pour lui apporter de l’aide. Il faut lui en trouver, parce que son talent est indéniable. Il nous l’a montré l’an passé avec des performances et des statistiques impressionnantes.

Patience avec Bede

Il faut faire attention avec les botteurs parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver au fil de leur carrière. On n’a qu’à regarder le parcours du botteur des Argonauts de Toronto, Lirim Hajrullahu. Avec les Blue Bombers de Winnipeg en 2014, il connaît une première saison exceptionnelle, alors qu’il est même finaliste pour le joueur par excellence sur les unités spéciales. Cependant, à sa deuxième année, il connaît des ennuis, tout comme Bede. Hajrullahu  s’est fait sortir de Winnipeg avec des plumes et du goudron et maintenant, à Toronto, il fait du très bon travail.

Pour ceux qui suivent la LCF depuis un moment, Paul McCallum est également un bon exemple. Il s’est fait sortir de la Saskatchewan après avoir raté quelques bottés. Il s’est joint aux Lions en 2006 où il a relancé sa carrière pour 10 autres saisons, alors qu’il a annoncé sa retraite au printemps dernier. Il a été l’un des plus grands botteurs de la Ligue canadienne.

Parfois botteur, ça veut dire patience. Il ne faut pas les abandonner trop tôt parce qu’ils peuvent aller ailleurs et connaître une grande carrière. C’est clair qu’il faut régler la situation avec Bede.

La défense doit encore tenir

Le travail de Bede a très certainement mis de la pression sur la défense des Alouettes lors du dernier match. Les 13 séquences offensives de Lions ont commencé en moyenne, à leur propre ligne de 50. Ils étaient seulement à cinq verges du milieu du terrain. C’est assez spectaculaire comme positionnement sur le terrain pour une unité offensive

On a souvent dit que la défense a tenu le fort et, en raison de ce positionnement désavantageux, elle a encore dû le faire. Elle a plié et n’a pas trop cassé. Elle a forcé sept tentatives de botté de précision même si les Lions n’avaient qu’un peu plus d’un demi-terrain à franchir.

La défense n’a par contre pas été parfaite. Sur le premier jeu du match, Jonathon Jennings a complété une passe de 49 verges à Bryan Burnham. Même s’il était bien surveillé avec une couverture homme à homme serrée, Burnham a gagné sa bataille et a réussi l’attrapé contesté. Défensivement c’est un aspect que j’ai noté. Sur une couverture homme à homme, bien serrée, on n’était pas capable de provoquer une interception ou de rabattre le ballon. Les demis défensifs perdaient leur duel. Les receveurs ont eu le dessus sur tous les attrapés contestés, alors il faut les féliciter parce que ce n’est pas facile.

La défense des Alouettes n’a pas connu non plus le début de rencontre que j’aurais souhaité. Je voulais voir un début de match solide pour empêcher Jennings de trouver son rythme. Il fallait créer un doute dans son esprit.

Lors de son dernier match contre les Stampeders, Jennings avait lancé deux interceptions lors des quatre dernières séquences de la rencontre. Au final, les Stampeders sont revenus de l’arrière pour vaincre les Lions en prolongation. Avec cette fin de rencontre, la défense montréalaise devait créer un doute en compliquant son travail en début de match, mais elle n’a pas été en mesure de le faire.

Je dois donner crédit au jeune quart parce que chaque fois qu’il a connu des moments difficiles cette année, il a su rebondir et de belle façon. Il est mobile en plus de posséder un bras incroyable. Il a effectué des passes que j’avais rarement vu, surtout le long des lignes de côté devant des défenses de zone. Souvent les demis défensifs ne protègent même pas ses zones parce que tu es sûr que le quart ne va pas lancer dans cette partie du terrain, mais Jennings l’a fait. C’est un beau talent et j’ai été impressionné. Il dégaine rapidement et devant une défensive de zone, les joueurs défensifs regardent le quart pour savoir où et quand il va lancer. Sauf que Jennings a dégainé tellement rapidement que les demis défensifs sont arrivés en retard au point de réception. Il a aussi montré sa précision avec des passes où l’espace était parfois restreint. C’était des passes de 25 verges et les joueurs défensifs n’ont même pas eu le temps de réagir. Il faut lui donner crédit, il a été très impressionnant.

Jennings a aussi bénéficié d’une bonne protection. J’ai trouvé que les Lions étaient bien préparés pour les blitz des Alouettes. La ligne à l’attaque savait d’où la pression provenait et à quel endroit sur le terrain ces stratégies étaient utilisées.

L'attaque ne pouvait reprendre le ballon

Sans cette pression, la défense montréalaise n’a pas été capable de quitter le terrain pour redonner le ballon à son attaque. Pour ce faire, la défense aurait pu créer plusieurs revirements. Elle n’en a provoqué qu’un seul et c’est dommage parce qu’elle en avait créé six lors des deux sorties précédentes. C’était le genre de match où il en aurait fallu plus.

Si on regarde quelques séquences offensives des Lions, on voit rapidement qu'ils ont contrôlé le rythme du match. Il y a eu une séquence de sept jeux pour 75 verges, qui s’est conclu avec un touché. Lors d’une autre possession, l’attaque des Lions a atteint la zone des buts après 11 jeux et 67 verges. Une autre séquence de sept jeux pour 68 verges a mené à un placement. Finalement, Jennings a aligné 14 jeux consécutifs pour 79 verges pour terminer avec un autre placement. Ces quatre séquences, à elles seules, ont brûlé 19 minutes et 27 secondes sur les 35 minutes et 23 secondes que les Lions ont eues comme temps de possession à l’attaque.

Ce sont de longues séquences où la défense, non seulement ne quittait pas le terrain, mais ne donnait du même coup pas le ballon à l’attaque. Tu deviens brûlé défensivement et l’attaque des Alouettes avait soudainement une pression supplémentaire sur les épaules. Elle a un sentiment d’urgence de devoir marquer des points et rapidement. Cette pression s’est transmise jeudi entre les trois unités chez les Alouettes, ce qui a mené à leur quatrième revers cette saison.

Propos recueillis par Maxime Tousignant