Peyton Manning contre la défense des Panthers, ce n’est pas aussi vendeur que Cam Newton contre l’unité défensive des Broncos, mais cette confrontation n’est pas moins importante.

Shérif Manning n’impose peut-être plus seul sa loi sur le terrain, mais reste qu’il est encore capable d’avoir le dernier mot. Même au Super Bowl contre les flamboyants Panthers de la Caroline, me demanderez-vous?

Je garde ma prédiction pour la fin de cet énoncé.

Une chose est certaine, dans sa nouvelle réalité, Manning ne peut plus tout faire seul. Tellement qu’un un peu plus tôt cette semaine, il n’hésitait pas à considérer les botteurs Brandon McManus et Britton Colquitt comme deux membres importants de son attaque.

Manning en est rendu là, il comprend qu’un botté de dégagement s’avère parfois le bon jeu. Ce qui importe avant tout pour son attaque, c’est de ne pas forcer les choses et surtout ne pas commettre d’erreur.

La bataille des revirements, voilà justement la clé de la victoire pour les Broncos. À l’origine de plus de la moitié des 31 revirements de Denver cette saison avec ses 17 interceptions, Manning s’est toutefois ressaisi en éliminatoires avec aucune en deux rencontres.

Reste que même dans des conditions gagnantes, Manning n’est pas à l’abri de pareille erreur dans un rendez-vous aussi relevé qu’un Super Bowl. On se rappellera notamment de ses deux interceptions ramenées dans la zone des buts par Tracy Porter des Saints en 2010 et par Malcolm Smith des Seahawks en 2014.

Dimanche, c’est surtout du secondeur des Panthers Luke Kuechly que Manning devra se méfier, car son attaque ne peut se permettre de se tirer dans le pied.

D’abord parce que les Broncos n’ont pas une attaque capable de compenser pour une possession gaspillée. Se contentant régulièrement de placements, comme le prouvent les sept bottés de précision de McManus en autant de tentatives en éliminatoires, les Broncos ont besoin de chacune de leur possession.

Il fut un temps où une interception n’était pas la fin du monde pour Manning, surtout lors de son séjour avec les Colts d’Indianapolis. Le vétéran quart avait en effet les capacités et les outils pour traverser le terrain en à peine deux jeux dès la séquence suivante pour se racheter. Mais cela appartient au passé.

C’est sans compter qu’offrir une possession supplémentaire à Newton, un quart fringant et en pleine confiance s’avère plus que risqué. Les dommages pourraient vite devenir irréparables.

Le problème c’est que ce que fait de mieux la défense des Panthers est justement de subtiliser le ballon à ses rivaux. C’est ce qu’ils ont fait à 39 reprises durant le calendrier régulier et en neuf occasions en deux matchs éliminatoires. Trente-neuf possessions supplémentaires, c’est l’équivalent de trois matchs pour une attaque...

On ne s’en sort pas, les revirements jouent toujours un rôle déterminant dans tout match de football, mais à la lumière des précédents chiffres, cela risque d’être encore plus le cas dimanche.

Le jeu au sol d'abord

Ne misant pas sur le Peyton Manning qui a si longtemps fait la loi à Indy, les Broncos n’ont d’autres choix que de privilégier une attaque plus équilibrée avec un penchant évident pour le jeu au sol.

C’est ce que tâcheront sans doute de freiner les Panthers dans un premier temps. Manning se devra donc de compléter plusieurs passes tôt dans la rencontre afin d’insuffler un peu d’oxygène à son attaque terrestre et commander un peu plus de respect de la part de la défense de la Caroline. C’est d'ailleurs ce que le pivot de 39 ans a fait en finale de l’Association Américaine face aux Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

Reste à voir si les Panthers lui permettront de prendre son rythme en complétant quelques passes, aussi courtes soient-elles.

Or, ne vous trompez pas, le jeu au sol demeure l’élément sur lequel reposent les succès de l’attaque de Denver, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce que l’unité défensive des Panthers collectionne les revirements et est dotée d’une ligne défensive capable d’appliquer beaucoup de pression. La course a aussi le potentiel d’offrir des distances plus modestes et faciles à franchir en situation de troisième essai.

Il est aussi à noter qu’une bonne partie des jeux aériens des Broncos sont déguisés en course. Finalement, courir à répétition ramollit et fatigue davantage les chasseurs de quart.

ContentId(3.1171476):Les propos de Peyton Manning sur la défense des Panthers
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Lors des deux plus récentes victoires des Broncos, Manning a tenté 38 et 35 passes contre les Steelers et les Patriots. Historiquement, quand Manning tente plus de 40 passes dans un match éliminatoire, il affiche un dossier de 3-9.

Outre Tom Brady peut-être, la majorité des quarts de la NFL affichent sans doute un rendement semblable à celui de Manning en pareilles circonstances, car qui dit autant de passes dit football de rattrapage.

C.J. Anderson aura donc assurément son mot à dire si les Broncos espèrent triompher à ce 50e Super Bowl.

Les Broncos ont jusqu’à maintenant travaillé avec un duo dans le champ arrière, mais je serais surpris si Anderson n’obtenait pas le plus gros de la charge de travail cette fois. Face aux Steelers et aux Pats, Anderson a amassé 72 verges de gains dans chacun de ses deux duels en 15 et 16 portées. Son comparse Ronnie Hillman montre des chiffres plus modestes avec des avancées de 16 et 38 verges en 16 et 11 courses. Plus trapu à 5 pi 8 po et 225 livres, Anderson est plus physique et davantage en mesure de briser des plaqués. Athlétique, Hillman pourrait quant à lui être appelé à contribuer comme dépanneur et lors des passes pièges.

Les succès de ces derniers reposent bien évidemment sur la fiabilité de la ligne défensive, qui sera mise à rude épreuve, surtout en plein centre. Confrontés à Jared Allen et Charles Johnson aux extrémités de la ligne, les bloqueurs des Broncos auront tout un défi devant eux, mais c’est à l’intérieur que le front défensif des Panthers est le plus dominant.

En deux matchs éliminatoires, les plaqueurs Kawann Short, Star Lotulelei et Dwan Edwards ont réussi quatre sacs et se promettent sans aucun doute d’en réussir d’autres aux dépens de Manning, un quart de type plus « statue ». Ce duel aura donc une incidence certaine sur la capacité des Broncos à faire avancer le ballon.

Tout comme la présence – ou pas – du receveur Demaryius Thomas, d'ailleurs. L’homme invisible en matchs éliminatoires saura-t-il se démarquer cette fois? Manning l’espère j'en suis sûr.

Je comprends que l’adversaire suive à la trace le meilleur receveur des Broncos, mais disons que c’est souvent Thomas qui se retire lui-même de l’équation en échappant des ballons. Ce dernier aime habituellement être déployé à la droite de Manning, ce qui signifierait qu’il serait confronté au demi de coin Josh Norman dimanche.

On verra bien si les Broncos décideront de l’éloigner de la couverture de Norman, mais Thomas se devra de compléter les jeux et d’être impliqué, lui qui n’a capté que six passes pour des avancées de 52 verges en deux matchs éliminatoires, ce qui est clairement insuffisant.

Les Broncos se doivent de lui offrir la chance de briller tôt dans la rencontre, quitte à le solliciter au moyen de passes pièges, une possibilité offerte par la défense de zone des Panthers.

En appliquant une pression à quatre à l’aide de leur front défensif, les Panthers demandent aux quatre joueurs de ligne de se rendre rapidement au quart-arrière pour empêcher celui-ci d’identifier les faiblesses de leur défense de zone. Pendant ce temps, les secondeurs, c’est-à-dire la deuxième ligne de défense, reculent, ce qui crée donc beaucoup d’espace pour les passes pièges.

Peyton ManningMoins puissant, toujours aussi rusé

De toute évidence, Manning devra faire preuve de beaucoup de patience face aux Panthers.

Manning a tout vu ou presque au fil de sa vénérable carrière. Tellement, que les Panthers devront retarder autant que possible – idéalement jusqu’à ce que Manning ait le ballon entre les mains – l’analyse et la prise de décision de ce dernier. Permettre à Manning de décortiquer le prochain jeu avant même la remise est en effet très hasardeux.

Son bras n’est peut-être plus aussi puissant, son pied amoché et il est tout sauf mobile, mais Manning a encore toute sa tête. Contre une défense de zone comme celle des Panthers, il ne se gênera pas pour semer de fausses pistes à l’aide d’un regard trompeur ou d’une feinte de passe.

C’est à coup de petits jeux que Manning devra permettre à son attaque de traverser le terrain et cogner à la porte des buts. La défense de zone des Panthers n’accorde que très rarement de coup de circuit. En deux matchs éliminatoires contre les Seahawks et les Cardinals, qui avaient réussi un total de 126 jeux de plus de 20 verges, les Panthers n’en ont alloué que trois.

Voilà une autre raison pour laquelle le calme et le sang-froid de Manning promettent d’être mis à profit.

Tout cela m’amène à ma prédiction...

D’entrée de jeu, notons qu’il est difficile de ne pas favoriser le rouleau compresseur qu’ont été les Panthers de la Caroline. Comme je le signalais plus tôt cette semaine dans cette tribune, je n’aurais pas donné cher de la peau des Broncos s’ils n’avaient pu jouir que d’une semaine de repos et de préparation entre leur victoire sur les Patriots et le Super Bowl.

La semaine supplémentaire dont ils ont pu profiter me convainc toutefois de me ranger de leur côté et de prédire leur victoire. Sept jours de plus ne peut pas nuire aux deux équipes, cela va de soit, mais j’estime que ce sont les Broncos qui en soutireront le plus d’avantages. Ce sont eux qui en avaient le plus besoin pour se préparer à affronter l’attaque des Panthers, une bibitte unique dans la NFL.

C’est aussi profitable pour la santé de Manning. Il n’aura jamais été aussi frais et dispo au moment du botté d’envoi après n’avoir que très peu joué en deuxième moitié de saison.

Négligés, les Broncos se présenteront de plus sur le terrain sans pression, alors que personne ne leur donne de chance. Cela va également enlever de la pression sur Manning, sur qui ne repose déjà pas toute l’attaque de Denver.

Les Panthers excellent contre le jeu au sol, mais il ne faut pas oublier que pendant la majeure partie de la campagne, ils ont souvent joui de confortables avances. L’adversaire a donc souvent dû lancer le ballon.

Dans l’éventualité d’un match serré, la Caroline sera-t-elle en mesure de bien se défendre contre le jeu au sol pendant quatre quarts? Ce sera le défi des Broncos que de nous offrir cette réponse.

En éliminatoires, les Panthers n’ont alloué que 69 verges au sol en moyenne en deux rencontres, mais ils n’ont fait face qu’à 14 courses par match en moyenne. La Caroline a concédé 4,9 verges par course en moyenne en éliminatoires, ce qui est relativement élevé.

On parle beaucoup de Newton, avec raison, mais c’est peut-être le bon vieux Peyton qui va sortir une bonne performance. Qui sait? Les Broncos ont à mon avis de meilleures chances de l’emporter parce que je les juge capables de garder le match serré.

Impliqués dans 14 matchs décidés par un écart de sept points ou moins cette saison, les Broncos ont signé 11 gains en pareilles circonstances. Cette équipe ne l’a pas toujours eu facile, mais elle a su faire preuve de résilience et rester unie dans les moments critiques.

Résumons donc. Les Broncos ont la défense pour empêcher les Panthers de se doter d’une confortable avance tôt dans le match et ils protègent bien le ballon.

Quelle a été la recette des récents succès des Panthers en éliminatoires? Un départ canon et profiter des revirements des adversaires...

Les Broncos ont ce qu’il faut pour surprendre la planète football.

*Propos recueillis par RDS.ca