MONTRÉAL – La dernière étape du parcours demeure la plus difficile à accomplir, mais si Maurice Simba parvenait à s’établir dans la NFL, les producteurs à Hollywood auraient à leur portée une excellente suite pour le film Blind Side, inspiré de l’histoire de Michael Oher.

 

Né à Kinshasa, en République démocratique du Congo, Simba a été éprouvé, vers l’âge de 12 ans, par la mort de son père en 2006. Alors qu’il n’avait que trois ans, sa mère a quitté son pays natal pour le Québec dans le but de le faire émigrer par la suite. L’attente aura finalement duré 15 ans si bien qu’il a été élevé par ses grands-parents.

 

Arrivé en sol québécois en 2012, l’adaptation a été difficile et ce fut la même chose avec le football américain.

 

« J’ai détesté le football à ma première année! J’ai compris que tu dois aimer ce que tu viens faire. Si tu n’as pas le bon état d’esprit, tu n’auras jamais de succès », a révélé Simba qui est aujourd’hui reconnu pour son leadership et sa bonne humeur attachante.

 

« Il n’a pas menti tantôt quand il disait qu’il n’aimait pas venir au terrain de foot ni aux pratiques. D’abord, il ne comprenait pas le sport et il n’avait pas les techniques. C’était difficile au début parce qu’il n’aimait pas le football. Je lui ai suggérer d’essayer d’aimer le football puisque quelque chose de bien pourrait lui arriver. Je suis content qu’il ait écouté mon conseil, mais tout le mérite lui revient. Il a vraiment progressé et il a sauté dans l’aventure », a confirmé Paul-Eddy Saint-Vilien, l’entraîneur qui a semé la graine en lui.

 

Si vous n’avez pas encore fait le calcul, on vous souligne que bien des équipes de la NFL s’intéressent maintenant à lui après un peu plus de six années à assimiler ce sport. En janvier, lors du NFLPA Collegiate Bowl, Simba a rencontré plus d’une vingtaine d’équipes. Mardi, les 49ers, les Bears, les Packers, les Jets et les Browns avaient délégué un représentant à Montréal pour son Pro Day.

 

« La première des choses, c’est que je suis vraiment chanceux. Je regarde ce qui est arrivé dans ma vie durant les quatre dernières années (son parcours avec les Stingers de Concordia) et c’est vraiment incroyable. Voilà pourquoi c’était important pour moi que ça se déroule à Montréal. C’est ma manière de dire merci à l’Université Concordia et à la ville de Montréal d’avoir donné cette chance à cet immigrant », a exposé Simba qui souhaite ouvrir la porte à d’autres joueurs des Stingers pour les prochaines années.

 

Cette évolution fascinante  se compare à son physique gigantesque. Malgré tout, Simba demeure un grand pari pour la NFL. D’ailleurs, personne ne prétend le contraire dans le clan de Simba qui est représenté par Sasha Ghavami, l’agent de Laurent Duvernay-Tardif.

 

« Présentement, je garde les pieds sur terre et je me dis que je veux seulement une invitation. Si je me fais repêcher, je vais remercier le seigneur. Je veux juste une invitation pour prouver ce que je peux faire.

 

« Je ne tiens rien pour acquis. Je parlais à ma mère lundi et je lui disais que rien n’était garanti pour la NFL. Je pourrais bien jouer dans la LCF la saison prochaine, je vais prendre toutes les opportunités. Je me sens déjà privilégié d’être ici, je n’étais pas supposé me retrouver là », a-t-il développé.

 

Ghavami ne fait pas de cachettes lorsqu’on lui demande le mot que les recruteurs utilisent le plus souvent pour le décrire.

 

« C’est beaucoup le mot raw (brut). La question est de savoir s’il est trop brut. Est-ce que le pari en vaudra la peine? Il a le physique, mais voilà ce qu’il faut voir. Dans la NFL, ce ne sont pas toutes les équipes qui sont prêtes à développer, à prendre le temps avec un joueur. On le sait tous, c’est probablement l’une des ligues qui gère le plus à court terme », a admis l’agent.

 

Après quelques mois à temps plein dans le gymnase et sur le terrain, le produit fini s’annonce bien différent.

 

« Le Maurice que l’on voit aujourd’hui, ce ne sera pas le même Maurice qu’on verra dans un an, deux ou trois ans. C’est tout en son honneur parce qu’il est déjà un très bon joueur. Le potentiel est énorme dans son cas et ce size, il ne partira jamais », a déclaré Ghavami qui pense surtout à la LCF, et non à la XFL ou l’AAF, si la NFL ne fonctionne pas.

 

L’âge de Simba – il a eu 25 ans en février - ne joue pas en sa faveur. Cela dit, Ghavami ne croit pas que ce facteur l’empêchera d’obtenir la chance désirée.   

 

« Les équipes de la NFL bâtissent beaucoup sur le court terme. S’ils voient en lui un projet qui pourra jouer pendant deux, trois ou quatre années, ça vaut quand même la peine, mais il faut qu’ils mettent le temps de développement », a-t-il argué.

 

De manière réaliste, l’agent ne s’attend pas à recevoir un appel confirmant sa sélection lors du repêchage en avril. Il prévoit plutôt le scénario d’une invitation ou d’un contrat sans avoir été repêché. 

 

À quelque part, ce serait une option pratiquement plus adaptée à son identité qui exige un raffinement.

 

« C’est le plan de développement (qui compte) et ça passe par l’entraîneur de la ligne offensive. Si on reçoit plusieurs offres, on va regarder la stabilité du personnel d’entraîneurs et l’occasion d’avoir un entraîneur qui veut le développer et qui sera patient, voilà ce qu’on veut. Du style ‘Tu sais quoi, on peut faire quelque chose avec ce gars-là’ », a précisé son conseiller.

 

Collinson l’avait ignoré avec le Rouge et Or

 

Simba a abouti avec les Stingers puisque des équipes comme le Rouge et Or de l’Université Laval et les Carabins de l’Université de Montréal n’ont pas cru qu’il se développerait de cette manière.

 

« C’est drôle, j’étais à Laval quand c’était le temps de le recruter. J’ai jasé pas mal avec Glen (Constantin, l’entraîneur du Rouge et Or) et on se disait qu’on a manqué notre coup avec lui. C’est grâce à ses efforts et le coaching qu’il s’est rendu jusque-là », a témoigné Collinson.

 

D’ailleurs, Constantin a déjà admis à Simba qu’il s’était trompé à son sujet. Collinson reconnaît que le colosse avait toute une montagne à gravir avant de pouvoir s’imposer au niveau universitaire.

 

« Oui, ça fait juste six ans qu’il joue et uniquement trois ans qu’il voit beaucoup d’action sur le terrain. Mo, c’est un projet à long terme. On ne peut pas toujours avoir raison et se faire dire non est devenu une motivation pour lui », a souligné Collinson.

 

Simba a hâte d’aider financièrement

 

Le premier à lui avoir donné sa chance, ça restera toujours Saint-Vilien au CÉGEP Montmorency.

 

« Quand il m’a dit qu’il voulait que je vienne à son Pro Day, c’était beaucoup d’émotions. Je me rappelle de lui quand il est entré dans mon bureau, le jeune qui ne connaissait pas vraiment le football. C’est un peu ça, notre paie. Je ressens une certaine fierté, je suis vraiment heureux pour lui et ma fierté est énorme », a admis Saint-Vilien qui ne voulait pas accorder d’entrevue au départ pour laisser toute la place à Simba.

 

Saint-Vilien parlait de sa paie au sens figuré. Franc comme il sait l’être, Simba a évoqué sa situation financière au sens propre quand un confrère cherchait à savoir s’il se voyait davantage comme bloqueur à gauche ou à droite.

 

« Si tu me paies, je peux jouer centre pour ton équipe ! Je suis trop cassé maintenant, je veux simplement aider ma mère. Je veux aussi montrer aux recruteurs que je n’ai besoin que d’une chance », a lancé Simba qui se voit d’abord faire une transition vers cette prochaine étape en jouant comme garde.

 

L’argent viendra sous peu, mais ce n’est pas l’unique façon dont il va contribuer. Sa personnalité sera très précieuse à l’équipe qui le recrutera.

« C’est un jeune homme extraordinaire! Il a toujours de l’énergie et il est toujours de bonne humeur. Il est très soucieux des autres. Quand il voit que tu n’es pas dans ton assiette, il veut savoir pourquoi. Il est comme le grand frère de tout le monde même s’il est un gros nounours. La ligne offensive, c’est un groupe tissé serré et son enthousiasme va être contagieux. Il procure définitivement un plus à une équipe, juste par sa personne », a ciblé Saint-Vilien qui devrait ainsi rendre fiers sa mère, son défunt père et les gens de son pays natal.