Un exploit colossal que je n'oublierai jamais
Super Bowl lundi, 3 févr. 2020. 19:03 dimanche, 15 déc. 2024. 00:31Je suis champion du Super Bowl. Ce sont là six mots bien simples, mais aussi tellement plaisants à prononcer.
La frénésie qui entoure les Chiefs n’est pas sur le point de s’estomper, au lendemain de notre victoire devant les 49ers de San Francisco dans le match ultime qu’on attendait tant. Et cette frénésie, j’ai envie – malgré le manque de sommeil! – de la savourer avec les gens qui me sont chers.
Difficile d’imaginer un scénario plus satisfaisant que de remporter les plus grands honneurs de son sport en complétant une remontée aussi épique. C’est un privilège unique de l’avoir fait devant parents et amis qui étaient dans les estrades. Mon père et ma mère étaient présents, ma copine Florence aussi, ainsi que tout ma gang. Ils avaient amené avec eux pancartes et banderoles qui faisaient qu’ils étaient faciles à identifier. On se regardait de loin en se faisant des signes.
Je n’en reviens pas d’avoir pu partager avec mon entourage toute la joie qui m’habite et ma fierté d’avoir réussi un accomplissement aussi colossal. Ce sont des gens qui ont été présents dès mes premiers pas dans le football, ce qui rend l’intensité de l’émotion encore plus vive. Il y a mon équipe sur le terrain. Mais eux, je les appelle mon équipe « off the field ». Et qu’ils le sachent ou non, ils en font énormément au quotidien pour faire de moi une meilleure personne, un meilleur athlète.
Une vague d’amour sans précédent
Ça ne fait que deux heures que je suis de retour à Kansas City, et déjà, j’ai ressenti que la ville en entier est entrée en mode célébrations. À notre arrivée à l’aéroport, l’accueil qu’on nous réservait était absolument dément. Une immense fierté s’est emparée des citoyens de la ville. Ces réjouissances seront à leur comble mercredi, j’en suis convaincu, lorsque l’équipe va parader dans le centre-ville avec le trophée Vince-Lombardi, le premier gagné par la franchise en un demi-siècle.
Je n’arrive pas à trouver les mots pour vous exprimer à quel point j’ai été reconnaissant de la vague d’amour qui a déferlé à mon endroit et celui des Chiefs depuis que notre présence au Super Bowl s'est confirmée.
La quantité de messages de soutien reçus pendant ma préparation a largement dépassé ce à quoi j’aurais pu m’imaginer. À un point tel que j’ai pris la décision, à trois jours du grand match, de supprimer les applications de réseaux sociaux de mon téléphone, de Facebook à Instagram en passant par Twitter. C’était devenu plus gros que ce dont j’avais besoin afin de pouvoir performer. Je ne voulais pas que l’enthousiasme (le « hype », pour utiliser un terme anglophone) devienne disproportionné par rapport au contexte.
Après la victoire, j’ai réactivé les différentes plateformes sur mon cellulaire, et ça me dépasse, le volume de commentaires positifs et d’encouragements de toutes sortes qui m’ont été adressés. Je me considère privilégié de bénéficier d’un soutien aussi marquant de la part des Québécois. Ça rend l’expérience encore plus significative; tu le fais pour toi, pour ton équipe, la ville que tu représentes, mais aussi pour la communauté qui a contribué à faire de toi l’humain que tu es aujourd’hui. De savoir qu’à Montréal et ailleurs dans la province, il y avait une raison d’applaudir une équipe plus qu’une autre, et que cette raison était ma présence dans l’équipe, c’est inestimable et ça fait chaud au cœur. Je suis content qu’on n’ait pas déçu les nouveaux fans des Chiefs qu’on vient de gagner au Québec.
Tellement mérité pour Reid!
Je suis content que Didier Orméjuste m’ait permis durant l’entrevue d’après-match sur le terrain de rendre mon hommage à notre entraîneur-chef Andy Reid, dont c’était aussi le 1er triomphe au Super Bowl après une vingtaine d’années dans le coaching. Il est un entraîneur marquant dans l’histoire de la NFL qui méritait d’avoir sa bague du Super Bowl. Ce n’est pas pour rien qu’il s’attire partout où il va respect et admiration. Chacun de nous a une place spéciale dans son cœur pour lui et il est une des raisons pour lesquelles chacun était prêt à y mettre corps et âme.
À lire également
Ça fait six ans que je suis un membre des Chiefs, et une partie considérable de mes succès sont attribuables à ce que cet homme a fait pour moi. Ce qui fait de lui quelqu’un d’unique et d’authentique, c’est qu’il excelle à faire de ses joueurs non seulement les meilleurs athlètes possible, mais aussi les meilleurs humains possible. Il nous donne toujours du feedback tellement constructif.
Dès le jour 1, Andy Reid a cru à mon projet de balancer football professionnel et médecine. Ce ne sont pas tous les entraîneurs-chefs de cette ligue qui auraient été aussi compréhensifs envers ma réalité. Après le match, on était sur le podium, prêts à recevoir le trophée Vince-Lombardi des mains du commissaire Roger Goodell, et j’ai pris le coach dans mes bras pour le remercier de l’opportunité qu’il a offerte en 2014 à un joueur de ligne offensive recrue issu de Montréal. J’avais beaucoup de chemin à faire pour m’adapter en ce qui a trait aux différentes techniques, notamment.
Pourtant il a cru en moi, en mon potentiel de faire ma place dans cette ligue. Cette histoire-là qui est la mienne dans la NFL n’aurait pu s’écrire sans sa présence et je ne vous cacherai pas que ç’a été quelques secondes émouvantes en compagnie du coach.
L’attaque sans caucus a tout changé
Vers la fin du 3e quart, on était vraiment en eaux troubles. Le danger de passer à côté de notre moment nous guettait de plus en plus. On avait eu deux bonnes séries offensives en 1re demie, mais depuis le début de la 2e, les choses cliquaient moins. Les Niners, eux, avaient inscrit des points au tableau tout en écoulant du temps au tableau.
Dans sa grande clairvoyance, Coach Reid a jugé que le meilleur moyen de nous ramener dans le match était d’opter pour la cadence sans caucus. Le fait d’accélérer le tempo du jeu était probablement la façon la plus appropriée de fatiguer la dangereuse ligne défensive de nos adversaires. Ils étaient en mode « chasseurs de quart », et tout le monde dans le stade le savait étant donné l’écart de 10 points.
Il y a donc un danger réel quand tu déploies cette stratégie. C’est n’est plus ni moins qu’un couteau à deux tranchants. Si durant les 4 ou 5 premiers jeux, la défense se rend à notre quart Patrick Mahomes et l’embête, la situation se complique davantage. Mais si tu réussis en tant que ligne offensive à passer la tempête, soudainement la défense cherche son souffle et devient vulnérable.
Toi aussi, tu es plus fatigué dans une cadence sans caucus. Mais tu prends pour acquis que c’est de l’autre côté de la ligne de mêlée que se perdent plus d’énergies, notamment en terme de cardio.
C’est par l’utilisation de l’attaque sans caucus qu’on a réussi à marquer le touché de Travis Kelce, puis le premier du match de Damien Williams quelques instants plus tard.
Le tout s’est terminé avec la séquence qui a mené au long majeur de Williams sur une course, au moment où tout le Hard Rock Stadium était conscient que la course s’en venait pour égrainer des secondes. Le mot d’ordre des entraîneurs était « First down is game », dans le sens que d’obtenir un premier essai allait enlever pratiquement toute chance aux 49ers de ravoir la possession du ballon avec un pointage de 24-20. Eh bien ce fut finalement « Touchdown is game » qui a prévalu, à notre plus grand plaisir! On a levé les bras au ciel et un large sourire illuminait nos visages; on savait qu'on venait de porter le coup fatal.
Les moments propices aux célébrations ne manqueront pas dans les prochains jours avec le défilé prévu mercredi et le retour en sol montréalais vers la fin de la semaine. L’objectif est donc de me créer une petite bulle au cours des 36 prochaines heures en compagnie de Florence, qui est également revenue avec moi à la maison. Par la suite, reprise des festivités avec les gens de Kansas City, puis au Québec. S’il y a un moment qui serait bien choisi pour me remettre de ces émotions fortes et me refaire des forces avant que ça reparte de plus belle, c’est maintenant!
Entre-temps, je vous remercie une fois de plus d’avoir été derrière moi ces dernières semaines. Votre soutien n’est pas passé inaperçu.
* propos recueillis par Maxime Desroches